1°) d'annuler le jugement n° 1705979 du 18 juillet 2017 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 4 juillet 2017 par lequel le préfet du Nord a décidé son transfert aux autorités italiennes et a prononcé son assignation à résidence pendant quarante cinq jours ;
3°) d'enjoindre au même préfet de procéder à un réexamen de sa situation et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et de lui restituer sans délai l'attestation de dépôt de sa demande d'asile ;
4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, à charge pour son conseil de renoncer au bénéfice de l'aide juridictionnelle en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le traité sur l'Union européenne et le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le règlement européen n° 603/2013/CE du 26 juin 2013 ;
- le règlement européen n° 604/2013/CE du 26 juin 2013 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Marc Lavail Dellaporta, président-assesseur, a été entendu au cours de l'audience publique.
1. Considérant que MmeB... A..., ressortissante nigériane née le 2 février 1988, qui déclare être entrée en France le 16 janvier 2017, a sollicité auprès du préfet du Nord le 30 janvier 2017 son admission au séjour au titre de l'asile ; que la consultation du fichier " Eurodac " a révélé que les empreintes digitales de l'intéressée avaient été enregistrées en Italie le 2 septembre 2015 ; que le préfet du Nord a saisi les autorités italiennes le 9 mars 2017 d'une demande de prise en charge, en application de l'article 13.1 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013, qui a fait l'objet d'un accord implicite le 23 mars 2017 ; que Mme A...relève appel du jugement du 18 juillet 2017 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 4 juillet 2017 du préfet du Nord ordonnant son transfert aux autorités italiennes et prononçant son assignation à résidence pendant quarante-cinq jours ;
Sur le transfert aux autorités italiennes :
2. Considérant qu'aux termes des dispositions de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " Droit à l'information / 1. Dès qu'une demande de protection internationale est introduite au sens de l'article 20, paragraphe 2, dans un État membre, ses autorités compétentes informent le demandeur de l'application du présent règlement, et notamment : / a) des objectifs du présent règlement et des conséquences de la présentation d'une autre demande dans un État membre différent ainsi que des conséquences du passage d'un État membre à un autre pendant les phases au cours desquelles l'État membre responsable en vertu du présent règlement est déterminé et la demande de protection internationale est examinée ; / b) des critères de détermination de l'État membre responsable, de la hiérarchie de ces critères au cours des différentes étapes de la procédure et de leur durée, y compris du fait qu'une demande de protection internationale introduite dans un État membre peut mener à la désignation de cet État membre comme responsable en vertu du présent règlement même si cette responsabilité n'est pas fondée sur ces critères ; / c) de l'entretien individuel en vertu de l'article 5 et de la possibilité de fournir des informations sur la présence de membres de la famille, de proches ou de tout autre parent dans les États membres, y compris des moyens par lesquels le demandeur peut fournir ces informations ; / d) de la possibilité de contester une décision de transfert et, le cas échéant, de demander une suspension du transfert ; / e) du fait que les autorités compétentes des États membres peuvent échanger des données le concernant aux seules fins d'exécuter leurs obligations découlant du présent règlement ; / f) de l'existence du droit d'accès aux données le concernant et du droit de demander que ces données soient rectifiées si elles sont inexactes ou supprimées si elles ont fait l'objet d'un traitement illicite, ainsi que des procédures à suivre pour exercer ces droits, y compris des coordonnées des autorités visées à l'article 35 et des autorités nationales chargées de la protection des données qui sont compétentes pour examiner les réclamations relatives à la protection des données à caractère personnel. / 2. Les informations visées au paragraphe 1 sont données par écrit, dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend. Les États membres utilisent la brochure commune rédigée à cet effet en vertu du paragraphe 3. / Si c'est nécessaire à la bonne compréhension du demandeur, les informations lui sont également communiquées oralement, par exemple lors de l'entretien individuel visé à l'article 5. / 3. La Commission rédige, au moyen d'actes d'exécution, une brochure commune ainsi qu'une brochure spécifique pour les mineurs non accompagnés, contenant au minimum les informations visées au paragraphe 1 du présent article. Cette brochure commune comprend également des informations relatives à l'application du règlement (UE) n° 603/2013 et, en particulier, à la finalité pour laquelle les données relatives à un demandeur peuvent être traitées dans Eurodac. La brochure commune est réalisée de telle manière que les États membres puissent y ajouter des informations spécifiques aux États membres. Ces actes d'exécution sont adoptés en conformité avec la procédure d'examen visée à l'article 44, paragraphe 2, du présent règlement " ; et qu'aux termes des dispositions de l'article 5 du même règlement : " Entretien individuel / 1. Afin de faciliter le processus de détermination de l'État membre responsable, l'État membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. Cet entretien permet également de veiller à ce que le demandeur comprenne correctement les informations qui lui sont fournies conformément à l'article 4 " ;
3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que MmeA..., qui a déposé une demande d'asile le 30 janvier 2017, s'est vu remettre, ainsi qu'en atteste sa signature, le guide du demandeur d'asile, rédigé en langue anglaise qu'elle a déclaré comprendre, lors de l'enregistrement de sa demande d'asile comme en témoigne son formulaire de demande d'asile ; qu'elle a bénéficié d'un entretien individuel le 30 janvier 2017 assuré par un agent de la préfecture exerçant ses fonctions au sein de la section de l'asile ; que la seule circonstance que le préfet du Nord produise la couverture de la brochure revêtue de la signature de l'étranger demandeur d'asile n'implique pas que l'intégralité de la brochure n'a pas été communiquée ; qu'aucune disposition du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 n'impliquait que l'agent de la préfecture mentionne son nom sur la fiche relatant cet entretien et qu'il signe ce document ; que, par ailleurs, aucun élément du dossier n'établit que cet agent dont le préfet soutient sans être contredit qu'il était chargé spécifiquement du suivi de ce type d'entretien, n'aurait pas été qualifié en vertu du droit national ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des articles 4 et 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 doit être écarté ;
4. Considérant qu'aux termes des dispositions de l'article 21 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 susvisé : " 1. L'État membre auprès duquel une demande de protection internationale a été introduite et qui estime qu'un autre État membre est responsable de l'examen de cette demande peut, dans les plus brefs délais et, en tout état de cause, dans un délai de trois mois à compter de la date de l'introduction de la demande au sens de l'article 20, paragraphe 2, requérir cet autre État membre aux fins de prise en charge du demandeur. / Nonobstant le premier alinéa, en cas de résultat positif (" hit ") Eurodac avec des données enregistrées en vertu de l'article 14 du règlement (UE) n°603/2013, la requête est envoyée dans un délai de deux mois à compter de la réception de ce résultat positif en vertu de l'article 15, paragraphe 2, dudit règlement. / Si la requête aux fins de prise en charge d'un demandeur n'est pas formulée dans les délais fixés par le premier et les deuxièmes alinéas, la responsabilité de l'examen de la demande de protection internationale incombe à l'État membre auprès duquel la demande a été introduite. (...) " ; qu'aux termes de l'article 18 de ce règlement : " 1. L'État membre responsable en vertu du présent règlement est tenu de : (...) b) reprendre en charge, dans les conditions prévues aux articles 23, 24, 25 et 29, le demandeur dont la demande est en cours d'examen et qui a présenté une demande auprès d'un autre État membre ou qui se trouve, sans titre de séjour, sur le territoire d'un autre État membre (...) " et qu'aux termes de l'article 22 de ce même règlement : " 1. Lorsqu'un État membre auprès duquel une personne visée à l'article 18, paragraphe 1, point b), c) ou d), a introduit une nouvelle demande de protection internationale estime qu'un autre État membre est responsable conformément à l'article 20, paragraphe 5, et à l'article 18, paragraphe 1, point b), c) ou d), il peut requérir cet autre État membre aux fins de reprise en charge de cette personne. / 2. Une requête aux fins de reprise en charge est formulée aussi rapidement que possible et, en tout état de cause, dans un délai de deux mois à compter de la réception du résultat positif Eurodac (" hit "), en vertu de l'article 9, paragraphe 5, du règlement (UE) n° 603/2013. / 3. Lorsque la requête aux fins de reprise en charge n'est pas formulée dans les délais fixés au paragraphe 2, c'est l'État membre auprès duquel la nouvelle demande est introduite qui est responsable de l'examen de la demande de protection internationale. (...) " ; qu'enfin, aux termes de l'article 25 de ce règlement : " 1. L'État membre requis procède aux vérifications nécessaires et statue sur la requête aux fins de reprise en charge de la personne concernée aussi rapidement que possible et en tout état de cause dans un délai n'excédant pas un mois à compter de la date de réception de la requête. Lorsque la requête est fondée sur des données obtenues par le système Eurodac, ce délai est réduit à deux semaines. / 2. L'absence de réponse à l'expiration du délai d'un mois ou du délai de deux semaines mentionnés au paragraphe 1 équivaut à l'acceptation de la requête, et entraîne l'obligation de reprendre en charge la personne concernée, y compris l'obligation d'assurer une bonne organisation de son arrivée. " ;
5. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le préfet du Nord a indiqué, dans l'arrêté contesté, avoir saisi, le 9 mars 2017, soit dans le délai de deux mois visé à l'article 21 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, les autorités italiennes d'une demande de reprise en charge sur le fondement des dispositions, précitées au point 3, de l'article 18 paragraphe 1. b) du même règlement et estimé qu'un accord implicite avait été rendu le 23 mars 2017 ; qu'il ressort des pièces produites par l'autorité préfectorale, et notamment d'un accusé de réception Dublinet, réseau privé d'échange intranet entre les Etats membres de l'Union européenne, émis le 9 mars 2017 à 10 heures, que la requête aux fins de reprise en charge de Mme A...a bien été transmise aux autorités italiennes le 9 mars 2017 ; qu'en outre, il est constant que les autorités italiennes n'ont donné aucune réponse à cette demande de reprise en charge dans les délais d'un mois ou de deux semaines mentionnés au paragraphe 1 de l'article 25 du règlement n° 604/2013 du 23 juin 2013 et qu'ainsi, en tout état de cause, les autorités italiennes qui, contrairement à ce qu'affirme la requérante, par l'émission d'un accusé de réception Dublinet ont bien reçu la demande, doivent être regardées comme ayant tacitement donné leur accord à l'expiration de ces délais ; qu'il s'ensuit que le préfet du Nord a pu légalement, compte tenu de l'existence de cet accord implicite, prononcer le transfert de l'intéressée vers l'Italie ;
6. Considérant qu'aux termes du 3 de l'article 21 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 susvisé : " Dans les cas visés aux paragraphes 1 et 2, la requête aux fins de prise en charge par un autre État membre est présentée à l'aide d'un formulaire type et comprend les éléments de preuve ou indices tels qu'ils figurent dans les deux listes mentionnées à l'article 22, paragraphe 3, et/ou les autres éléments pertinents tirés de la déclaration du demandeur qui permettent aux autorités de l'État membre requis de vérifier s'il est responsable au regard des critères définis dans le présent règlement. La Commission adopte, par voie d'actes d'exécution, des conditions uniformes pour l'établissement et la présentation des requêtes aux fins de prise en charge. Ces actes d'exécution sont adoptés en conformité avec la procédure d'examen visée à l'article 44, paragraphe 2 " ;
7. Considérant que le fait que les autorités italiennes n'aient pas été saisies d'une demande présentée à l'aide d'un formulaire-type, est sans incidence sur la régularité de la procédure ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance du 3 de l'article 21 du règlement précité doit être écarté ;
Sur l'assignation à résidence :
8. Considérant qu'aux termes de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I.-L'autorité administrative peut prendre une décision d'assignation à résidence à l'égard de l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français mais dont l'éloignement demeure une perspective raisonnable, lorsque cet étranger : 1° Doit être remis aux autorités compétentes d'un Etat membre de l'Union européenne en application des articles L. 531-1 ou L. 531-2 ou fait l'objet d'une décision de transfert en application de l'article L. 742-3 (...) " ; qu'aux termes de l'article R. 742-4 du même code : " L'autorité administrative détermine le périmètre dans lequel l'étranger assigné à résidence en application de l'article L. 742-2 est autorisé à circuler muni des documents justifiant de son identité et de sa situation administrative et au sein duquel est fixée sa résidence. (...) " ;
9. Considérant qu'en l'absence d'illégalité de la décision du 4 juillet 2017 du préfet du Nord ordonnant son transfert aux autorités italiennes, Mme A...n'est pas fondée à soutenir que la décision portant assignation à résidence serait illégale en conséquence de l'illégalité de la décision ordonnant son transfert aux autorités italiennes ;
10. Considérant que la décision attaquée mentionne de façon suffisamment circonstanciée pour permettre à Mme A...de les discuter, les motifs de droit et les circonstances de fait qui en constituent le fondement ; que la circonstance que la motivation soit erronée, à la supposer établie, ne caractérise pas une insuffisance de motivation ; que par suite, le moyen doit être écarté ;
11. Considérant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet du Nord n'aurait pas procédé à un examen sérieux de la situation personnelle de Mme A...; que par suite, le moyen doit être rejeté ;
12. Considérant que les dispositions précitées des articles L. 561-2, R. 561-2 et des trois derniers alinéas de l'article L. 561-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile font obligation à l'autorité administrative de déterminer le périmètre dans lequel l'étranger assigné à résidence est autorisé à circuler muni des documents justifiant de son identité et de sa situation administrative et au sein duquel est fixée sa résidence ;
13. Considérant que les limites de l'arrondissement de Lille sont définies par le décret du 10 septembre 1926 pris en application de l'article 1er de la loi du 3 août 1926 et le tableau annexé à ce décret ; que Mme A...n'est donc pas fondée à soutenir que le périmètre dans lequel elle est assignée à résidence est déterminé de manière insuffisamment précise ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article R. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté ;
14. Considérant que si, contrairement à ce qu'indique l'arrêté attaqué, Mme A...ne dispose pas d'un hébergement à l'hôtel Formule 1 de Lesquin, établissement dont il n'est pas contesté qu'il était fermé et n'était pas en mesure de recevoir du public à la date de la décision attaquée, il ressort du dispositif de l'arrêté attaqué que Mme A...n'a pu et n'est au demeurant pas assignée à résider dans cet hôtel ; que, par suite, le moyen tiré de l'erreur de fait doit être écarté ;
Sur les conclusions à fin d'injonction :
15. Considérant que le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation, n'implique aucune mesure particulière d'exécution ; que par suite, les conclusions à fin d'injonction doivent être rejetées ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :
16. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante à la présente instance, une somme au titre des frais exposés par Mme A... non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B...A..., au ministre de l'intérieur et à Me D...C....
Copie sera adressée au préfet du Nord.
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N°17DA02059