Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 23 octobre 2018, la préfète de la Seine-Maritime demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. A...devant le tribunal administratif de Rouen.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Julien Sorin, président-assesseur, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. La préfète de la Seine-Maritime interjette appel du jugement du 11 octobre 2018 par lequel le tribunal administratif de Rouen a, à la demande de M.A..., ressortissant algérien né le 1er juin 1971, annulé son arrêté du 5 janvier 2018 portant refus de délivrance d'un certificat de résidence, obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, et fixant le pays de renvoi.
Sur le motif d'annulation retenu par le tribunal :
2. Aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " Le certificat de résidence d'un an portant la mention "vie privée et familiale" est délivré de plein droit : (...) 7) au ressortissant algérien, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse pas effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays (...) ".
3. Aux termes des dispositions de l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) le préfet délivre la carte de séjour au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé. (...) ". Aux termes de l'article R. 313-23 de ce code : " Le rapport médical mentionné à l'article R. 313-22 est établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration à partir d'un certificat médical établi par le médecin qui suit habituellement le demandeur ou par un médecin praticien hospitalier inscrits au tableau de l'ordre, dans les conditions prévues par l'arrêté mentionné au deuxième alinéa de l'article R. 313-22. (...) / Sous couvert du directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration le service médical de l'office informe le préfet qu'il a transmis au collège de médecins le rapport médical. (...) / Le collège à compétence nationale, composé de trois médecins, émet un avis dans les conditions de l'arrêté mentionné au premier alinéa du présent article. La composition du collège et, le cas échéant, de ses formations est fixée par décision du directeur général de l'office. Le médecin ayant établi le rapport médical ne siège pas au sein du collège (...) / L'avis est transmis au préfet territorialement compétent, sous couvert du directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ". En vertu de l'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code précité : " Au vu du rapport médical mentionné à l'article 3, un collège de médecins désigné pour chaque dossier dans les conditions prévues à l'article 5 émet un avis, conformément au modèle figurant à l'annexe C du présent arrêté, précisant : / a) si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale ; / b) si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé ; / c) si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont le ressortissant étranger est originaire, il pourrait ou non y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ; / d) la durée prévisible du traitement. / (...) / L'avis émis à l'issue de la délibération est signé par chacun des trois médecins membres du collège ".
4. Il ressort des pièces du dossier, notamment de l'attestation de la directrice territoriale de l'OFII en date du 16 octobre 2018, produite pour la première fois en appel par la préfète de la Seine-Maritime, et de l'avis du collège des médecins de l'OFII du 14 août 2017, que le médecin ayant établi le rapport médical sur l'état de santé de M. A...n'est pas au nombre des trois médecins qui ont ensuite délibéré sur son état de santé et ont signé l'avis sur lequel la préfète de la Seine-Maritime a fondé l'arrêté en litige, et que ce rapport a été rendu le 7 août 2017, et transmis le jour-même au collège des médecins. Il ne résulte d'aucune des dispositions précitées, ni d'aucun principe, que l'avis du collège de médecins de l'OFII devrait porter mention du nom du médecin qui a établi le rapport médical, prévu par l'article R. 313-22, qui est transmis au collège de médecins de l'Office. Par suite, le défaut de mention de ce nom sur l'avis est sans incidence sur sa régularité et, par voie de conséquence, sur la légalité du refus de titre de séjour. Les médecins composant ce collège ont, en outre, été désignés par une décision du directeur général de l'OFII du 17 janvier 2017 publiée au bulletin officiel du ministère de l'intérieur du 15 février 2017. Il s'ensuit que l'avis a été émis dans le respect des dispositions des articles R. 313-22 et R. 313-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, notamment dans le respect de la règle selon laquelle le médecin ayant établi le rapport médical ne siège pas au sein du collège. Par suite, le refus de titre de séjour n'a pas été pris à l'issue d'une procédure irrégulière. Dès lors, la préfète de la Seine-Maritime est fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Rouen a annulé, pour ce motif, la décision du 5 janvier 2018 refusant de délivrer à M. A...un certificat de résidence, et, par voie de conséquence, les décisions l'obligeant à quitter le territoire français et fixant le pays de renvoi.
5. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A...à l'encontre de l'arrêté attaqué devant le tribunal administratif de Rouen et devant la cour.
Sur la légalité de l'arrêté du 5 janvier 2018 :
En ce qui concerne le refus de titre de séjour :
6. Il appartient à l'autorité administrative, lorsqu'elle envisage de refuser la délivrance ou le renouvellement d'un certificat de résidence à un ressortissant algérien qui se prévaut de ces stipulations, de vérifier que cette décision ne peut avoir de conséquences d'une exceptionnelle gravité sur l'état de santé de l'intéressé et, en particulier, d'apprécier, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, la nature et la gravité des risques qu'entraînerait un défaut de prise en charge médicale dans le pays d'origine. Lorsque le défaut de prise en charge risque d'avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur la santé de l'intéressé, l'autorité administrative ne peut légalement refuser le titre de séjour sollicité que s'il existe des possibilités de traitement approprié de l'affection en cause dans son pays d'origine. Si de telles possibilités existent mais que l'étranger fait valoir qu'il ne peut en bénéficier, soit parce qu'elles ne sont pas accessibles à la généralité de la population, eu égard notamment aux coûts du traitement ou à l'absence de modes de prise en charge adaptés, soit parce qu'en dépit de leur accessibilité, des circonstances exceptionnelles tirées des particularités de sa situation personnelle l'empêcheraient d'y accéder effectivement, il appartient à cette même autorité, au vu de l'ensemble des informations dont elle dispose, d'apprécier si l'intéressé peut ou non bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine.
7. Il ressort des pièces du dossier que M.A..., entré en France en 2009 sous couvert d'un visa de court séjour, est atteint d'arthrose du membre inférieur gauche, à la suite d'un accident subi en 1989, et a été opéré d'un corticosurrénalome malin en 2014. Il a bénéficié, en raison de son état de santé, d'un certificat de résidence du 1er avril 2015 au 31 mars 2017. Pour refuser, par la décision en litige, de renouveler son titre de séjour, la préfète de la Seine-Maritime s'est notamment fondée sur l'avis émis par le collège des médecins de l'OFII le 14 août 2017, aux termes duquel si l'état de santé de M. A...nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, il peut toutefois, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, y bénéficier effectivement d'un traitement adapté. Cet avis précise également que l'état de santé de M. A...lui permet de voyager sans risque vers l'Algérie. Si M. A... produit des certificats médicaux établis les 7 mars 2016 et 29 janvier 2018, qui énoncent que son état de santé nécessite un suivi hautement spécialisé qui ne peut se concevoir dans son pays d'origine, ces avis, dépourvus de précisions circonstanciées quant à la nature et à la disponibilité du traitement, ne sont pas de nature à remettre en cause l'appréciation portée par l'autorité préfectorale. Il ressort en outre des pièces du dossier que M. A...a subi une exérèse complète de son corticosurrénalome malin, qui ne nécessite plus qu'un suivi semestriel afin de surveiller une éventuelle récidive. Si, au surplus, M. A...soutient que le collège des médecins ne s'est prononcé que sur l'une de ses deux pathologies, il ressort du rapport médical établi par son médecin endocrinologue pour le collège des médecins de l'OFII, et produit par l'intéressé devant les premiers juges, que ce rapport ne mentionne que le corticosurrénalome malin, et ne fait pas état de son arthrose. Il ressort au demeurant des pièces du dossier que cette seconde pathologie, si elle provoque des douleurs à la marche et une boiterie, ne nécessite que des injections intra-articulaires ponctuelles de corticoïdes dont il n'est pas établi qu'elles ne pourraient être réalisées en Algérie. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations citées au point 2 de l'article 6-7 de l'accord franco-algérien ne peut qu'être écarté.
8. Si M. A...soutient qu'il réside en France depuis 2009 et qu'il a suivi une formation non rémunérée dans le cadre de l'atelier de pédagogie personnalisée du comité d'action et de promotion sociale du Petit-Quevilly, ces seules circonstances ne suffisent pas à établir qu'il aurait déplacé, en France, le centre de ses intérêts privés, alors qu'il est célibataire, sans charge de famille, et qu'il n'établit pas être dépourvu d'attaches personnelles en Algérie, où il a vécu jusqu'à l'âge de trente-huit ans. En outre, et ainsi qu'il a été dit au point précédent, il n'établit pas qu'il ne pourrait effectivement bénéficier du traitement médical adapté à son état de santé dans son pays d'origine. Dès lors, et nonobstant la durée de son séjour, la décision en litige n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise. Il y a lieu, par suite, d'écarter les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle.
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :
9. Ainsi qu'il a été dit au point 7, l'avis émis par le collège des médecins de l'OFII le 14 août 2017 précise que l'état de santé de M. A...lui permet de voyager sans risque vers son pays d'origine. Le moyen tiré de ce que la décision l'obligeant à quitter le territoire français aurait été prise à l'issue d'une procédure irrégulière ne peut, dès lors, qu'être écarté.
10. Il résulte de ce qui a été dit aux points 4 à 8 que M. A...n'est pas fondé à soutenir que la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale du fait de l'illégalité du refus de titre de séjour.
11. Aux termes des dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : / (...) / 10° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié (...) ".
12. Si M. A...soutient que la décision l'obligeant à quitter le territoire français est incompatible avec les soins qu'il doit recevoir en France et que son exécution entraînerait des conséquences d'une exceptionnelle gravité, toutefois, pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 7, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il ne pourrait pas bénéficier effectivement d'un traitement approprié en Algérie. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.
13. Pour les mêmes motifs que ceux retenus au point 8, M. A...n'est pas fondé à soutenir que la préfète de la Seine-Maritime aurait méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ou entaché sa décision d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.
En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :
14. Il résulte de ce qui a été dit aux points 9 à 13 que le moyen tiré, par voie d'exception, de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français à l'encontre de la décision fixant le pays de destination doit être écarté.
15. Il résulte de tout ce qui précède qu'aucun des moyens soulevés par M. A...devant le tribunal administratif de Rouen ou devant la cour n'est fondé. Par voie de conséquence, la préfète de la Seine-Maritime est fondée à demander l'annulation du jugement du 11 octobre 2018 du tribunal administratif de Rouen ainsi que le rejet de la demande de première instance de M.A.... Les conclusions à fin d'injonction sous astreinte et celles présentées en appel par M. A...au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées par voie de conséquence.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1802267 du 11 octobre 2018 du tribunal administratif de Rouen est annulé.
Article 2 : La demande de première instance et les conclusions d'appel de M. A...sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. B... A....
Copie sera adressée au préfet de la Seine-Maritime.
N°18DA02126 2