Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 20 février 2019, M.D..., représenté par Me B...C..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet de l'Eure du 25 mai 2018 ;
3°) d'enjoindre au préfet de l'Eure de lui délivrer une carte de séjour temporaire valable un an portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, ou, à défaut, d'enjoindre au préfet de l'Eure de lui délivrer, dans un délai de huit jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, une autorisation provisoire de séjour dans l'attente du réexamen de sa situation, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ou, à défaut, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Julien Sorin, président-assesseur, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M.D..., ressortissant de la République démocratique du Congo né le 1er septembre 1962, interjette appel du jugement du 24 janvier 2019 par lequel le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 25 mai 2018 du préfet de l'Eure refusant de renouveler son titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination.
Sur la légalité du refus de titre de séjour :
2. La décision en litige énonce les considérations de droit et de fait sur lesquelles elle est fondée. Elle mentionne, notamment, le contenu de l'avis du 25 octobre 2017 rendu par le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII). En outre, cette motivation fait état d'éléments relatifs à la situation personnelle et familiale de l'intéressé, précisant notamment qu'il ne justifie ni que le centre de ses intérêts privés se situe en France, bien qu'il soit père d'une enfant de deux ans résidant sur le territoire français, ni être dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine où résident son épouse et leurs sept enfants. Par suite, et alors même que ses motifs ne reprennent pas l'ensemble des éléments caractérisant la situation de l'intéressé, la décision litigieuse, qui comporte les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement, est régulièrement motivée au regard des exigences des articles L. 211-2 et L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration.
3. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. (...) ". Aux termes de l'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Au vu du rapport médical mentionné à l'article 3, un collège de médecins désigné pour chaque dossier dans les conditions prévues à l'article 5 émet un avis, conformément au modèle figurant à l'annexe C du présent arrêté, précisant : a) si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale ; b) si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé ; c) si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont le ressortissant étranger est originaire, il pourrait ou non y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ; d) la durée prévisible du traitement. / Dans le cas où le ressortissant étranger pourrait bénéficier effectivement d'un traitement approprié, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, le collège indique, au vu des éléments du dossier du demandeur, si l'état de santé de ce dernier lui permet de voyager sans risque vers ce pays. / Cet avis mentionne les éléments de procédure. / Le collège peut délibérer au moyen d'une conférence téléphonique ou audiovisuelle. / L'avis émis à l'issue de la délibération est signé par chacun des trois médecins membres du collège. ".
4. D'une part, il ressort de l'avis émis le 25 octobre 2017 par le collège de médecins de l'OFII qu'il a été rendu " après en avoir délibéré " par trois médecins qui l'ont signé. Si le requérant soutient qu'il n'est pas établi que cet avis aurait été pris à l'issue d'une délibération collégiale, il n'apporte aucun élément de nature à corroborer ses allégations et à contredire les mentions figurant sur cet avis. Dès lors, et nonobstant la circonstance que les modalités du délibéré ne sont pas précisées, le moyen tiré de l'irrégularité de la procédure doit être écarté.
5. D'autre part, sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve à l'une des parties, il appartient au juge administratif, au vu des pièces du dossier, et compte tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si l'état de santé d'un étranger nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un accès effectif à un traitement approprié dans le pays de renvoi. La partie qui justifie d'un avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dont il peut effectivement bénéficier dans le pays de renvoi. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires. En cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d'instruction utile.
6. Dans son avis du 25 octobre 2017, le collège de médecins de l'OFII a estimé que l'état de santé de M. D...nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, mais qu'il pouvait bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine. M. D...produit deux certificats médicaux selon lesquels son état de santé nécessite des soins réguliers rapprochés, une consultation psychiatrique trimestrielle, et une prise quotidienne de médicaments psychotropes. Les documents d'ordre général produits par le requérant, qui indiquent que l'offre de soins psychiatriques de la République démocratique du Congo n'est pas aussi abondante qu'en France, ne permettent pas de remettre en cause l'appréciation portée tant par le collège de médecins de l'OFII que par le préfet de l'Eure, qui n'était pas tenu de produire la " fiche pays " de la bibliothèque d'information sur le système de soin des pays d'origine de l'OFII, sur la possibilité de bénéficier, dans son pays d'origine, d'un traitement requis par son état de santé. Le préfet de l'Eure établit en outre que, si les médicaments prescrits à M. D...ne sont pas tous disponibles en République démocratique du Congo, les principes actifs de chacun de ces médicaments le sont. Le requérant se borne à soutenir, sans l'établir, que son traitement n'est pas substituable. Par ailleurs, M. D...ne justifie pas de la réalité d'un lien existant entre l'état d'anxiété dont il souffre et les évènements traumatisants qu'il aurait vécus dans son pays d'origine, évènements sur lesquels il n'apporte au demeurant aucune précision. Dans ces conditions, le préfet de l'Eure n'a pas méconnu les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en refusant de délivrer un titre de séjour pour soins à M.D....
7. Il n'est pas contesté que M. D...est entré en France le 26 mai 2011. Il a bénéficié d'un titre de séjour en qualité d'étranger malade du 12 mai 2014 au 11 mai 2017. Il ressort des pièces du dossier qu'il est père de deux enfants nées en 2016 et en 2019, issues de sa relation avec une compatriote titulaire d'un titre de séjour valable jusqu'au 3 juin 2018, mais qu'il ne réside pas avec elles. Il n'établit pas l'impossibilité pour les enfants et leur mère, dont le titre de séjour a expiré peu de temps après la décision en litige, et dont il n'est pas établi qu'il aurait été renouvelé, de s'installer en République démocratique du Congo et permettre ainsi aux enfants de maintenir des relations avec leurs deux parents. Il ressort en outre des pièces du dossier que M. D...ne serait pas isolé en cas de retour dans son pays d'origine, où résident son épouse, leurs cinq enfants, sa mère et quatre de ses frères et soeurs. Il ressort également des pièces du dossier que, si le requérant a bénéficié d'une formation professionnelle en France afin d'exercer les fonctions d'agent de sécurité, il pourrait exercer ce métier dans son pays d'origine, l'intéressé ayant lui-même déclaré avoir occupé ce type d'emplois avant son arrivée en France. Dans ces circonstances, et en dépit de la durée de son séjour en France, M. D... n'établit pas avoir transféré en France le centre de ses intérêts privés. Par suite, dans les circonstances de l'espèce, la décision en litige n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise. Dès lors, les moyens tirés de la méconnaissance des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 et des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle ne peuvent qu'être écartés.
8. Les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile permettent à l'autorité préfectorale de délivrer, au titre de l'admission exceptionnelle au séjour, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " prévue à l'article L. 313-11 de ce code ou la carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " prévue à l'article L. 313-10 du même code à des ressortissants étrangers qui ne satisfont pas aux conditions requises pour prétendre de plein droit à ce titre. Toutefois, cette faculté est subordonnée à la condition que l'admission au séjour du demandeur réponde à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir. Compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, et pour les motifs énoncés aux points 6 et 7, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'admission au séjour de M. D...répondait à des considérations humanitaires ou se justifierait au regard des motifs exceptionnels. Dès lors, en refusant de l'admettre exceptionnellement au séjour, le préfet de l'Eure n'a pas méconnu les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
9. La décision en litige, qui ne constitue pas une mesure d'éloignement, n'a ni pour objet, ni pour effet de séparer les enfants du requérant de l'un ou l'autre de leurs parents. Ainsi, cette décision ne méconnaît pas l'intérêt supérieur des filles du requérant, garanti par les stipulations du 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.
Sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
10. Il résulte de ce qui a été dit aux points 2 à 9, que M. D...n'est pas fondé à soutenir que la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale du fait de l'illégalité de la décision lui refusant un titre de séjour.
11. Les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste d'appréciation des conséquences de la décision sur sa situation personnelle doivent être écartés pour les mêmes motifs que ceux retenus au point 7.
12. Aux termes des dispositions de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : / (...) / 10° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ".
13. M. D...soutient que la décision l'obligeant à quitter le territoire français est incompatible avec les soins qu'il doit recevoir en France et que son exécution entraînerait des conséquences d'une exceptionnelle gravité. Toutefois, pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 6, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il ne pourrait pas bénéficier effectivement d'un traitement approprié en République démocratique du Congo. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.
14. Ainsi qu'il a été dit au point 7, M. D...est père de deux enfants, nées en 2016 et en 2019, issues d'une relation avec une compatriote avec laquelle il n'habite pas. Compte tenu de la durée et de la date d'expiration du titre de séjour de la mère de ses enfants, M. D... n'établit pas que la décision en litige aurait pour conséquence de séparer les enfants de l'un de leurs parents. Par suite, la décision en litige n'a pas méconnu les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.
Sur la légalité de la décision fixant le pays de renvoi :
15. Il résulte de ce qui a été dit aux points 10 à 14, que M. D...n'est pas fondé à soutenir que la décision fixant le pays de renvoi est illégale du fait de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français.
16. Si M. D...soutient qu'il encourt des risques en cas de retour dans son pays d'origine, il ne produit aucun élément au soutien de ses allégations. Au demeurant, sa demande d'asile a été rejetée le 31 mai 2013 par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, décision confirmée par la Cour nationale du droit d'asile le 9 décembre 2014. Par suite, le préfet de l'Eure n'a pas, en prenant la décision en litige, méconnu les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ni les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
17. Il résulte de tout ce qui précède que M. D...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 25 mai 2018 du préfet de l'Eure. Ses conclusions à fin d'injonction et celles présentées au titre des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées par voie de conséquence.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. D...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...D...et au ministre de l'intérieur.
Copie sera adressée au préfet de l'Eure.
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N°19DA00423