Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 6 juillet 2018, le ministre de l'agriculture et de l'alimentation demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. D... et l'EARL D....
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code rural et de la pêche maritime ;
- la loi n° 2014-1170 du 13 octobre 2014 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Muriel Milard, premier conseiller,
- et les conclusions de Mme Anne-Marie Leguin, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. M. A... et l'EARL A... ont demandé, le 19 juin 2015, l'autorisation d'exploiter une superficie de 13 ha 90 a 65 ca de terres situées sur le territoire de la commune de Courcelles Epayelles, auparavant mises en valeur par M. D... et l'EARL D.... Par lettre du 2 septembre 2015, le préfet de l'Oise a informé le demandeur de la prolongation du délai d'instruction de sa demande jusqu'au 18 décembre 2015. Après consultation de la commission départementale d'orientation de l'agriculture le 1er décembre 2015, une décision tacite d'autorisation est née le 18 décembre 2015. Le préfet de l'Oise a, par un arrêté du 23 décembre 2015, accordé à M. A... et l'EARL A... l'autorisation demandée. Le ministre de l'agriculture et de l'alimentation relève appel du jugement du 12 juin 2018 du tribunal administratif d'Amiens qui, après avoir regardé les conclusions de la demande dirigées contre l'autorisation tacite d'exploiter née du silence gardé par le préfet de l'Oise sur la demande présentée par l'EARL A... comme dirigées contre l'arrêté du 23 décembre 2015, qui s'y est substitué, a annulé cet arrêté.
2. Pour annuler l'arrêté en litige, les premiers juges ont estimé que le préfet de l'Oise qui s'était borné à produire l'arrêté du 22 octobre 2015 par lequel il a chargé M. F... d'exercer par intérim les fonctions de directeur départemental des territoires de l'Oise, ne justifiait pas que ce dernier ait reçu délégation à fin de signer les autorisations d'exploiter délivrées en application de l'article R. 331-6 du code rural et de la pêche maritime. Le ministre de l'agriculture et de l'alimentation produit en cause d'appel un arrêté du 23 octobre 2015, régulièrement publié au recueil spécial des actes administratifs de la préfecture de l'Oise du 5 novembre 2015, par lequel le préfet de l'Oise a donné délégation à M. C... F..., directeur départemental des territoires de l'Oise par intérim, à compter du 7 novembre 2015 jusqu'à la prise de fonctions du nouveau directeur, à l'effet de signer tous actes, documents administratifs, rapports, conventions, certificats, correspondances dans le cadre des missions de sa direction dont l'autorisation d'exploiter en litige. Par suite, le ministre de l'agriculture et de l'alimentation est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif d'Amiens a annulé l'arrêté en litige au motif qu'il aurait été pris par une autorité incompétente.
3. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. D... et l'EARL D... à l'encontre de l'arrêté attaqué devant le tribunal administratif d'Amiens.
4. En premier lieu, aux termes du IX de l'article 93 de la loi n° 2014-1170 du 13 octobre 2014 d'avenir pour l'agriculture, l'alimentation et la forêt : " - Les schémas directeurs régionaux des exploitations agricoles mentionnés à l'article L. 312-1 du code rural et de la pêche maritime, dans sa rédaction résultant de la présente loi, sont arrêtés dans un délai d'un an à compter de sa publication. / Jusqu'à l'entrée en vigueur du schéma directeur régional des exploitations agricoles, le contrôle des structures s'applique selon les modalités, les seuils et les critères définis par le schéma directeur des structures agricoles de chaque département (...) ". Aux termes de l'article 4 du décret du 22 juin 2015 relatif au schéma directeur régional des exploitations agricoles et au contrôle des structures des exploitations agricoles : " I. - Les articles 2 et 3 du présent décret entrent en vigueur à la même date que le schéma directeur régional des exploitations agricoles. II. - Les demandes et déclarations déposées en application des I ou II de l'article L. 331-2 dans sa rédaction antérieure à la loi du 13 octobre 2014 susvisée avant la date mentionnée au I, ainsi que, le cas échéant, les dossiers concurrents relevant des mêmes dispositions, déposés après cette date, demeurent soumis aux dispositions des articles R. 331-1 à R. 331-12 dans leur rédaction antérieure au présent décret ".
5. Le schéma directeur des exploitations agricoles de la région Nord-Pas-de-Calais-Picardie, étant entré en vigueur le 29 juin 2016 et la demande d'autorisation d'exploiter ayant été formulée par M. A... et l'EARL A... le 18 juin 2015, ce sont ainsi les dispositions des articles L. 331-3 et R. 331-6 du code rural et de la pêche maritime dans leur version en vigueur avant la publication de la loi du 13 octobre 2014 qui sont applicables au présent litige. En conséquence, le préfet de l'Oise n'a pas méconnu les dispositions précitées de la loi du 13 octobre 2014 en faisant application des dispositions des articles L. 331-3 et R. 331-6 du code rural et de la pêche maritime dans leur version en vigueur avant la publication de cette loi. Par suite, le moyen tiré de l'erreur de droit doit être écarté.
6. En deuxième lieu, aux termes de l'article R. 331-6 du code rural et de la pêche maritime, dans sa rédaction applicable au présent litige : " I. - Le préfet dispose d'un délai de quatre mois à compter de la date d'enregistrement du dossier complet mentionnée dans l'accusé de réception pour statuer sur la demande. / Il peut, par décision motivée, fixer ce délai à six mois à compter de cette date, notamment en cas de candidatures multiples soumises à l'avis de la commission départementale d'orientation de l'agriculture ou de consultation du préfet d'un autre département. Il en avise alors les intéressés dans les meilleurs délais par lettre recommandée avec accusé de réception ou remise contre récépissé (...). A défaut de notification d'une décision dans le délai de quatre mois à compter de la date d'enregistrement du dossier ou, en cas de prorogation de ce délai, dans les six mois à compter de cette date, l'autorisation est réputée accordée. (...) ".
7. Il ressort des pièces du dossier que par une lettre du 2 septembre 2015, le préfet de l'Oise a informé l'EARL A..., pétitionnaire, de la prolongation au 18 décembre 2015 du délai d'instruction de sa demande qui a été déclarée complète le 18 juin 2015. Dans la mesure où les dispositions précitées de l'article R. 331-16 du code rural et de la pêche maritime ne prévoient qu'une notification au pétitionnaire, M. D... et l'EARL D... ne peuvent utilement soutenir que la décision préfectorale du 2 septembre 2015 fixant à six mois le délai d'instruction de la demande de l'EARL A... ne leur a pas été notifiée.
8. En troisième lieu, aux termes de l'article R. 331-6 du code rural et de la pêche maritime dans sa rédaction antérieure à celle du décret du 22 juin 2015 : " (...) II. - La décision d'autorisation ou de refus d'exploiter prise par le préfet doit être motivée au regard des critères énumérés à l'article L. 331-3 (...) ". Aux termes de l'article L. 331-3 du même code dans sa rédaction applicable au présent litige : " L'autorité administrative se prononce sur la demande d'autorisation en se conformant aux orientations définies par le schéma directeur départemental des structures agricoles applicable dans le département dans lequel se situe le fonds faisant l'objet de la demande. Elle doit notamment : 1° Observer l'ordre des priorités établi par le schéma départemental entre l'installation des jeunes agriculteurs et l'agrandissement des exploitations agricoles, en tenant compte de l'intérêt économique et social du maintien de l'autonomie de l'exploitation faisant l'objet de la demande ; / 2° S'assurer, en cas d'agrandissement ou de réunion d'exploitations, que toutes les possibilités d'installation sur une exploitation viable ont été considérées ; / 3° Prendre en compte les biens corporels ou incorporels attachés au fonds dont disposent déjà le ou les demandeurs ainsi que ceux attachés aux biens objets de la demande en appréciant les conséquences économiques de la reprise envisagée ; / 4° Prendre en compte la situation personnelle du ou des demandeurs, notamment en ce qui concerne l'âge et la situation familiale ou professionnelle et, le cas échéant, celle du preneur en place ; / 5° Prendre en compte la participation du demandeur ou, lorsque le demandeur est une personne morale, de ses associés à l'exploitation directe des biens objets de la demande dans les conditions prévues à l'article L. 411-59 ; / 6° Tenir compte du nombre d'emplois non-salariés et salariés permanents ou saisonniers sur les exploitations concernées ; / 7° Prendre en compte la structure parcellaire des exploitations concernées, soit par rapport au siège de l'exploitation, soit pour éviter que des mutations en jouissance ne remettent en cause des aménagements réalisés à l'aide de fonds publics ; / 8° Prendre en compte la poursuite d'une activité agricole bénéficiant de la certification du mode de production biologique ; / 9° Tenir compte de l'intérêt environnemental de l'opération. / L'autorisation peut n'être délivrée que pour une partie de la demande, notamment si certaines des parcelles sur lesquelles elle porte font l'objet d'autres candidatures prioritaires. Elle peut également être conditionnelle ou temporaire ".
9. Pour accorder à M. A... et à l'EARL A..., l'autorisation d'exploiter une superficie de 13 ha 90 a 65 ca de terres, le préfet de l'Oise, après avoir cité les articles L. 331-1 à L. 331-12 du code rural et l'avis favorable émis à l'unanimité par la commission départementale d'orientation de l'agriculture le 23 octobre 2015, a comparé la situation du demandeur et du preneur en place au regard de leur âge, leur situation familiale et professionnelle et de la situation géographique de chacune des exploitations par rapport aux terres demandées. Il a relevé que M. A... exploitait avec son épouse au sein de l'EARL A... avec l'aide d'un salarié permanent 168 ha 98 a de terres en système polyculture et que M. D... exploitait avec sa mère au sein de l'EARL D... avec l'aide d'un salarié permanent 235 ha de terres également en polyculture. Il a précisé que la demande présentée par M. A... lui permettrait d'agrandir son exploitation et qu'elle ne remettrait pas en cause la viabilité de celle de M. D..., après s'être fondé sur les dispositions du schéma directeur départemental des structures agricoles de l'Oise du 19 mai 2003. Ainsi la motivation de l'arrêté en litige satisfait aux exigences posées par les dispositions précitées des articles L. 331-3 et R. 331-6 du code rural et de la pêche maritime même si elle ne précise pas en quoi la demande de l'EARL A... ne remet pas en cause la viabilité de leur exploitation.
10. En quatrième lieu, le préfet de l'Oise a comparé la situation du demandeur et du preneur en place au regard de leur âge, leur situation familiale et professionnelle et de la situation géographique de chacune des exploitations par rapport aux terres demandées et a estimé que la demande présentée par M. A... lui permettrait d'agrandir son exploitation et qu'elle ne remettrait pas en cause la viabilité de celle de M. D.... Il ne s'est ainsi pas fondé, contrairement à ce qui est soutenu, sur le caractère familial du projet et n'a, par suite, pas méconnu les dispositions précitées de l'article L. 331-3 du code rural et de la pêche maritime. Pour les mêmes motifs, c'est sans commettre d'erreur d'appréciation que le préfet de l'Oise a estimé que la reprise envisagée de 13 hectares de terres permettait de conforter l'EARL A..., conformément aux critères fixés par l'article L. 331-3 du code rural et de la pêche maritime précité, sans démembrer ou mettre en péril la viabilité économique de l'exploitation du preneur en place qui exploite 235 ha de terres.
11. Enfin, il est constant que les terres objet de la demande de M. A... et de l'EARL A... ne faisaient pas l'objet d'une demande concurrente, M. D... et l'EARL D..., ne pouvant être regardés en leur qualité de preneurs en place comme concurrents. Par suite, ces derniers ne peuvent utilement soutenir que le préfet de l'Oise aurait dû faire application de l'ordre des priorités prévu par le schéma directeur départemental des structures agricoles dès lors que celui-ci n'est applicable que lorsque les terres objet de la demande font l'objet d'une demande concurrente.
12. Il résulte de tout ce qui précède que le jugement contesté doit être annulé et la demande de première instance de M. D... et de l'EARL D... rejetée.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1600594 du 12 juin 2018 du tribunal administratif d'Amiens est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. D... et l'EARL D... devant le tribunal administratif d'Amiens est rejetée.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'agriculture et de l'alimentation, à M. B... D... et à l'EARL D....
Copie sera adressée à M. E... A..., à l'EARL A... et au préfet de l'Oise.
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N°18DA01393