Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 4 février 2021, M. D... C..., représenté par Me Cécile Madeline, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler la décision du 17 octobre 2018 par laquelle le préfet de l'Eure lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Maritime de lui délivrer une carte de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ou, à titre subsidiaire de réexaminer sa situation, dans le délai de huit jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat, au titre des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, une somme de 1 500 euros au profit de Me Madeline, qui renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Anne Khater, première conseillère, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. D... C..., ressortissant sénégalais né le 3 août 1981, est entré sur le territoire français le 1er mai 2011, sous couvert d'un visa de court séjour d'une durée de quatorze jours, puis a rejoint le Portugal en 2012, avant d'entrer à nouveau en France au cours de l'année 2014. Le 3 juillet 2014, il a sollicité son admission au séjour dans l'attente de la délivrance d'un certificat de nationalité française. Par un arrêté du 10 avril 2015, le préfet de la Seine-Maritime lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour et l'a obligé à quitter le territoire français. Le 27 mai 2015, il a été placé en rétention. Par un jugement du 1er juin 2015, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Rouen a annulé le placement en rétention et a sursis à statuer dans l'attente du jugement du tribunal de grande instance de Lille sur la question préjudicielle relative à la nationalité de l'intéressé. Par un jugement du 18 octobre 2016, le tribunal de grande instance de Lille a rejeté l'action déclaratoire de nationalité et constaté l'extranéité de l'intéressé. Par un jugement du 7 février 2017, le tribunal administratif de Rouen a rejeté la demande de M. C... tendant à l'annulation de l'arrêté du 10 avril 2015. Le 26 mai 2018, il s'est marié à une ressortissante française, Mme B... E..., mère de deux enfants issus d'une première union. Le 26 septembre 2018, M. C... a sollicité la délivrance d'un titre de séjour en qualité de conjoint de français. Par un arrêté du 17 octobre 2018, le préfet de l'Eure a rejeté sa demande, l'a obligé à quitter le territoire français sans délai et a fixé le pays de renvoi. Par un autre arrêté du même jour, il a assigné M. C... à résidence pour une durée de quarante-cinq jours renouvelable. M. C... a formé devant le tribunal administratif de Rouen un recours pour excès de pouvoir à l'encontre de ces deux arrêtés. Par un jugement du 12 novembre 2018, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rouen a renvoyé les conclusions dirigées contre la décision portant refus de séjour devant une formation collégiale et a rejeté le surplus de la demande de M. C.... Par un jugement n° 1804212 du 24 juillet 2020, le tribunal administratif de Rouen a rejeté la demande de M. C... renvoyée devant lui. M. C... relève appel de ce jugement.
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa numérotation alors en vigueur: " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : / (...) 4° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, marié avec un ressortissant de nationalité française, à condition que la communauté de vie n'ait pas cessé depuis le mariage, que le conjoint ait conservé la nationalité française et, lorsque le mariage a été célébré à l'étranger, qu'il ait été transcrit préalablement sur les registres de l'état civil français ; (...). L'article L. 313-2 du même code dispose : " Sous réserve des engagements internationaux de la France et des exceptions prévues par les dispositions législatives du présent code, la première délivrance de la carte de séjour temporaire et celle de la carte de séjour pluriannuelle mentionnée aux articles L. 313-20, L. 313-21, L. 313-23 et L. 313-24 sont subordonnées à la production par l'étranger du visa de long séjour mentionné aux 1° ou 2° de l'article L. 311-1. ". Aux termes de l'article L. 211-2-1 du même code : " (...) Le visa de long séjour ne peut être refusé à un conjoint de Français qu'en cas de fraude, d'annulation du mariage ou de menace à l'ordre public. (...) Lorsque la demande de visa de long séjour émane d'un étranger entré régulièrement en France, marié en France avec un ressortissant de nationalité française et que le demandeur séjourne en France depuis plus de six mois avec son conjoint, la demande de visa de long séjour est présentée à l'autorité administrative compétente pour la délivrance d'un titre de séjour (...) ".
3. Il résulte de la combinaison de ces dispositions que la production d'un visa de long séjour, délivré le cas échéant selon les modalités fixées au sixième alinéa de l'article L. 211-2-1, est au nombre des conditions auxquelles est subordonnée la délivrance d'une carte de séjour temporaire en qualité de conjoint de français sur le fondement du 4° de l'article L. 313-11. En vertu de l'article L. 211-2-1 du même code, la délivrance par l'autorité préfectorale de ce visa, qui ne peut être refusé qu'en cas de fraude, d'annulation du mariage ou de menace à l'ordre public, est subordonnée à la justification d'une entrée régulière sur le territoire français et d'une communauté de vie de six mois entre les époux.
4. Il est constant que M. C..., qui est entré sur le territoire français en 2011, l'a quitté pour s'installer au Portugal et ne revenir en France qu'en 2014, sans être titulaire d'un visa de long séjour ou d'un titre de séjour. Ainsi, nonobstant la circonstance qu'il estimait être de nationalité française, laquelle ne lui a au demeurant pas été reconnue à l'issue de la procédure diligentée devant le tribunal de grande instance de Lille, M. C... ne peut être regardé comme étant entré régulièrement sur le territoire français et ne peut dès lors, se voir délivrer un visa de long séjour sur place. M. C... n'est donc pas fondé à soutenir que la décision portant refus de séjour a été prise en méconnaissance des dispositions du 4° de l'article L. 313-11 et de l'article L. 211-2-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Ce moyen doit être écarté.
5. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) / 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. (...) ". L'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dispose que : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / (...) ".
6. Il ressort des pièces du dossier que M. C... ne résidait en France de manière continue à la date de la décision contestée que depuis trois ans. De son union avec Mme E..., qu'il a épousée moins de six mois avant l'édiction de cet arrêté n'est issue aucun enfant et la vie commune n'est établie tout au plus qu'à compter du mois d'octobre 2017. En outre, aucune des pièces versées au dossier ne permet d'établir que la pathologie dont est atteinte Mme C... requerrait de manière indispensable la présence quotidienne de son époux à ses côtés. Si M. C... se prévaut également de la présence en France de son père de nationalité française, il ne justifie pas, par les seules pièces qu'il produit et notamment des billets de trains entre le Havre et Evreux, de la nature et l'intensité des liens qu'il entretient avec ce dernier. En outre, sa mère et sa fratrie demeurent au Sénégal, où il a vécu jusqu'à l'âge de 30 ans. Enfin, la circonstance que M. C... soit titulaire d'une promesse d'embauche en qualité d'aide animateur au sein de " l'Amicale laïque Evreux Est " ne suffit pas à démontrer l'intensité de son intégration socioprofessionnelle sur le territoire français. Dans ces conditions, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doivent être écartés.
7. Aux termes du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. ". Dès lors que la décision contestée n'a pas pour effet ni pour objet de priver les deux enfants de l'épouse de M. C... A... la présence de l'un de leurs parents, M. C... ne peut utilement se prévaloir de la méconnaissance de ces stipulations.
8. Pour les mêmes raisons qu'énoncées aux deux points précédents, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation qu'aurait commise le préfet quant aux conséquences de sa décision sur la situation personnelle de l'intéressé doit également être écarté.
9. En dernier lieu, compte tenu de ce qui a été dit précédemment, M. C... n'est pas au nombre des étrangers pouvant obtenir de plein droit la délivrance d'une carte de séjour temporaire en application des dispositions précitées des 4° et 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il n'établit ni même ne soutient avoir par ailleurs résidé en France pendant une période de plus de dix ans. Ainsi, le préfet n'était pas tenu de soumettre son cas à la commission du titre de séjour avant de rejeter sa demande de titre de séjour. Par suite, le moyen tiré de ce que le préfet de l'Eure n'a pas consulté cette commission, avant de lui opposer un refus de séjour, doit également être écarté.
10. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte et celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... C..., au ministre de l'intérieur et à Me Madeline.
Copie sera adressée au préfet de l'Eure.
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N° 21DA00249