Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 2 mai 2018, M.C..., représenté par Me B... D..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rouen du 16 février 2018 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 17 janvier 2018 de la préfète de la Seine-Maritime ;
3°) d'enjoindre à la préfète de la Seine-Maritime de prendre en charge sa demande d'asile sans délai à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à son avocat dans les conditions prévues par l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve qu'il renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Muriel Milard, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M.C..., ressortissant soudanais né le 1er juin 1988, a déposé auprès de la préfète de la Seine-Maritime le 18 octobre 2017 une demande d'admission au séjour au titre de l'asile. Les contrôles effectués par les services de la préfecture ont révélé que l'intéressé avait été identifié en Italie le 16 avril 2017 sous le numéro IT2SR01U77. La préfète de la Seine-Maritime a, le 19 octobre 2017, saisi les autorités italiennes d'une demande de reprise en charge, en application de l'article 13.1 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013, qui a fait l'objet d'un accord implicite le 19 décembre 2017. Par un arrêté du 17 janvier 2018, la préfète de la Seine-Maritime a ordonné son transfert aux autorités italiennes. M. C...relève appel du jugement du 16 février 2018 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
2. Aux termes de l'article 5 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Afin de faciliter le processus de détermination de l'État membre responsable, l'État membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. Cet entretien permet également de veiller à ce que le demandeur comprenne correctement les informations qui lui sont fournies conformément à l'article 4 (...) 5. L'entretien individuel a lieu dans des conditions garantissant dûment la confidentialité. Il est mené par une personne qualifiée en vertu du droit national ".
3. Il ressort des pièces du dossier, que, lors du dépôt de sa demande d'asile, le 18 octobre 2017, M. C...a déclaré qu'il comprenait la langue arabe. L'intéressé a, ainsi que cela ressort de la fiche d'entretien produite par la préfète de la Seine-Maritime, bénéficié d'un entretien individuel le 18 octobre 2017 dans des conditions garantissant la confidentialité. Au cours de cet entretien, qui s'est déroulé en langue arabe avec l'assistance d'un interprète, il a pu être vérifié que l'intéressé avait correctement compris les informations dont il devait avoir connaissance, notamment le fait que ses empreintes digitales avaient été enregistrées en Italie et que l'entretien s'inscrivait dans un processus de détermination de l'Etat membre de l'Union européenne responsable de l'examen de sa demande d'asile. Il a, en outre, disposé d'un délai raisonnable pour apprécier en toute connaissance de cause la portée de ces informations avant le 17 janvier 2018, date à laquelle la préfète de la Seine-Maritime a décidé son transfert aux autorités italiennes, et de la possibilité de formuler des observations. Enfin, le compte-rendu de cet entretien précise qu'il a été réalisé par un agent de la préfecture, dont les initiales y figurent et qui doit, en l'absence de tout élément de preuve contraire, être regardé comme qualifié pour mener un tel entretien quand bien-même son nom ne serait pas mentionné. Dans ces conditions, M.C..., qui n'a été privé d'aucune garantie, n'est pas fondé à soutenir que les dispositions de l'article 5 du règlement précité auraient été méconnues.
4. Au termes de l'article 13 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 qui concerne la situation de l'entrée et/ou du séjour : " 1. Lorsqu'il est établi, sur la base de preuves ou d'indices tels qu'ils figurent dans les deux listes mentionnées à l'article 22, paragraphe 3, du présent règlement, notamment des données visées au règlement (UE) n° 603/2013, que le demandeur a franchi irrégulièrement, par voie terrestre, maritime ou aérienne, la frontière d'un Etat membre dans lequel il est entré en venant d'un Etat tiers, cet Etat membre est responsable de l'examen de la demande de protection internationale. Cette responsabilité prend fin douze mois après la date du franchissement irrégulier de la frontière (...) ". Aux termes de l'article 25 de ce règlement : " 1. L'État membre requis procède aux vérifications nécessaires et statue sur la requête aux fins de reprise en charge de la personne concernée aussi rapidement que possible et en tout état de cause dans un délai n'excédant pas un mois à compter de la date de réception de la requête. Lorsque la requête est fondée sur des données obtenues par le système Eurodac, ce délai est réduit à deux semaines. / 2. L'absence de réponse à l'expiration du délai d'un mois ou du délai de deux semaines mentionnés au paragraphe 1 équivaut à l'acceptation de la requête, et entraîne l'obligation de reprendre en charge la personne concernée, y compris l'obligation d'assurer une bonne organisation de son arrivée ".
5. Il ressort des pièces du dossier que la préfète de la Seine-Maritime a indiqué, dans l'arrêté contesté, avoir saisi, le 19 octobre 2017, soit dans le délai de deux mois visé à l'article 21 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, les autorités italiennes d'une demande de reprise en charge sur le fondement des dispositions précitées de l'article 13.1 du même règlement et estimé qu'un accord implicite avait été rendu le 19 décembre 2017. Les pièces produites par l'autorité préfectorale, et notamment un accusé de réception Dublinet, réseau privé d'échange intranet entre les Etats membres de l'Union européenne, émis le 19 octobre 2017 à 10 heures, permettent d'établir que la requête aux fins de reprise en charge de M. C...a bien été transmise aux autorités italiennes à cette date. En outre, il est constant que les autorités italiennes n'ont donné aucune réponse à cette demande de reprise en charge dans les délais d'un mois ou de deux semaines mentionnés au paragraphe 1 de l'article 25 du règlement n° 604/2013 du 23 juin 2013 ainsi que cela ressort du constat d'accord implicite produit. Par suite, les autorités italiennes qui, contrairement à ce qu'affirme le requérant, par l'émission d'un accusé de réception Dublinet ont bien reçu la demande, doivent être regardées comme ayant tacitement donné leur accord à l'expiration de ces délais. Il s'ensuit que la préfète de la Seine-Maritime a pu légalement, compte tenu de l'existence de cet accord implicite, prononcer le transfert de l'intéressé vers l'Italie.
6. Aux termes de l'article 3 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " Toute personne a droit à son intégrité physique et mentale ". Aux termes de l'article 4 de la même charte : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".
7. M. C...se borne à soutenir qu'il craint des mauvais traitements en cas de retour en Italie, sans toutefois établir l'existence d'un risque personnel d'être accueilli dans des conditions indécentes, ni d'ailleurs l'existence de défaillances systémiques de la procédure d'asile dans les conditions d'accueil des demandeurs d'asile, entraînant un risque de traitement inhumain ou dégradant, dans ce pays. Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne doivent être écartés.
8. Aux termes de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque Etat membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement (...) ".
9. La faculté qu'ont les autorités françaises d'examiner une demande d'asile présentée par un ressortissant d'un Etat tiers, alors même que cet examen ne leur incombe pas, relève de l'entier pouvoir discrétionnaire du préfet, et ne constitue nullement un droit pour les demandeurs d'asile.
10. Il ressort des termes mêmes de l'arrêté en litige que la préfète de la Seine-Maritime, qui a notamment estimé que l'ensemble des éléments de fait et de droit caractérisant la situation de M. C...ne relevait pas des dérogations prévues par l'article 17 du règlement précité, a effectivement pris en compte la possibilité que la France examine la demande d'asile de l'intéressé alors même qu'elle n'en était pas responsable. Par suite, M. C...n'est pas fondé à soutenir que l'autorité préfectorale n'a pas apprécié la possibilité d'examiner sa demande d'asile, ni en l'absence d'éléments de nature exceptionnelle ou humanitaire exceptionnelle invoqués, qu'elle aurait entaché sa décision d'une erreur manifeste dans l'appréciation de sa situation personnelle.
11. Il résulte de tout ce qui précède que M. C...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte doivent être rejetées, de même que la demande présentée par son conseil au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. C...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...C..., au ministre de l'intérieur et à Me B...D....
Copie sera adressée à la préfète de la Seine-Maritime.
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N°18DA00893