Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 30 novembre 2017, le préfet du Nord, représenté par la SELARL Claisse et associés, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du magistrat désigné du tribunal administratif de Lille du 25 octobre 2017 ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. A...devant ce tribunal.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le règlement (UE) n°604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus, au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Jean-François Papin, premier conseiller ;
- et les observations de Me C...B..., représentant le préfet du Nord.
1. Considérant que les articles 20 et suivants du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride fixent les règles selon lesquelles sont organisées les procédures de prise en charge ou de reprise en charge d'un demandeur d'asile par l'Etat membre responsable de l'examen de sa demande d'asile ; que ces articles déterminent notamment les conditions dans lesquelles l'Etat sur le territoire duquel se trouve le demandeur d'asile requiert de l'Etat qu'il estime responsable de l'examen de la demande de prendre ou de reprendre en charge le demandeur d'asile.
2. Considérant que, dans ce cadre, le paragraphe 1 de l'article 26 du règlement précise : " Lorsque l'État membre requis accepte la prise en charge ou la reprise en charge d'un demandeur ou d'une autre personne visée à l'article 18, paragraphe 1, point c) ou d), l'État membre requérant notifie à la personne concernée la décision de le transférer vers l'État membre responsable et, le cas échéant, la décision de ne pas examiner sa demande de protection internationale " ; que le paragraphe 1 de l'article 27 du règlement prévoit, pour sa part, que le demandeur " dispose d'un droit de recours effectif, sous la forme d'un recours contre la décision de transfert ou d'une révision, en fait et en droit, de cette décision devant une juridiction " ; qu'enfin, aux termes du deuxième alinéa de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Toute décision de transfert fait l'objet d'une décision écrite motivée prise par l'autorité administrative. " ;
3. Considérant qu'il résulte de l'examen des motifs de l'arrêté du 25 septembre 2017 en litige, par lequel le préfet du Nord a prescrit le transfert de M.A..., ressortissant Irakien, vers l'Allemagne, que ceux-ci relèvent, notamment, que les empreintes digitales de l'intéressé ont été enregistrées sur le fichier Eurodac par les autorités hongroises le 9 septembre 2015, sous le numéro HU 1 330020021500, puis par les autorités allemandes le 18 septembre 2015, sous le numéro DE 1 150919XXX00151, que ces dernières ont accepté, par une décision expresse du 25 août 2017, de reprendre en charge M.A..., que sa situation relève ainsi de l'article L.742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et que l'intéressé peut, dans ces conditions, faire l'objet d'un transfert vers l'Allemagne, dont les autorités doivent être regardées, en vertu de l'article 3 du règlement (UE) n°604/2013 du 26 juin 2013, comme responsables de l'examen de la demande d'asile de M.A..., qui a franchi irrégulièrement les frontières de cet Etat ; que, toutefois, alors qu'il ressort des pièces du dossier et qu'il n'est d'ailleurs pas contesté par le préfet du Nord, que l'intéressé avait également fait l'objet d'un précédent enregistrement sur le fichier Eurodac en tant que demandeur d'asile, effectué le 9 septembre 2015 par les autorités hongroises, ces motifs, qui ne font aucunement état d'une saisine de ces dernières, ni ne comportent l'énoncé d'aucune des circonstances de nature à justifier l'absence d'une telle saisine, ne permettent pas d'identifier celui des critères prévus par le règlement (UE) n°604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 dont le préfet du Nord a entendu faire application pour désigner l'Allemagne comme le pays vers lequel M. A... pourra être transféré, alors même que les autorités de cet Etat ont expressément accepté la reprise en charge de l'intéressé ; qu'à cet égard, le préfet ne saurait utilement invoquer les mentions figurant dans le formulaire type de demande de reprise en charge annexé à ce règlement pour soutenir que les motifs des décisions de transfert prises dans le cas d'une reprise en charge d'un demandeur d'asile n'auraient pas à préciser le critère sur lequel l'autorité administrative a entendu se fonder ; que, par suite, les motifs figurant dans la décision contestée ne peuvent être regardés comme comportant, comme l'imposent les dispositions précitées de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'énoncé des considérations de droit et de fait sur lesquelles se fonde la décision de transfert en litige, ni comme permettant à son destinataire de disposer du recours effectif prévu par le paragraphe 1 de l'article 27 du règlement ;
4. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le préfet du Nord n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement du 25 octobre 2017, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a annulé, pour ce motif, sa décision du 25 septembre 2017 prescrivant le transfert de M. A...en Allemagne et, par voie de conséquence, la décision du même jour assignant l'intéressé à résidence dans le département du Nord ; que, dès lors qu'il ne ressort d'aucune des pièces du dossier que M. A...aurait sollicité le bénéfice de l'aide juridictionnelle pour la présente procédure, ses conclusions tendant à ce que l'aide juridictionnelle provisoire lui soit accordé ne peuvent qu'être rejetées ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, une somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par M. A... et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête du préfet du Nord est rejetée.
Article 2 : L'Etat versera à M. A...la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur, à M. E... A...et à MeD....
Copie en sera adressée, pour information, au préfet du Nord.
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N°17DA02253