Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 24 août 2017, le préfet de l'Eure demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n°1702050 du 13 juillet 2017 ;
2°) de rejeter la demande de M. E...D....
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Marc Lavail Dellaporta, président-assesseur, a été entendu au cours de l'audience publique.
1. Considérant que M. A...E...D..., ressortissant tunisien né le 2 janvier 1969, a demandé l'annulation de l'arrêté du 3 juillet 2017 du préfet de l'Eure en tant qu'il l'oblige à quitter le territoire français sans délai, fixe son pays de destination et prononce à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français de trois ans ; que le préfet de l'Eure relève appel du jugement du 13 juillet 2017 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rouen a annulé l'arrêté précité ;
2. Considérant que pour annuler l'arrêté du 3 juillet 2017, le tribunal s'est fondé sur l'erreur de fait commise par le préfet de l'Eure quant à la nationalité de M. E...D...et sur son état de santé qui ferait obstacle à son retour en Tunisie ;
3. Considérant toutefois que d'une part, l'arrêté attaqué précise que M. E...D...se revendique de la nationalité libyenne, comme l'établit au demeurant le récépissé de sa demande de carte de séjour, et est tunisien, comme l'établissent l'extrait du registre de l'état civil tunisien précisant, contrairement à ce que soutient l'intéressé, qu'il est né à Tunis de père et mère tunisiens, et la lettre du Consul de Tunisie du 18 novembre 1997 acceptant de lui délivrer un laissez passer alors qu'il était incarcéré, un tel document ne pouvant être délivré qu'à une personne de nationalité tunisienne ; que d'autre part, M. E...D...ne démontre ni même n'allègue avoir répudié sa nationalité tunisienne lors de sa majorité ; que par suite, l'arrêté du préfet de l'Eure n'est pas entaché d'une erreur de fait ;
4. Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : / (...) / 10° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ; " ; qu'aux termes de l'article R. 511-1 du même code : " L'état de santé défini au 10° de l'article L. 511-4 est constaté au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. / (...) " ;
5. Considérant que M. E...D...a, le 17 mars 2017, sollicité du préfet de l'Eure la délivrance d'un titre à raison de son état de santé ; que, conformément aux dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet de l'Eure a saisi le collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) ; que ce collège de médecins a, dans un avis du 29 juin 2017, estimé que l'état de santé de M. E...D...nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut pouvait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, qu'il ne pouvait effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine et que les soins que nécessite son état de santé présentent un caractère de longue durée et devaient être poursuivis pour une durée de douze mois ;
6. Considérant que M. E...D...est atteint de problèmes d'ordre psychiatrique, d'une broncho-pneumopathie chronique obstructive (BPCO) post tabagique, d'une artérite oblitérante des membres inférieurs et d'une cirrhose éthylique stable ; que le préfet de l'Eure produit un courriel du 3 juillet 2017 de M. Montagnon, conseiller santé auprès du directeur général des étrangers au ministère de l'intérieur indiquant que l'artérite oblitérante des membres inférieurs relève de la double dépendance de l'intéressé à l'alcool et au tabac, qu'un traitement est possible par pontage chirurgical disponible en Tunisie, que la broncho-pneumopathie chronique obstructive (BPCO) qui relève de la même conséquence aux addictions précitées peut être prise en charge en Tunisie comme l'établit le document joint, certes comme l'a relevé le premier juge rédigé en anglais, mais cette seule circonstance ne faisant pas obstacle à ce qu'il soit opposable dès lors que ce juge n'en a pas demandé la traduction, intitulé " Médical Country of Origin Information " fiche BMA 7260, que les problèmes psychiatriques que M. E...D...invoque et dont il se garde de décrire les pathologies, font l'objet de suivis et traitements en Tunisie comme l'établissent les deux fiches jointes BMA 8973 et 8164, que ce soit en matière d'offres de soins d'accès aux médecins spécialistes, psychotropes ou à la psychothérapie ; que par suite, le préfet de l'Eure est fondé à soutenir que c'est à tort que le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rouen a estimé que M. E... D... ne pourrait être renvoyé en Tunisie pour y être soigné, et qu'il ne pourrait effectivement y bénéficier des traitements que son état de santé commande ;
7. Considérant, toutefois, qu'il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. E...D...contre l'arrêté du 3 juillet 2017 du préfet de l'Eure devant le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rouen ;
8. Considérant que l'arrêté attaqué a été signé par Mme F...C..., adjointe au chef du bureau de l'immigration, de l'intégration, de l'identité et du développement solidaire de la préfecture de l'Eure, qui bénéficiait, en vertu d'un arrêté du 30 mai 2016 régulièrement publié le même jour au recueil des actes administratifs, d'une délégation de signature à cette fin ; que le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté attaqué ne peut, dès lors, qu'être écarté comme manquant en fait ;
9. Considérant que l'arrêté contesté énonce les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement ; que, par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de l'arrêté doit être écarté ;
10. Considérant que, si M. E...D...fait valoir qu'il n'a plus d'attaches dans son pays d'origine et qu'il est père d'un enfant français, toutefois il n'établit pas avoir de relations soutenues avec celui-ci ; que s'il soutient être le père d'une fille prénommée Ignès, il ne justifie pas de sa paternité ; qu'il ressort des pièces du dossier que l'intéressé, peu de temps après son entrée en France le 14 septembre 1989, a fait l'objet d'une première condamnation pénale suivie de treize autres pour notamment des faits de viol, vols aggravé ou avec violence, port prohibé d'arme, détention de stupéfiants totalisant ainsi plusieurs années d'emprisonnement ; qu'il ne justifie ainsi pas d'une vie privée et familiale stable sur le territoire français ; que par suite, eu égard aux conditions de séjour en France de M. E...D..., ci-dessus rappelées, l'arrêté en litige ne porte pas une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale et n'a ainsi pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et n'est pas entaché d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
11. Considérant qu'aux termes du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " III. - L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de sa notification, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger ou lorsque l'étranger n'a pas satisfait à cette obligation dans le délai imparti. / Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative ne prononce pas d'interdiction de retour. (...) La durée de l'interdiction de retour mentionnée au premier alinéa du présent III ainsi que le prononcé et la durée de l'interdiction de retour mentionnée au quatrième alinéa sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. " ;
12. Considérant que l'arrêté en litige comme il a été dit précédemment au point 9 vise les textes qui le fondent et indique les éléments de la situation personnelle de M. E...D...qui ont été pris en compte tels notamment les crime et délits qu'il a commis, démontrant que sa présence sur le territoire national représente une menace pour l'ordre public ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté ;
13. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le préfet de l'Eure est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rouen a annulé son arrêté du 13 juillet 2017 ;
DÉCIDE :
Article 1er: Les articles 1er et 2 du jugement n° 1702050 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rouen du 13 juillet 2017 sont annulés.
Article 2 : La demande présentée par M. E...D...devant le tribunal administratif de Rouen tendant à l'annulation de l'arrêté du 3 juillet 2017 du préfet de l'Eure en tant qu'il oblige M. E... D...à quitter le territoire français sans délai, fixe son pays de destination et lui interdit tout retour pour une durée de trois ans est rejetée.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur, à M. A... E...D...et à Me B...G....
Copie en sera adressée au préfet de l'Eure.
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N°17DA01710