Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 6 novembre 2017, le préfet du Nord, représenté par la SELARL Claisse et associés, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du magistrat désigné du tribunal administratif de Lille du 18 septembre 2017 ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. H...devant ce tribunal.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés et le protocole signé à New-York le 31 janvier 1967 ;
- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- le règlement (UE) n°603/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- le règlement (UE) n°604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- le règlement d'exécution (UE) n° 118/2014 de la commission du 30 janvier 2014 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus, au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Jean-François Papin, premier conseiller ;
- et les observations de Me G...C..., représentant le préfet du Nord.
1. Considérant qu'en vertu de l'article L. 742-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, lorsque l'autorité administrative estime que l'examen d'une demande d'asile relève de la compétence d'un autre Etat qu'elle entend requérir, l'étranger bénéficie du droit de se maintenir sur le territoire français jusqu'à la fin de la procédure de détermination de l'Etat responsable de l'examen de sa demande et, le cas échéant, jusqu'à son transfert effectif à destination de cet Etat ; que le règlement (UE) n°604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale présentée dans l'un des Etats membres par un ressortissant d'un pays tiers ou un apatride pose en principe, dans le paragraphe 1 de son article 3, qu'une demande d'asile est examinée par un seul Etat membre, cet Etat étant déterminé par application des critères fixés par son chapitre III, dans l'ordre énoncé par ce chapitre ;
2. Considérant que, pour annuler, par le jugement attaqué du 18 septembre 2017, la décision du 11 septembre 2017 du préfet du Nord prescrivant le transfert de M.H..., ressortissant camerounais, vers l'Italie, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a estimé que le seul rapprochement, par le service de la préfecture, du nom et du prénom de l'intéressé, apposée au regard du numéro d'identification d'un demandeur d'asile en Italie sur une fiche extraite du fichier Eurodac et d'un numéro attribué par le ministère de l'intérieur ne pouvait suffire à identifier avec certitude M. H..., qui s'était vu par ailleurs attribuer un numéro différent dans le fichier national des étrangers, ainsi que deux autres numéros dans le fichier Eurodac, comme ayant formé une demande d'asile auprès des autorités italiennes et que, par suite, l'intéressé, qui contestait formellement avoir accompli une telle démarche auprès de cette autorité, était fondé à soutenir que le préfet du Nord n'avait pu sans erreur de droit prescrire estimer que l'intéressé était dans une situation permettant son transfert vers l'Italie ;
3. Considérant toutefois qu'en vertu de l'annexe II au règlement (UE) n° 118/2014 du 30 janvier 2014 constitue une preuve pour la détermination de l'Etat membre responsable de l'examen de la demande d'asile, le résultat positif fourni par Eurodac par suite de la comparaison des empreintes du demandeur avec les empreintes collectées au titre de l'article 9 du règlement " Eurodac " ; qu'il résulte, en outre, des dispositions de l'article 11 du règlement n° 603/2013 recensant les données enregistrées dans le système Eurodac, qu'une personne y est identifiée non pas par son identité mais par le numéro de référence attribué par l'Etat membre où ses empreintes ont été prises à l'origine ; que l'article 24 de ce règlement précise que, dans ce numéro de référence, le chiffre suivant la ou les lettres d'identification désignant l'Etat membre indique la catégorie de personne ou de demande ; qu'il résulte de l'application combinée de cet article et des articles 9 et 14 du même règlement que le chiffre " 1 " désigne les demandeurs de protection internationale et que le chiffre " 2 " désigne les personnes interpellées lors du franchissement irrégulier d'une frontière en provenance d'un pays tiers ;
4. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le document émanant de la direction générale des étrangers en France en date du 22 mars 2017 relève que les recherches sur le fichier européen Eurodac à partir du relevé décadactylaire de M. H...ont permis de constater que les empreintes de l'intéressé sont identiques à celles relevées le 26 mai 2016 par les autorités italiennes sous le numéro IT 2 CAOOKF2 et le 16 juin 2016 par les mêmes autorités sous le numéro IT l CAOOKPB, puis sous le numéro JT 2 CAOOKP8 ; qu'il en résulte que l'intéressé, après avoir vu une première fois ses empreintes digitales relevées à l'occasion de son entrée irrégulière sur le territoire italien, a été enregistré le 16 juin 2016 en Italie comme ayant pénétré irrégulièrement sur le territoire de cet Etat et comme y ayant déposé, le même jour, une demande d'asile ; que, par suite, en l'absence de tout élément de nature à remettre en cause la correspondance relevée par le système Eurodac, quand bien même M. H...s'était vu par ailleurs, dans le cadre de l'examen de sa situation, attribuer des numéros d'identifiant différents par le ministère de l'intérieur et par la préfecture, le préfet du Nord devait être regardé comme rapportant la preuve que l'Etat membre responsable de l'examen de la demande d'asile du requérant était l'Italie ; que, par suite, le préfet du Nord est fondé à soutenir que le magistrat désigné par le tribunal administratif de Lille a retenu à tort que, faute de pouvoir établir avec certitude, par les mentions portées sur ce document, que M. H...avait effectivement formé une demande d'asile auprès des autorités italiennes, la décision prescrivant le transfert de l'intéressé vers l'Italie était entachée d'erreur de droit ; qu'il en résulte que le magistrat a prononcé à tort, pour ce motif, l'annulation de cette décision ainsi, par voie de conséquence, que celle de l'autre décision contenue dans l'arrêté contesté du 11 septembre 2017 assignant M. H... à résidence dans le département du Nord ;
5. Considérant toutefois qu'il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens invoqués par M. H...devant le tribunal administratif de Lille ;
Sur la légalité de la décision de transfert :
6. Considérant qu'en vertu de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, toute décision de transfert doit prendre la forme d'un acte écrit motivé pris par l'autorité administrative et notifié à l'intéressé ; que le même article ajoute que, lorsque l'intéressé n'est pas assisté d'un conseil, les principaux éléments de la décision lui sont communiqués dans une langue dont il est raisonnable de penser qu'il la comprend ;
7. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la décision de transfert du 11 septembre 2017 en litige a été signée pour le préfet du Nord par Mme B...E..., attachée principale d'administration de l'Etat, adjointe au directeur de l'immigration et de l'intégration de la préfecture du Nord ; que, par un arrêté du 18 mai 2017, régulièrement publié le même jour au recueil des actes administratifs de la préfecture du Nord, lequel est disponible sur le site internet des services de l'Etat dans le département du Nord, le préfet du Nord avait donné à MmeE..., en cas d'absence ou d'empêchement de M.D..., directeur de l'immigration et de l'intégration, délégation à l'effet de signer notamment les décisions de transfert de ressortissants étrangers prises en application de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier et n'est pas même allégué que le directeur de l'immigration et de l'intégration n'aurait pas été absent ou empêché ; que, par suite, le moyen tiré par M. H...de ce que la décision prescrivant son transfert en Italie aurait été prise par une autorité incompétente doit être écarté comme manquant en fait ;
8. Considérant qu'il ressort des motifs de l'arrêté du 11 septembre 2017 en litige que ceux-ci, qui ne se bornent pas à reproduire des formules préétablies, comportent l'énoncé des considérations de droit et de fait sur lesquelles se fonde la décision de transférer M. H...à destination de l'Italie et permettent notamment d'identifier celui des critères prévus par le règlement (UE) n°604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 dont le préfet du Nord a entendu faire application ; que ces motifs, par lesquels le préfet n'était pas tenu, dès lors que l'intéressé n'avait fait état d'aucune circonstance particulière justifiant qu'il en soit fait application, d'exposer expressément les raisons pour lesquelles il estimait ne pas devoir faire usage de la clause discrétionnaire prévue par l'article 17 du même règlement et qui précisent que, compte tenu de la situation personnelle et familiale de M.H..., son transfert ne porterait pas une atteinte excessive à sa vie privée et familiale, constituent, par suite, une motivation suffisante au regard de l'exigence notamment posée par les dispositions de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ainsi que par celles de l'article L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration ;
9. Considérant qu'aux termes de l'article 4 du règlement n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 : " (...) 1. Dès qu'une demande de protection internationale est introduite au sens de l'article 20, paragraphe 2, dans un État membre, ses autorités compétentes informent le demandeur de l'application du présent règlement, et notamment : a) des objectifs du présent règlement et des conséquences de la présentation d'une autre demande dans un État membre différent ainsi que des conséquences du passage d'un État membre à un autre pendant les phases au cours desquelles l'État membre responsable en vertu du présent règlement est déterminé et la demande de protection internationale est examinée ; b) des critères de détermination de l'État membre responsable, de la hiérarchie de ces critères au cours des différentes étapes de la procédure et de leur durée, y compris du fait qu'une demande de protection internationale introduite dans un État membre peut mener à la désignation de cet État membre comme responsable en vertu du présent règlement même si cette responsabilité n'est pas fondée sur ces critères ; c) de l'entretien individuel en vertu de l'article 5 et de la possibilité de fournir des informations sur la présence de membres de la famille, de proches ou de tout autre parent dans les États membres, y compris des moyens par lesquels le demandeur peut fournir ces informations ; d) de la possibilité de contester une décision de transfert et, le cas échéant, de demander une suspension du transfert ; e) du fait que les autorités compétentes des États membres peuvent échanger des données le concernant aux seules fins d'exécuter leurs obligations découlant du présent règlement ; f) de l'existence du droit d'accès aux données le concernant et du droit de demander que ces données soient rectifiées si elles sont inexactes ou supprimées si elles ont fait l'objet d'un traitement illicite, ainsi que des procédures à suivre pour exercer ces droits, y compris des coordonnées des autorités visées à l'article 35 et des autorités nationales chargées de la protection des données qui sont compétentes pour examiner les réclamations relatives à la protection des données à caractère personnel. / 2. Les informations visées au paragraphe 1 sont données par écrit, dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend. (...) " et qu'aux termes de l'article L. 111-8 du code des relations entre le public et l'administration : " Lorsqu'il est prévu aux livres II, V et VI et à l'article L. 742-3 du présent code qu'une décision ou qu'une information doit être communiquée à un étranger dans une langue qu'il comprend, cette information peut se faire soit au moyen de formulaires écrits, soit par l'intermédiaire d'un interprète. L'assistance de l'interprète est obligatoire si l'étranger ne parle pas le français et qu'il ne sait pas lire. / (...) " ;
10. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier et notamment d'un procès-verbal émis par le service de la préfecture le 22 mars 2017 et signé le même jour par M.H..., que ce dernier a été informé, dans le cadre d'un entretien individuel, de ce que ses empreintes digitales avaient été saisies dans le système Eurodac par les autorités italiennes en tant que demandeur d'asile et de ce qu'une décision de transfert vers l'Italie était, en conséquence, envisagée ; que ce même document fait apparaître que les deux brochures d'information relatives aux conditions d'application du règlement (UE) n°604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ont été remises à l'intéressé le jour même dans leur version rédigée en langue française qu'il a expressément déclaré comprendre ; qu'il ne ressort des pièces versées au dossier, que, dans ces conditions, cette remise aurait dû être effectuée par le truchement d'un interprète ; qu'enfin, il ressort des mentions du procès-verbal du 22 mars 2017 que M. H...a été expressément invité à formuler des observations écrites quant à la perspective d'une mesure de transfert vers l'Italie, en temps utile avant la notification de la décision en litige, le 11 septembre 2017, pour qu'il puisse faire état de toute information pertinente de nature à influer sur la détermination de l'Etat responsable de l'examen de sa demande d'asile ; qu'ainsi, les moyens tirés de la méconnaissance des dispositions précitées de l'article 4 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 et de l'article L. 111-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile manque en fait ;
11. Considérant qu'en vertu de l'article 5 du règlement (UE) n°604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013, afin de faciliter le processus de détermination de l'Etat membre responsable, l'Etat membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur, qui permet également de veiller à ce que ce dernier comprenne correctement les informations qui lui sont fournies, conformément à l'article 4, quant aux modalités d'application du règlement ; que cet article ajoute que, toutefois, l'entretien individuel peut ne pas avoir lieu lorsque notamment, après avoir reçu les informations visées à l'article 4, le demandeur a déjà fourni par d'autres moyens les informations pertinentes pour déterminer l'Etat membre responsable et que l'Etat membre qui se dispense de mener cet entretien donne au demandeur la possibilité de fournir toutes les autres informations pertinentes pour déterminer correctement l'Etat membre responsable avant qu'une décision de transfert du demandeur vers celui-ci soit prise ;
12. Considérant qu'il résulte de ce qui vient d'être dit au point 10 que M. H... a bénéficié, le 22 mars 2017, de l'entretien individuel prévu par les dispositions, rappelées au point précédent, de l'article 5 du règlement (UE) n° 604//2013 du 26 juin 2013 ; que, dans ces conditions, le moyen tiré de ce qu'il aurait été privé de cette garantie procédurale manque en fait ;
13. Considérant qu'en vertu de l'article L. 741-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, tout étranger présent sur le territoire français et souhaitant demander l'asile se présente en personne à l'autorité administrative compétente, qui enregistre sa demande et procède à la détermination de l'Etat responsable en application du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 26 juin 2013, établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, ou en application d'engagements identiques à ceux prévus par le même règlement ; que ce même article ajoute que, lorsque l'enregistrement de sa demande d'asile a été effectué, l'étranger se voit remettre une attestation de demande d'asile ; qu'en vertu de l'article L. 741-2 de ce code, dans le cas où l'examen de la demande d'asile de l'étranger relève de la compétence de la France, l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ne peut être saisi que si l'attestation de demande d'asile a été remise à l'intéressé ;
14. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. H...s'est vu remettre, à l'occasion de l'entretien individuel dont il a bénéficié le 22 mars 2017, l'attestation de demande d'asile visée par les dispositions rappelées au point précédent, lequel document mentionne qu'il est valable jusqu'au 21 avril 2017 et qu'il est délivré dans le cadre d'une procédure dite " Dublin " de détermination de l'Etat membre responsable de cette demande d'asile ; qu'il suit de là que le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions manque, en tout état de cause, en fait ;
15. Considérant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier, eu égard notamment à ce qui vient d'être dit aux points 8 et 4, que le préfet du Nord ne se serait pas livré à un examen suffisamment sérieux et approfondi de la situation de M. H...avant de prescrire son transfert vers l'Italie ;
16. Considérant que l'article 17 du règlement (UE) n°604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 prévoit la possibilité pour chaque Etat membre de décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans ce règlement ou de demander à un autre Etat membre de prendre l'intéressé en charge pour rapprocher tout parent pour des raisons humanitaires fondées, notamment, sur des motifs familiaux ou culturels, même si cet autre Etat membre n'est pas responsable au titre des critères fixés par ce règlement ;
17. Considérant que M. H... soutient que le préfet du Nord aurait dû le faire bénéficier de la clause discrétionnaire prévue par ces dispositions de l'article 17 du règlement ; qu'il ressort toutefois des pièces du dossier que l'intéressé, qui est célibataire et sans enfant à charge, a déclaré, au cours de son audition par les services de police, n'être entré sur le territoire français que le 21 octobre 2016, soit moins d'un an auparavant et n'a alors aucunement fait état de circonstances particulières, tirées de sa situation personnelle, qui auraient justifié que sa demande d'asile soit examinée, à titre dérogatoire, par les autorités françaises ; que l'intéressé, qui, comme il a été dit aux points 10 et 12, a été mis à même, à l'occasion de l'entretien individuel dont il a bénéficié, de faire valoir tous éléments relatif à sa situation familiale, n'a pas davantage fait alors état auprès de l'administration de la présence sur le territoire français de deux soeurs, qu'il a invoquée pour la première fois devant le tribunal administratif de Lille ; qu'il n'a produit, en première instance comme en appel, aucune pièce de nature à lui permettre de justifier de ce qu'il entretiendrait des liens étroits avec les intéressées ; que, dans ces conditions, pour estimer qu'il n'y avait pas lieu de mettre en oeuvre, à l'égard de M. H..., la disposition dérogatoire de l'article 17 du règlement (UE) n°604/2013, le préfet du Nord n'a pas méconnu cette disposition ; qu'en outre, dans ces circonstances et eu égard notamment à la durée et aux conditions du séjour de M. H..., il n'est pas établi que la décision de transférer celui-ci à destination de l'Italie aurait porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte excessive en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, pour les mêmes motifs, le moyen tiré de ce que, pour prendre cette décision, le préfet du Nord aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de celle-ci sur la situation personnelle de M. H... doit être écarté ;
18. Considérant que, pour décider, par la décision en litige, le transfert de M. H... vers l'Italie, le préfet du Nord a retenu le critère énoncé au 5 de l'article 20 du règlement (UE) n°604/2013 ; qu'en vertu de ce critère, l'Etat membre auprès duquel la demande de protection internationale a été introduite pour la première fois est tenu de reprendre en charge le demandeur qui se trouve dans un autre Etat membre sans titre de séjour ; qu'ainsi, si M. H... soulève le moyen tiré de l'expiration du délai de douze mois prévu à l'article 13 du même règlement, à l'issue duquel l'Etat en provenance duquel un demandeur d'asile a franchi irrégulièrement la frontière de l'Etat membre sur le territoire duquel il se trouve cesse d'être responsable de l'examen de sa demande de protection internationale, ce moyen, qui procède de la mise en oeuvre d'un autre critère sur lequel la décision en litige ne se fonde aucunement, est inopérant ;
19. Considérant que, si M. H... conteste avoir formé une demande d'asile auprès des autorités italiennes et, par voie de conséquence, relever du critère énoncé au 5 de l'article 20 du règlement (UE) n°604/2013 et rappelé au point précédent, il résulte de ce qui a été dit aux points 3 et 4 que les données issues du système Eurodac et reprises sur le document émanant de la direction générale des étrangers en France en date du 22 mars 2017 permettent d'identifier formellement M. H... comme ayant formé une demande d'asile en Italie ; que l'intéressé, qui ne produit aucun élément de nature à remettre en cause ce relevé, doit, par suite, être regardé comme relevant de ce critère, qui autorisait le préfet du Nord à prescrire légalement, par la décision du 11 septembre 2017 en litige, son transfert vers l'Italie en application de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, dès lors, le moyen tiré de ce que cette décision serait dépourvue de base légale doit être écarté ;
20. Considérant qu'aux termes de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 2. (...) / Lorsqu'il est impossible de transférer un demandeur vers l'État membre initialement désigné comme responsable parce qu'il y a de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet État membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'État membre procédant à la détermination de l'État membre responsable poursuit l'examen des critères énoncés au chapitre III afin d'établir si un autre État membre peut être désigné comme responsable. / Lorsqu'il est impossible de transférer le demandeur en vertu du présent paragraphe vers un État membre désigné sur la base des critères énoncés au chapitre III ou vers le premier État membre auprès duquel la demande a été introduite, l'État membre procédant à la détermination de l'État membre responsable devient l'État membre responsable " ; qu'aux termes des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants " et qu'aux termes des stipulations de l'article 5 de la même convention : " 1. Toute personne a droit à la liberté et à la sûreté. Nul ne peut être privé de sa liberté, sauf dans les cas suivants et selon les voies légales (...) " ;
21. Considérant que l'Italie étant membre de l'Union Européenne et partie tant à la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés, complétée par le protocole de New-York, qu'à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, il doit alors être présumé que le traitement réservé aux demandeurs d'asile dans cet Etat membre est conforme aux exigences de la convention de Genève ainsi qu'à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que cette présomption est toutefois réfragable lorsqu'il y a lieu de craindre qu'il existe des défaillances systémiques de la procédure d'asile et des conditions d'accueil des demandeurs d'asile dans l'Etat membre responsable, impliquant un traitement inhumain ou dégradant ; que dans cette hypothèse, il appartient à l'administration d'apprécier dans chaque cas, au vu des pièces qui lui sont soumises et sous le contrôle du juge, si les conditions dans lesquelles un dossier particulier est traité par les autorités italiennes répondent à l'ensemble des garanties exigées par le respect du droit d'asile ;
22. Considérant que si M. H... soutient qu'il existe une incapacité des institutions italiennes à traiter les demandeurs d'asile dans des conditions conformes à l'ensemble des garanties exigées par le droit d'asile en faisant référence à plusieurs rapports publiés en 2011 par des organisations non-gouvernementales, à des jugements prononcés à la même période par des tribunaux administratifs allemands et en invoquant la condamnation de l'Italie, le 21 octobre 2014, par la Cour européenne des droits de l'homme, à raison de pratiques de réadmission collectives de migrants vers la Grèce mise en oeuvre dans les ports italiens de la mer Adriatique, il n'établit pas que la situation générale dans ce pays ne permettrait pas d'assurer, à la date à laquelle l'arrêté du 11 septembre 2017 en litige a été pris, un niveau de protection suffisant aux demandeurs d'asile ni que ce pays l'exposerait à un risque personnel de traitement inhumain ou dégradant ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que sa demande ne serait pas traitée par les autorités italiennes dans des conditions conformes à l'ensemble des garanties exigées par le respect du droit d'asile ; que, par suite, les moyens tirés de ce que la décision en litige aurait été prise en méconnaissance des dispositions des articles 3.2 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 et des stipulations des articles 3 et 5 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doivent être écartés ;
Sur la légalité de l'assignation à résidence :
23. Considérant qu'aux termes des dispositions du deuxième alinéa de l'article L. 561-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La décision d'assignation à résidence est motivée (...) " et qu'aux termes de l'article L. 561-2 de ce code, dans sa rédaction alors en vigueur : " I.-L'autorité administrative peut prendre une décision d'assignation à résidence à l'égard de l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français mais dont l'éloignement demeure une perspective raisonnable, lorsque cet étranger : / 1° Doit être remis aux autorités compétentes d'un Etat membre de l'Union européenne en application des articles L. 531-1 ou L. 531-2 ou fait l'objet d'une décision de transfert en application de l'article L. 742-3 ; / (...) / Les trois derniers alinéas de l'article L. 561-1 sont applicables, sous réserve que la durée maximale de l'assignation ne puisse excéder une durée de quarante-cinq jours, renouvelable une fois. / (...) " ;
24. Considérant qu'il ressort des motifs de l'arrêté du 11 septembre 2017 en litige que ceux-ci, qui ne se bornent pas à reproduire des formules préétablies, comportent, sous le visa des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des articles L. 561-1 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'énoncé des considérations de droit et de fait sur lesquelles se fonde la décision d'assigner M. H...à résidence dans le département du Nord dans l'attente de l'exécution de la mesure de transfert dont il faisait l'objet ; que ces motifs, qui précisent que, compte tenu de la situation personnelle et familiale de M.H..., cette mesure privative de liberté ne porterait pas une atteinte excessive à sa vie privée et familiale et que, compte-tenu de l'accord implicite des autorités italiennes pour reprendre l'intéressé en charge, son transfert demeure une perspective raisonnable, constituent, par suite, une motivation suffisante au regard de l'exigence posée par les dispositions de l'article L. 561-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et par celles de l'article L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration ;
25. Considérant qu'en vertu des articles L. 561-2-1 et R. 561-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'étranger qui fait l'objet d'une décision d'assignation à résidence sur le fondement de l'article L. 561-2 de ce code se voit remettre un formulaire, rédigé dans une langue qu'il est réputé comprendre, comportant les modalités d'exercice de ses droits et sur les obligations qui lui incombent ;
26. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. H...s'est vu notifier, le 11 septembre 2017 à 15h15, un formulaire d'information conforme aux dispositions mentionnées au point précédent et rédigé en langue française, qu'il a déclaré comprendre ; que s'asissant plus particulièrement de l'obligation de pointage deux fois par semaine dans les locaux de la police aux frontières situés à Lille, l'article 5 de l'arrêté en litige précise l'adresse exacte de ce service et le formulaire d'information ajoute que tout manquement à cette obligation l'exposera à un placement en rétention administrative ; qu'il suit de là que le moyen tiré par M. H... de ce qu'il n'aurait pas été rendu destinataire, en méconnaissance des dispositions rappelées au point précédent, d'une information suffisante quant à ses droits et devoirs dans le cadre de son assignation à résidence manque en fait ;
27. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit aux points 1 à 22 que la décision de transfert n'est entachée d'aucune des illégalités invoquées ; que, par suite, le moyen tiré par M. H... de ce que la décision du même jour l'assignant à résidence dans le département du Nord devrait être annulée par voie de conséquence de l'annulation de cette décision de transfert pour l'exécution de laquelle elle a été prise ne peut qu'être écarté ;
28. Considérant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier, eu égard notamment à ce qui a été dit au point 24, que le préfet du Nord ne se serait pas livré à un examen suffisamment sérieux et approfondi de la situation de M. H...avant de l'assigner à résidence ;
29. Considérant que le préfet du Nord a pu, dans l'attente de pouvoir organiser les modalités concrètes de l'exécution du transfert de M. H...vers l'Italie, choisir d'assigner ce dernier à résidence dans le département du Nord durant quarante-cinq jours, qui est la durée maximale prévue pour une telle mesure par les dispositions précitées de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'il ne ressort d'aucune des pièces du dossier qu'en faisant ce choix le préfet du Nord aurait renoncé à sa compétence d'appréciation, ni qu'il aurait entaché sa décision d'une erreur de droit ; qu'en outre et alors qu'il ne ressort pas des pièces du dossier, ni n'est d'ailleurs allégué, que l'intéressé aurait fait état, auprès de l'autorité préfectorale, de circonstances particulières tirées de sa situation qui auraient pu justifier le choix d'une durée plus brève, pour retenir la durée de quarante-cinq jours, le préfet du Nord n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation ;
30. Considérant qu'aux termes de l'avant dernier alinéa de l'article L. 561-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui s'applique aux assignations à résidence prononcées en application de l'article L. 561-2 en vertu du neuvième alinéa de ce même article, dispose que : " L'étranger astreint à résider dans les lieux qui lui sont fixés par l'autorité administrative doit se présenter périodiquement aux services de police ou aux unités de gendarmerie. Il doit également se présenter, lorsque l'autorité administrative le lui demande, aux autorités consulaires, en vue de la délivrance d'un document de voyage. (...) L'autorité administrative peut prescrire à l'étranger la remise de son passeport ou de tout document justificatif de son identité dans les conditions prévues à l'article L. 611-2 (...) " ; qu'en vertu de l'article R. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'autorité administrative détermine le périmètre dans lequel l'étranger assigné à résidence est autorisé à circuler muni des documents justifiant de son identité et de sa situation administrative et au sein duquel est fixée sa résidence ;
31. Considérant qu'il ressort des dispositions citées au point précédent qu'une mesure d'assignation à résidence prise en application de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile consiste, pour l'autorité administrative qui la prononce, à déterminer un périmètre que l'étranger ne peut quitter et au sein duquel il est autorisé à circuler et, afin de s'assurer du respect de cette obligation, à lui imposer de se présenter, selon une périodicité déterminée, aux services de police ou aux unités de gendarmerie ; qu'une telle mesure n'a pas, en dehors des hypothèses où elle inclut une astreinte à domicile pour une durée limitée, pour effet d'obliger celui qui en fait l'objet à demeurer à son domicile ; que, dès lors, les décisions par lesquelles le préfet assigne à résidence, sur le fondement de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, les étrangers faisant l'objet d'une mesure de transfert en application de l'article L. 742-3 du même code peuvent être prononcées à l'égard des étrangers qui ne disposent que d'une simple domiciliation postale et l'indication dans de telles décisions d'une adresse qui correspond uniquement à une domiciliation postale ne saurait imposer à l'intéressé de demeurer à cette adresse ;
32. Considérant qu'eu égard à ce qui vient d'être dit au point précédent, le moyen tiré par M. H...de ce qu'il n'aurait pu légalement être assigné à résidence à une adresse qui ne constitue pas une résidence stable mais une simple boîte postale ne peut qu'être écarté ;
33. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de poser une question préjudicielle à la Cour de justice de l'Union européenne, que le préfet du Nord est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement du 18 septembre 2017, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a annulé sa décision du 11 septembre 2017 prescrivant le transfert de M. H...en Italie et, par voie de conséquence, la décision du même jour l'assignant à résidence dans le département du Nord ; qu'il suit de là que la demande présentée par l'intéressé devant le tribunal administratif de Lille doit, de même que les conclusions qu'il formule en appel au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, être rejetée ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du 18 septembre 2017 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. H...devant ce tribunal est rejetée.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur, à M. I... H...et à Me A...F....
Copie en sera adressée, pour information, au préfet du Nord.
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N°17DA02092