Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 18 mai 2016, M. B..., représenté par Me E...A..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Rouen du 15 mars 2016 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 24 juin 2015 du préfet de la Seine-Maritime ;
3°) d'enjoindre à la préfète de la Seine-Maritime de lui délivrer un titre de séjour d'un an dans le délai d'un mois sous astreinte ou, à titre subsidiaire, d'enjoindre à la préfète de procéder au réexamen de sa situation et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans le délai d'un mois sous astreinte ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- le refus de titre de séjour est entaché d'une motivation insuffisante, d'un vice de procédure et d'erreurs substantielles de fait ;
- il méconnaît les dispositions des articles L. 313-14 5°, L. 313-10 et L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- il méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et celles de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, et est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
- l'obligation de quitter le territoire français, qui est entachée d'un défaut de motivation, est illégale du fait de l'illégalité du refus de titre de séjour ;
- elle méconnaît tant les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ainsi que celles de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.
Par un mémoire en défense, enregistré le 13 juin 2016, la préfète de la Seine-Maritime conclut au rejet de la requête.
Elle soutient que :
- les moyens soulevés par M. B...ne sont pas fondés ;
- les conclusions tendant à l'annulation de l'obligation de quitter le territoire français ne sont pas recevables, l'arrêté en litige ne comportant qu'une information sur l'application des dispositions de l'article R. 313-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
M. B...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 18 avril 2016.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant signée à New-York le 26 janvier 1990 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code du travail ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Marc Lavail Dellaporta, président-assesseur, été entendu au cours de l'audience publique.
1. Considérant que M. F...B..., ressortissant gambien né le 12 février 1960, relève appel du jugement du 15 mars 2016 par lequel le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 24 juin 2015 du préfet de la Seine-Maritime portant refus de titre de séjour ;
Sur le refus de titre de séjour :
2. Considérant que le refus de titre de séjour en litige vise la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et notamment ses articles 3 et 8, ainsi que les articles du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dont le préfet a fait application, rappelle les conditions d'entrée de l'intéressé en France et expose sa situation familiale en signalant que M. B...et son épouse sont régulièrement admis au séjour en Grèce, où cette dernière résidait avec quatre de leurs enfants, que le requérant est accompagné de deux de ses enfants qui sont scolarisés en France, qu'il indique pouvoir bénéficier de l'aide financière d'un parent, qu'il est hébergé par un tiers, qu'il ne dispose ni d'un contrat de travail, ni d'une promesse d'embauche, et qu'il n'entre dans aucun cas d'attribution d'un titre de séjour de plein droit ; que l'arrêté du préfet de la Seine-Maritime comporte ainsi les éléments de droit et de fait sur lesquels il se fonde et est suffisamment motivé ; que la circonstance que cet arrêté ne vise pas l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant est sans incidence sur l'appréciation du caractère suffisant de la motivation ;
3. Considérant que M. B...soutient que le refus de titre de séjour en litige mentionne, à tort, qu'il ne disposait pas de promesse d'embauche ; qu'il ressort toutefois des pièces du dossier que le requérant n'établit pas avoir communiqué au préfet de la Seine-Maritime la promesse d'embauche produite devant les premiers juges ; qu'en tout état de cause, cette promesse d'embauche n'étant pas visée par les autorités administratives compétentes, il ressort des pièces du dossier que le préfet aurait pris la même décision s'il n'avait pas commis cette erreur ; que, dès lors, le moyen tiré de l'erreur de fait ne peut qu'être écarté ;
4. Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-4-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger titulaire de la carte de résident de longue durée-CE définie par les dispositions communautaires applicables en cette matière et accordée dans un autre Etat membre de l'Union européenne qui justifie de ressources stables et suffisantes pour subvenir à ses besoins et, le cas échéant, à ceux de sa famille ainsi que d'une assurance maladie obtient, sous réserve qu'il en fasse la demande dans les trois mois qui suivent son entrée en France et sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée : 5° Une carte de séjour temporaire portant la mention de l'activité professionnelle pour laquelle il a obtenu l'autorisation préalable requise, dans les conditions définies, selon le cas, aux 1°, 2° ou 3° de l'article L. 313-10 " ; qu'aux termes de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire autorisant l'exercice d'une activité professionnelle est délivrée :1° A l'étranger titulaire d'un contrat de travail visé conformément aux dispositions de l'article L. 341-2 du code du travail. Pour l'exercice d'une activité professionnelle salariée dans un métier et une zone géographique caractérisés par des difficultés de recrutement et figurant sur une liste établie au plan national par l'autorité administrative, après consultation des organisations syndicales d'employeurs et de salariés représentatives, l'étranger se voit délivrer cette carte sans que lui soit opposable la situation de l'emploi sur le fondement du même article L. 341-2. La carte porte la mention "salarié" lorsque l'activité est exercée pour une durée supérieure ou égale à douze mois. Elle porte la mention "travailleur temporaire" lorsque l'activité est exercée pour une durée déterminée inférieure à douze mois. Si la rupture du contrat de travail du fait de l'employeur intervient dans les trois mois précédant le renouvellement de la carte portant la mention "salarié", une nouvelle carte lui est délivrée pour une durée d'un an ; 2° A l'étranger qui vient exercer une profession commerciale, industrielle ou artisanale, à condition notamment qu'il justifie d'une activité économiquement viable et compatible avec la sécurité, la salubrité et la tranquillité publiques et qu'il respecte les obligations imposées aux nationaux pour l'exercice de la profession envisagée. Elle porte la mention de la profession que le titulaire entend exercer. Un décret en Conseil d'Etat fixe les conditions d'application du présent 2° ; 3° A l'étranger qui vient exercer une activité professionnelle non soumise à l'autorisation prévue à l'article L. 341-2 du code du travail et qui justifie pouvoir vivre de ses seules ressources. Elle porte la mention de l'activité que le titulaire entend exercer " ; qu'enfin, aux termes de l'article L. 341-2 devenu l'article L. 5221-2 du code du travail : " Pour entrer en France en vue d'y exercer une profession salariée, l'étranger présente : 1° Les documents et visas exigés par les conventions internationales et les règlements en vigueur ; 2° Un contrat de travail visé par l'autorité administrative ou une autorisation de travail. " ;
5. Considérant que M. B...a produit, à l'appui de sa demande de titre de séjour, deux contrats de travail à durée déterminée et à temps partiel, couvrant les périodes du 3 mars au 31 août 2014 et du 20 octobre 2014 au 28 février 2015 ; qu'il ressort toutefois des pièces du dossier que ces contrats de travail n'étaient pas visés par l'autorité administrative comme l'exigent les dispositions précitées ; que, si M. B...se prévaut d'une promesse d'embauche, il n'établit ni l'avoir communiquée au préfet, ni que celle-ci ait été visée par l'autorité administrative ; que, contrairement à ce que soutient M.B..., il ne ressort d'aucune disposition législative ou réglementaire que le préfet serait dans l'obligation de saisir la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE) avant de refuser la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, par suite, le moyen tiré de ce que la décision attaquée serait entachée d'un vice de procédure à défaut pour le préfet d'avoir préalablement saisi la DIRECCTE ne peut qu'être écarté ;
6. Considérant que, si M. B...soutient que le préfet aurait dû lui délivrer une autorisation de travail, les articles R. 5221-11 et R. 5221-17 du code du travail disposent que l'autorisation de travail est délivrée par le préfet sur demande de l'employeur ; que M. B...n'établit pas que son employeur aurait déposé une telle demande ; que, par suite, le moyen tiré du vice de procédure ne peut qu'être écarté ;
7. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit aux points 4 à 6, que M. B...n'a pas produit, à l'appui de sa demande, les documents requis alors qu'il lui revenait de le faire ; que, dès lors, M. B...n'est pas fondé à soutenir que le préfet a méconnu les dispositions précitées du 5° de l'article L. 313-4-1 et de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en refusant, pour cette raison, de lui délivrer le titre de séjour demandé ;
8. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que, si M B...se prévaut de deux périodes d'embauche à temps partiel, et d'une promesse d'embauche, ces éléments ne suffisent pas à établir qu'il aurait fixé le centre de ses intérêts privés en France ; que M. B...est entré en France pour la dernière fois en 2014, accompagné de deux de ses enfants qui sont depuis scolarisés en France ; que son épouse est venue le rejoindre postérieurement à la décision en litige ; que l'une des filles du couple réside en Gambie ; que trois autres enfants du requérant résident en Espagne ; que M.B..., son épouse, et plusieurs de leurs enfants, ont vécu en Grèce avant d'entrer en France ; que M. B...n'établit ni être dépourvu d'attaches familiales en Gambie, ni qu'il serait dans l'impossibilité de reconstruire sa cellule familiale en Gambie ou en Grèce, pays dans lequel lui et les membres de sa famille sont légalement admissibles ; que, dans ces circonstances particulières, et compte tenu de la courte durée de présence en France de M. B...à la date de la décision en litige, le refus de titre de séjour ne porte pas à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris ; que, par suite, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne peuvent qu'être écartés ; que le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation doit, dans les circonstances de l'espèce, être écarté pour les mêmes motifs ;
9. Considérant que comme il a été dit au point précédant, les enfants de M. B...résident en Gambie, en Espagne, et en France, et il n'établit ni l'impossibilité de reconstruire la cellule familiale dans l'un des pays dans lesquels ils sont tous légalement admissibles, ni l'impossibilité pour les deux enfants qui l'ont accompagné en France et y sont scolarisés de reprendre une scolarité en Grèce où ils ont vécu, ou en Gambie, pays dont ils ont la nationalité ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doit être écarté ;
Sur les conclusions dirigées contre l'obligation de quitter le territoire français :
10. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que l'article 2 de l'arrêté en litige, contrairement à ce que M. B...soutient, n'emporte pas obligation de quitter le territoire français mais se borne à rappeler les dispositions de l'article R. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, par suite, les conclusions de M. B...tendant à l'annulation d'une supposée décision portant obligation de quitter le territoire français sont irrecevables et ne peuvent qu'être rejetées ;
11. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande ; que doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction assorties d'astreinte et celles présentées sur le fondement des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. F...B..., au ministre de l'intérieur et à Me E...A....
Copie sera adressée à la préfète de la Seine-Maritime.
Délibéré après l'audience publique du 29 novembre 2016 à laquelle siégeaient :
- M. Marc Lavail Dellaporta, président-assesseur, assurant la présidence de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,
- Mme D...C..., première conseillère,
- M. Rodolphe Féral, premier conseiller.
Lu en audience publique le 13 décembre 2016.
Le premier conseiller le plus ancien,
Signé : M. C...Le président-assesseur,
Signé : M. G...
Le greffier,
Signé : M.T. LEVEQUE
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme
Le greffier,
Marie-Thérèse Lévèque
6
N°16DA00924