Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 13 octobre 2017, le préfet du Pas-de-Calais demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Lille du 19 septembre 2017 ;
2°) de rejeter la demande présentée par Mme B...devant le tribunal administratif de Lille.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Mme B...s'est vu maintenir le bénéfice de l'aide juridictionnelle par une décision du 4 décembre 2017.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Muriel Milard, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.
1. Considérant que MmeB..., de nationalité algérienne, née le 12 décembre 1991, est entrée en France le 13 août 2014 sous couvert d'un passeport revêtu d'un visa de court séjour et a demandé son admission au séjour au titre de sa vie privée et familiale ; que, par un arrêté du 17 août 2015, le préfet du Pas-de-Calais a rejeté sa demande et lui a fait obligation de quitter le territoire français ; que Mme B...a de nouveau demandé, le 8 septembre 2016, la délivrance d'un titre de séjour sur le même fondement ; que le préfet du Pas-de-Calais relève appel du jugement du 19 septembre 2017 par lequel le tribunal administratif de Lille a, à la demande de MmeB..., annulé l'arrêté du 11 mai 2017 refusant de lui délivrer un titre de séjour, lui faisant obligation de quitter le territoire français sans délai, fixant l'Algérie comme pays à destination duquel elle pourrait être reconduite d'office et prononçant une interdiction de retour sur le territoire français d'un an ;
2. Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ; qu'aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié : " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) 5. au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus (...) " ;
3. Considérant que, pour annuler l'arrêté du 11 mai 2017, le tribunal administratif de Lille a estimé que cette décision portait une atteinte disproportionnée à la vie privée et familiale de Mme B...et qu'elle méconnaissait ainsi les stipulations du 5° de l'article 6 de l'accord franco-algérien et celles de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
4. Considérant que le préfet du Pas-de-Calais fait valoir que Mme B...s'est maintenue sur le territoire français après l'expiration de son visa de court séjour, qu'elle n'établit pas être isolée dans son pays d'origine et qu'elle ne justifie pas d'une intégration professionnelle et sociale en France ; que toutefois, il ressort des pièces du dossier que Mme B...est entrée en France en août 2014, sous couvert d'un visa de court séjour, pour rejoindre sa famille résidant régulièrement en France après que son père, titulaire d'un certificat de résidence de dix ans et résidant en France depuis 1990, eut obtenu, le 7 février 2014, le bénéfice du regroupement familial pour sa mère, ses deux frères et sa soeur, alors qu'elle-même, ayant alors vingt-trois ans n'a pu en bénéficier ; que si Mme B...est célibataire et sans charge de famille, ses liens familiaux se situent en France où vivent son père, en situation régulière avec lequel elle a maintenu des liens réguliers, sa mère, ses deux frères et sa soeur, avec lesquels elle a vécu en Algérie jusqu'en juillet 2014, date à laquelle le regroupement familial accordé a été effectif ; qu'en outre, elle justifie que ses grands-parents paternels et son oncle maternel sont décédés ; que Mme B...établit ainsi qu'elle serait isolée en cas de retour en Algérie ; qu'elle justifie également, notamment par plusieurs attestations dont l'une émane du maire de Saint-Martin-Boulogne, de son insertion sociale et de son engagement dans la vie associative de la ville où elle réside ainsi que de sa volonté de s'insérer professionnellement ; que, dans les circonstances particulières de l'espèce, compte-tenu de la brièveté de la séparation de la requérante du reste de sa famille, et alors même que Mme B...s'est maintenue irrégulièrement sur le territoire national au-delà de la période de validité de son visa, l'arrêté contesté du 11 mai 2017 par lequel le préfet du Pas-de-Calais a rejeté sa demande de titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé l'Algérie comme pays de destination de cette mesure et prononcé une interdiction de retour sur le territoire français d'un an, a porté à son droit au respect de sa vie familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels cette mesure a été prise et a ainsi méconnu les stipulations du 5° de l'article 6 de l'accord franco-algérien et celles de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, comme l'ont estimé à bon droit les premiers juges ;
5. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le préfet du Pas-de-Calais n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a annulé l'arrêté contesté par Mme B...;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
6. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge de l'Etat le versement au conseil de Mme B..., de la somme de 1 500 euros sous réserve qu'il renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête du préfet du Pas-de-Calais est rejetée.
Article 2 : L'Etat versera la somme de 1 500 euros au conseil de Mme B...sous réserve qu'il renonce à la part contributive de l'Etat.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur, à Mme D... B... et à Me C...A....
Copie sera adressée au préfet du Pas-de-Calais.
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N°17DA01996