Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 24 avril 2018, M.B..., représenté par Me C...D..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Rouen du 14 décembre 2017 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 27 juin 2017 du préfet de l'Eure ;
3°) à titre principal, d'enjoindre au préfet de l'Eure de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " ou " salarié " dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir ou, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa situation et, dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans le même délai, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à verser à son avocat dans les conditions prévues par l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 sous réserve qu'il renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code du travail ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Muriel Milard, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A...B..., de nationalité cambodgienne né le 16 décembre 1982, entré régulièrement en France le 7 février 2013, s'est vu délivrer un titre de séjour spécial par le ministère des affaires étrangères en qualité de chauffeur de la délégation du Royaume du Cambodge, renouvelé jusqu'au 20 février 2018. Ayant cessé ses fonctions de chauffeur le 8 février 2017, M. B...a restitué son titre de séjour spécial et demandé la délivrance d'un titre de séjour en qualité de salarié. Il relève appel du jugement du 14 décembre 2017 par lequel le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 27 juin 2017 du préfet de l'Eure refusant de lui délivrer un titre de séjour, lui faisant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, et fixant le pays à destination duquel il pourrait être reconduit d'office.
Sur le refus de titre de séjour :
2. En premier lieu, d'une part, aux termes de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Une carte de séjour temporaire, d'une durée maximale d'un an, autorisant l'exercice d'une activité professionnelle est délivrée à l'étranger : 1° Pour l'exercice d'une activité salariée sous contrat de travail à durée indéterminée, dans les conditions prévues à l'article L. 5221-2 du code du travail. Elle porte la mention "salarié". ". Aux termes de l'article L. 5221-2 du code du travail : " Pour entrer en France en vue d'y exercer une profession salariée, l'étranger présente : 1° Les documents et visas exigés par les conventions internationales et les règlements en vigueur ; 2° Un contrat de travail visé par l'autorité administrative ou une autorisation de travail. ". Enfin, aux termes de l'article R. 5221-11 de ce code : " La demande d'autorisation de travail relevant des 4°, 8°, 9°, 13° et 14° de l'article R. 5221-3 est faite par l'employeur ".
3. D'autre part, aux termes de l'article L. 114-5 du code des relations entre le public et l'administration : " Lorsque la demande est incomplète, l'autorité administrative indique au demandeur les pièces manquantes dont la production est indispensable à l'instruction de la demande (...). Elle fixe un délai pour la réception de ces pièces (...) ". Aux termes de l'article L. 114-6 du même code : " Lorsqu'une demande adressée à une autorité administrative est affectée par un vice de forme ou de procédure faisant obstacle à son examen et que ce vice est susceptible d'être couvert dans les délais légaux, l'autorité invite l'auteur de la demande à la régulariser en lui indiquant le délai imparti pour cette régularisation, les formalités ou les procédures à respecter ainsi que les dispositions légales et réglementaires qui les prévoient (...) " ;
4. M. B...fait valoir qu'il n'a pas été informé qu'il devait produire un contrat de travail visé par l'administration et que le préfet de l'Eure a ainsi méconnu les dispositions précitées des articles L. 114-5 et L. 114-6 du code des relations entre le public et l'administration. Cependant, il est constant que son employeur n'a pas saisi l'autorité administrative d'une demande d'autorisation de travail le concernant. Contrairement à ce que soutient le requérant, le préfet n'était pas tenu de lui demander de compléter le dossier de demande d'autorisation de travail avant de le rejeter dès lors qu'en application des dispositions précitées du code du travail, l'interlocuteur unique en la matière est l'employeur. Dès lors, le moyen tiré de ce que la procédure aurait été menée en méconnaissance des dispositions précitées des articles L. 114-5 et L. 114-6 du code des relations entre le public et l'administration doit, en tout état de cause, être écarté. Pour les mêmes motifs, la décision en litige ne méconnaît pas les dispositions précitées de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, quand bien-même le métier d'aide cuisinier serait un métier en tension.
5. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7. (...) ". M. B...fait valoir qu'il réside en France depuis février 2013, date de son entrée sur le territoire national, justifiant ainsi d'un motif exceptionnel de nature à permettre son admission au séjour. Cependant, il y a lieu, par adoption du motif retenu à bon droit par les premiers juges, d'écarter le moyen tiré de ce que la décision en litige méconnaîtrait ces dispositions.
6. En troisième lieu, aux termes du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit (...) / 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République (...) ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance (...) ".
7. M. B...fait valoir qu'il réside en France depuis 2013 et qu'il justifie d'une intégration professionnelle depuis quarante-quatre mois en qualité d'aide cuisinier et se prévaut également des liens personnels et amicaux qu'il a tissés en France depuis presque cinq ans. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que l'intéressé, qui a quitté son pays d'origine à l'âge de trente-et-un ans, est célibataire et sans charge de famille. En outre, il dispose d'attaches familiales au Cambodge où résident ses parents et ses quatre frères et soeurs. Dans ces conditions, eu égard aux conditions de séjour du requérant, le préfet de l'Eure n'a pas porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale et n'a, par suite, pas méconnu les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes motifs, le préfet n'a pas davantage entaché sa décision d'une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle de M. B....
Sur l'obligation de quitter le territoire français :
8. La motivation de l'obligation de quitter le territoire se confond avec celle du refus de titre de séjour dont elle découle nécessairement. La décision de refus de titre de séjour du 27 juin 2017 comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait sur lesquelles elle se fonde et mentionne les dispositions de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui permettent d'assortir le refus de titre de séjour d'une obligation de quitter le territoire français. Dès lors, la décision faisant obligation au requérant de quitter le territoire français est suffisamment motivée.
9. Il résulte de ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à exciper, à l'appui de ses conclusions dirigées contre l'obligation de quitter le territoire, de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour.
10. Pour les mêmes motifs que ceux retenus au point 7, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de la décision sur la situation personnelle de M. B...doivent être écartés.
Sur le pays de destination :
11. Il résulte de ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à exciper, à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision fixant le pays de destination, de l'illégalité de la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français.
12. Il résulte de tout ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte, et celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. B...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...B..., au ministre de l'intérieur et à Me C...D....
Copie sera adressée au préfet de l'Eure.
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N°18DA00841