Par une requête, enregistrée le 5 avril 2020, Mme B..., représentée par Me F... D..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler les arrêtés du 10 septembre 2019 du préfet du Nord ;
3°) d'enjoindre au préfet de procéder au réexamen de sa situation et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans l'attente de ce réexamen, dans un délai de quinze jours à compter de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 contre renonciation de la part de ce conseil au bénéfice de la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.
----------------------------------------------------------------------------------------------------------
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- la loi n° 2020-1379 du 14 novembre 2020 ;
- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme A... C..., présidente de chambre, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme B..., ressortissante algérienne née le 3 avril 1981, est entrée en France le 14 novembre 2014. Sa demande d'asile a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides par une décision du 26 août 2015, décision confirmée par la Cour nationale du droit d'asile le 6 septembre 2016. Elle relève appel du jugement du 24 septembre 2019 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation des arrêtés du 10 septembre 2019 par lesquels le préfet du Nord lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination de cette mesure, a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an et l'a assignée à résidence pour une durée de quarante-cinq jours.
Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :
2. Il ressort des termes de l'arrêté attaqué que le préfet du Nord a fait état de la situation de la requérante notamment du point de vue de l'irrégularité de son séjour dès lors que sa demande d'asile a été rejetée. Il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet du Nord n'aurait pas procédé à un examen sérieux et particulier de la situation de Mme B... avant de prendre à son encontre la décision portant obligation de quitter le territoire français. La seule circonstance que la décision en litige ne fasse pas état de la présence en France des deux frères de la requérante, titulaires d'un titre de séjour en cours de validité, ne révèle pas à elle seule une absence d'examen. Par suite, le moyen tiré du défaut d'examen particulier doit être écarté.
3. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. (...) ".
4. Il ressort des pièces du dossier que Mme B... est entrée en France le 14 novembre 2014 à l'âge de trente-trois ans, accompagnée de ses trois enfants mineurs et qu'elle se maintient irrégulièrement sur le territoire français depuis le rejet définitif de sa demande d'asile. Si Mme B... a été mariée à un compatriote, M. G..., qui réside en Algérie, dont elle s'est séparée en raison des violences conjugales dont elle a été victime et dont elle est divorcée depuis le mois d'octobre 2019, elle ne justifie d'aucune insertion professionnelle sur le territoire français. La circonstance que l'intéressée puisse justifier d'un engagement associatif au sein de l'association " la Pioche " et qu'elle s'occupe bénévolement de sa soeur ne suffit pas établir qu'elle a déplacé le centre de ses intérêts privés en France. Si Mme B... se prévaut aussi de la présence en France de ses deux frères, titulaires d'un titre de séjour en cours de validité, elle n'établit pas qu'elle serait isolée en cas de retour en Algérie, où elle a vécu la majeure partie de sa vie. Dès lors, le préfet du Nord n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels la décision a été prise. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté. Pour les mêmes motifs, le préfet du Nord n'a pas entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation.
5. Aux termes des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. "
6. Il ressort des pièces du dossier que les enfants de Mme B..., nés en 2005, 2010 et 2011, sont scolarisés en classe de 5ème, CM1, et CE2. Toutefois, Mme B... n'établit pas que la cellule familiale ne pourrait se reconstituer hors de France et, notamment, en Algérie, pays dont tous ont la nationalité et où ses enfants pourront poursuivre leur scolarité. Dès lors, le préfet du Nord, dont la décision contestée n'a ni pour objet, ni pour effet de séparer la requérante de ses enfants, n'a pas porté à l'intérêt supérieur de ces derniers une atteinte méconnaissant les stipulations du point 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.
Sur la décision portant refus de délai de départ volontaire :
7. Aux termes du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) L'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : / (...) 3° S'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation. Ce risque est regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : / a) Si l'étranger, qui ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour ; / (...) f) Si l'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut justifier de la possession de documents d'identité ou de voyage en cours de validité, ou qu'il a dissimulé des éléments de son identité, ou qu'il n'a pas déclaré le lieu de sa résidence effective ou permanente, ou qu'il s'est précédemment soustrait aux obligations prévues par les articles L. 513-4, L. 552-4, L. 561-1 et L. 561-2 (...) ".
8. La décision portant refus de délai de départ volontaire vise les dispositions du d) et du h) du 3° du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et précise que Mme B... dispose de documents d'identité ou de voyage en cours de validité, d'une résidence effective, qu'elle a déclaré vouloir se maintenir sur le territoire national et qu'elle s'est soustraie à une mesure d'éloignement antérieure. La décision attaquée comporte ainsi les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Par suite, le moyen tiré du défaut de motivation doit être écarté.
9. Mme B... réitère ses moyens tirés de ce que la décision en litige est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle et qu'elle méconnaît le II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Cependant, elle n'apporte pas en appel d'éléments nouveaux de fait ou de droit de nature à remettre en cause l'appréciation portée par le premier juge sur ces moyens. Par suite, il y a lieu, par adoption des motifs retenus à bon droit par le premier juge, de les écarter.
10. Il résulte de ce qui a été dit ci-dessus, que le moyen tiré, par la voie de l'exception, de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français à l'encontre de la décision portant refus d'octroi d'un délai de départ volontaire, doit être écarté.
Sur la décision fixant le pays de destination :
11. La décision fixant le pays de destination vise notamment les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Elle précise la nationalité de Mme B... et indique que celle-ci n'établit pas être exposée à des peines ou traitements contraires à ces dispositions, ni aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de retour dans son pays d'origine. Par suite, Mme B... n'est pas fondée à soutenir que la décision fixant le pays de destination ne serait pas régulièrement motivée au regard des exigences des articles L. 211-2 et L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration.
12. Aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui fait l'objet d'une mesure d'éloignement est éloigné : 1° A destination du pays dont il a la nationalité, sauf si l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou la Cour nationale du droit d'asile lui a reconnu le statut de réfugié ou lui a accordé le bénéfice de la protection subsidiaire ou s'il n'a pas encore été statué sur sa demande d'asile ; / 2° Ou à destination du pays qui lui a délivré un document de voyage en cours de validité ; / 3° Ou à destination d'un autre pays dans lequel il établit être légalement admissible. / Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (...) ". Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. "
13. Si Mme B... soutient qu'elle encourrait des risques pour sa vie en cas de retour en Algérie, en raison des violences conjugales subies de la part de son mari, l'intéressée, dont la demande d'asile a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides par une décision du 26 août 2015, confirmée par la Cour nationale du droit d'asile le 6 septembre 2016, n'établit pas l'impossibilité pour elle d'obtenir une protection de la part des autorités algériennes et de vivre séparément de son ex-mari, dont elle est divorcée depuis le mois d'octobre 2019. Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doivent être écartés.
14. Il résulte de ce qui a été dit ci-dessus, que le moyen tiré, par la voie de l'exception, de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français à l'encontre de la décision fixant le pays de destination, doit être écarté.
Sur la décision prononçant une interdiction de retour sur le territoire français :
15. Aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) Lorsqu'elle ne se trouve pas en présence du cas prévu au premier alinéa du présent III, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, assortir l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée maximale de deux ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français. / (...) / La durée de l'interdiction de retour mentionnée aux premier, sixième et septième alinéas du présent III ainsi que le prononcé et la durée de l'interdiction de retour mentionnée au quatrième alinéa sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. (...) ".
16. Il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet du Nord n'aurait pas procédé à un examen sérieux et particulier de la situation de la requérante avant de prendre à son encontre la décision portant interdiction de retour le territoire français. La seule circonstance que la décision en litige ne fasse pas état de la présence en France des deux frères de l'intéressée, titulaires d'un titre de séjour en cours de validité, ne révèle pas à elle seule une absence d'examen. Par suite, le moyen tiré du défaut d'examen particulier doit être écarté. Pour les mêmes motifs, la décision contestée n'est pas entachée d'une erreur de fait.
17. Il ressort des pièces du dossier que Mme B... est entrée en France le 14 novembre 2014 et, alors qu'elle a fait l'objet d'une mesure d'éloignement en date du 25 juillet 2017, elle s'est maintenue irrégulièrement sur le territoire français depuis le rejet définitif de sa demande d'asile. En outre, elle a déclaré lors de son audition administrative réalisée le 10 septembre 2019 par les services de la police aux frontières, vouloir se maintenir sur le territoire français. Dès lors, le préfet du Nord n'a pas méconnu les dispositions du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ni commis d'erreur manifeste d'appréciation en prononçant à son encontre une interdiction de retour en France d'une durée d'un an.
18. Enfin, pour les mêmes motifs que ceux évoqués aux points 4 et 6, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et celles de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doivent être écartés.
Sur la décision d'assignation à résidence :
19. Aux termes de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I.- L'autorité administrative peut prendre une décision d'assignation à résidence à l'égard de l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français mais dont l'éloignement demeure une perspective raisonnable, lorsque cet étranger : / (...)5° Fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français prise moins d'un an auparavant et pour laquelle le délai pour quitter le territoire est expiré ou n'a pas été accordé ; / (...) ".
20. La décision ordonnant l'assignation à résidence de Mme B... indique les considérations de droit et de fait sur lesquelles elle se fonde. Elle vise notamment les dispositions du 5° de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et précise que l'intéressée a fait l'objet par arrêté du même jour, d'une obligation de quitter le territoire français, qu'elle dispose d'un passeport et qu'elle justifie d'un domicile. Il ne ressort pas non plus des pièces du dossier que le préfet du Nord n'aurait pas procédé à un examen sérieux et particulier de la situation de la requérante avant de l'assigner à résidence. En outre, la mise en oeuvre des dispositions des articles L. 561-1 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'est pas conditionnée à l'existence d'un risque de fuite. Par suite, les moyens tirés du défaut d'examen particulier de la situation personnelle de la requérante et du défaut de motivation et, notamment, quant aux circonstances particulières justifiant le recours à l'assignation à résidence, doivent être écartés.
21. Il ressort des pièces du dossier que la requérante, qui a fait l'objet d'une décision l'obligeant à quitter le territoire français sans délai prise par le préfet du Nord concomitamment à la mesure d'assignation à résidence, dispose d'un passeport en cours de validité et présente des garanties de représentation suffisantes. Il ne ressort d'aucune pièce du dossier que son éloignement du territoire n'était pas une perspective raisonnable. Le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit donc être écarté.
22. Il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que le moyen tiré, par la voie de l'exception, de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français à l'encontre de la décision d'assignation à résidence, doit être écarté.
23. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte et celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E... B..., au ministre de l'intérieur et à Me F... D....
Copie sera adressée au préfet du Nord.
N°20DA00610 2