Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 7 juin 2018 et le 8 janvier 2019, M.A..., représenté par Me D...C..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif d'Amiens du 30 mars 2018 ;
2°) d'annuler les arrêtés du préfet de l'Oise du 1er mars 2018 ;
3°) d'enjoindre au préfet de l'Oise de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour durant le temps nécessaire à l'examen de sa demande d'asile ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 2 000 euros au titre des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
----------------------------------------------------------------------------------------------------------
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- le règlement n° 1560/2003 de la Commission du 2 septembre 2003 ;
- le règlement UE n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Julien Sorin, président-assesseur, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B...A..., né le 1er janvier 1986 de nationalité turque, interjette appel du jugement du 30 mars 2018 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande tendant à l'annulation des arrêtés du 1er mars 2018 du préfet de l'Oise décidant, d'une part, son transfert aux autorités croates, responsables de l'examen de sa demande d'asile et l'assignant, d'autre part, à résidence pour une durée de quarante-cinq jours.
Sur les conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté de transfert :
2. Le règlement n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 fixe, à ses articles 7 et suivants, les critères à mettre en oeuvre pour déterminer, de manière claire, opérationnelle et rapide ainsi que l'ont prévu les conclusions du Conseil européen de Tempere des 15 et 16 octobre 1999, l'État membre responsable de l'examen d'une demande d'asile. La mise en oeuvre de ces critères peut conduire, le cas échéant, à une demande de prise ou reprise en charge du demandeur, formée par l'Etat membre dans lequel se trouve l'étranger, dénommé " Etat membre requérant ", auprès de l'Etat membre que ce dernier estime être responsable de l'examen de la demande d'asile, ou " Etat membre requis ". En cas d'acceptation de ce dernier, l'Etat membre requérant prend, en vertu de l'article 26 du règlement, une décision de transfert, notifiée au demandeur, à l'encontre de laquelle ce dernier dispose d'un droit de recours effectif, en vertu de l'article 27, paragraphe 1, du règlement. Aux termes du paragraphe 3 du même article : " Aux fins des recours contre des décisions de transfert ou des demandes de révision de ces décisions, les États membres prévoient les dispositions suivantes dans leur droit national : / a) le recours ou la révision confère à la personne concernée le droit de rester dans l'État membre concerné en attendant l'issue de son recours ou de sa demande de révision (...) ". Aux termes de l'article 29, paragraphe 1, du règlement, le transfert du demandeur vers l'Etat membre responsable de l'examen de sa demande d'asile doit s'effectuer " dès qu'il est matériellement possible et, au plus tard, dans un délai de six mois à compter de l'acceptation par un autre Etat membre de la requête aux fins de la prise en charge ou de reprise en charge de la personne concernée ou de la décision définitive sur le recours ou la révision lorsque l'effet suspensif est accordé conformément à l'article 27, paragraphe 3 ". Aux termes du paragraphe 2 du même article : " Si le transfert n'est pas exécuté dans le délai de six mois, l'État membre responsable est libéré de son obligation de prendre en charge ou de reprendre en charge la personne concernée et la responsabilité est alors transférée à l'État membre requérant ". Aux termes de l'article 9 du règlement (CE) n° 1560/2003 de la Commission du 2 septembre 2003 susvisé : " (...) 2. Il incombe à l'État membre qui, pour un des motifs visés à l'article 29, paragraphe 2, du règlement (UE) n° 604/2013, ne peut procéder au transfert dans le délai normal de six mois à compter de la date de l'acceptation de la requête aux fins de prise en charge ou de reprise en charge de la personne concernée, ou de la décision finale sur le recours ou le réexamen en cas d'effet suspensif, d'informer l'État responsable avant l'expiration de ce délai. À défaut, la responsabilité du traitement de la demande de protection internationale et les autres obligations découlant du règlement (UE) n° 604/2013 incombent à cet État membre conformément aux dispositions de l'article 29, paragraphe 2, dudit règlement ".
3. Aux termes de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA) : " Sous réserve du second alinéa de l'article L. 742-1, l'étranger dont l'examen de la demande d'asile relève de la responsabilité d'un autre Etat peut faire l'objet d'un transfert vers l'Etat responsable de cet examen ". Aux termes du I de l'article L. 742-4 du même code : " L'étranger qui a fait l'objet d'une décision de transfert mentionnée à l'article L. 742-3 peut, dans le délai de quinze jours à compter de la notification de cette décision, en demander l'annulation au président du tribunal administratif. / Le président ou le magistrat qu'il désigne à cette fin (...) statue dans un délai de quinze jours à compter de sa saisine (...) ". En vertu du II du même article, lorsque la décision de transfert est accompagnée d'un placement en rétention administrative ou d'une mesure d'assignation à résidence notifiée simultanément, l'étranger dispose d'un délai de 48 heures pour saisir le président du tribunal administratif d'un recours et ce dernier dispose d'un délai de 72 heures pour statuer. Aux termes du second alinéa de l'article L. 742-5 du même code : " La décision de transfert ne peut faire l'objet d'une exécution d'office ni avant l'expiration d'un délai de quinze jours ou, si une décision de placement en rétention prise en application de l'article L. 551-1 ou d'assignation à résidence prise en application de l'article L. 561-2 a été notifiée avec la décision de transfert, avant l'expiration d'un délai de quarante-huit heures, ni avant que le tribunal administratif ait statué, s'il a été saisi ". L'article L. 742-6 du même code prévoit que : " Si la décision de transfert est annulée, il est immédiatement mis fin aux mesures de surveillance prévues au livre V. L'autorité administrative statue à nouveau sur le cas de l'intéressé ".
4. Il résulte de la combinaison de ces dispositions que l'introduction d'un recours devant le tribunal administratif contre la décision de transfert a pour effet d'interrompre le délai de six mois fixé à l'article 29 du règlement (UE) n° 604/2013, qui courait à compter de l'acceptation du transfert par l'Etat requis, délai qui recommence à courir intégralement à compter de la date à laquelle le jugement par lequel le tribunal administratif statue au principal sur cette demande, quel que soit le sens de sa décision, est notifié à l'intéressé. Ni un appel, ni le sursis à exécution du jugement accordé par le juge d'appel sur une demande présentée en application de l'article R. 811-15 du code de justice administrative n'ont pour effet d'interrompre ce nouveau délai. Son expiration a pour conséquence qu'en application des dispositions du paragraphe 2 de l'article 29 du règlement précité, l'Etat requérant devient responsable de l'examen de la demande de protection internationale.
5. Il ressort des pièces du dossier que M. A...a sollicité son admission au séjour au titre de l'asile le 22 novembre 2017. L'examen de sa demande ayant fait apparaître qu'elle relevait de la compétence des autorités croates, le préfet de l'Oise a saisi, le 19 janvier 2018, ces autorités d'une demande de reprise en charge, en application du b) de l'article 18.1 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013, qui a fait l'objet d'un accord explicite le 1er février 2018. Par l'arrêté du 1er mars 2018, le préfet de l'Oise a décidé du transfert de M. A...aux autorités croates responsables de sa demande d'asile. Le délai de six mois imparti à l'administration pour procéder à son transfert à compter de la décision d'acceptation des autorités croates du 1er février 2018 a été interrompu par la présentation d'une demande de l'intéressé devant le tribunal administratif d'Amiens, le 27 mars 2018, tendant à l'annulation de cet arrêté. Compte tenu de ce qui a été dit au point précédent, ce délai de six mois a recommencé à courir à compter de la notification à M.A..., le 5 avril 2018, du jugement du 30 mars 2018 par lequel le tribunal administratif a rejeté sa demande. Si le préfet de l'Oise soutient avoir porté à dix-huit mois le délai d'exécution du transfert de l'intéressé en raison de la fuite de l'intéressé, il n'établit pas en avoir informé les autorités croates avant l'expiration du délai de six mois initialement imparti, en méconnaissance des dispositions précitées du 2 de l'article 9 du règlement n° 1560/2003. Au surplus, le préfet ne produit aucun élément de nature à caractériser, au sens du règlement européen, une telle situation de fuite. Ainsi, le préfet ne pouvait pas prolonger le délai d'exécution de l'arrêté de transfert du 1er mars 2018, qui n'ayant pas été matériellement exécuté à la date du 5 octobre 2018, soit six mois après la notification du jugement litigieux, est devenu, au cours de l'instance d'appel, caduc. Dans ces conditions, en application des dispositions du paragraphe 2 de l'article 29 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013, la Croatie est libérée de son obligation de reprise en charge de M. A...et la responsabilité de l'examen de la demande d'asile de ce dernier est transférée à la France. Dès lors, l'arrêté du 1er mars 2018 du préfet de l'Oise n'est plus susceptible d'exécution. Il en résulte que la requête de M. A...tendant à l'annulation de cette décision et ses conclusions à fin d'injonction sont devenues sans objet. Il n'y a dès lors pas lieu d'y statuer.
Sur les conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté portant assignation à résidence :
6. M. A...ne fait valoir aucun moyen contre l'arrêté du 1er mars 2018 par lequel le préfet de l'Oise l'a assigné à résidence pour une durée de quarante-cinq jours. Par suite, ses conclusions tendant à son annulation ne peuvent qu'être rejetées.
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :
7. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme que M. A...demande au titre de ces dispositions.
DÉCIDE :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête de M. A...tendant à l'annulation de l'arrêté du 1er mars 2018 par lequel le préfet de l'Oise a ordonné son transfert aux autorités croates ainsi que sur ses conclusions à fin d'injonction.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A...est rejeté.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B...A..., au ministre de l'intérieur et à Me D...C....
Copie sera adressée au préfet de l'Oise.
5
N°18DA01177