Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 23 octobre 2018, MmeD..., représentée par Me B...C..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler l'arrêté du 21 février 2018 de la préfète de la Seine-Maritime ;
3°) d'enjoindre à la préfète de la Seine-Maritime de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ou, à défaut, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans l'attente du réexamen de sa situation, dans un délai de huit jours à compter du même arrêt, sous la même astreinte ;
4°) à titre principal, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à son avocat dans les conditions prévues par l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ou, à titre subsidiaire, la même somme au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990 ;
- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Muriel Milard, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. MmeD..., ressortissante algérienne née le 21 mars 1982, entrée en France le 6 avril 2015 selon ses déclarations, a demandé son admission au séjour au titre de l'asile. Sa demande d'asile a été rejetée par une décision du 31 octobre 2016 de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, confirmée par une décision du 30 mars 2017 de la Cour nationale du droit d'asile. Elle relève appel du jugement du 12 juin 2018 par lequel le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 21 février 2018 de la préfète de la Seine-Maritime lui faisant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays à destination duquel elle pourrait être reconduite d'office.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Contrairement à ce que soutient MmeD..., le tribunal administratif de Rouen n'a pas omis de statuer sur le moyen qu'elle avait invoqué et tiré du défaut de base légale de la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français au regard de son droit au séjour. Par suite, la requérante n'est pas fondée à soutenir que le jugement attaqué serait ainsi entaché d'irrégularité.
Sur l'obligation de quitter le territoire français :
3. Mme D...réitère son moyen tiré de l'insuffisance de motivation, du défaut d'examen particulier de sa situation personnelle et du défaut de base légale de la décision en litige au regard de son droit au séjour. Cependant, elle n'apporte pas en appel d'éléments nouveaux de fait ou de droit de nature à remettre en cause l'appréciation portée par les premiers juges sur ces moyens. Par suite, il y a lieu, par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges, de les écarter.
4. Mme D...a sollicité son admission au séjour au titre de l'asile. Elle a ainsi été mise à même de faire valoir avant l'intervention de l'arrêté en litige tous éléments d'information ou arguments de nature à influer sur le contenu de ces mesures. Elle n'est par suite, pas fondée à soutenir qu'elle aurait été privée de son droit d'être entendue, conformément au principe général du droit de l'Union européenne énoncé notamment à l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne.
5. Mme D...soutient qu'elle est entrée en France en avril 2015 avec son époux qui est décédé le 9 mai 2018, accompagnée de ses deux enfants et précise que son troisième enfant est né sur le territoire français le 10 juin 2016. Cependant, il ressort des pièces du dossier que la requérante n'est entrée en France qu'à l'âge de trente-trois ans après avoir toujours vécu dans son pays d'origine où elle n'établit pas être isolée. En outre, elle ne se prévaut d'aucune activité professionnelle, ni d'aucune insertion particulière sur le territoire national. Si elle fait valoir que ses deux premiers enfants, âgés respectivement de six et quatre ans, sont scolarisés, rien ne s'oppose à ce que la cellule familiale se reconstitue hors de France, notamment en Algérie. Dans ces conditions, eu égard à la durée de sa présence en France de moins de trois ans à la date de l'arrêté en litige, la préfète de la Seine-Maritime n'a pas porté au droit de l'intéressée au respect de la vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts poursuivis et n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes motifs, la décision n'est pas entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de sa situation au regard de sa vie privée et familiale.
6. Il résulte du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant que : " Dans toutes les décisions concernant les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. ". Mme D...soutient que ses deux enfants aînés sont scolarisés en France et que le dernier est né en France et ne connaît pas l'Algérie. Toutefois il ne ressort pas des pièces du dossier que la scolarisation de ses jeunes enfants ne pourrait se poursuivre en Algérie. Dès lors, la décision en litige, qui au demeurant n'a ni pour objet, ni pour effet de séparer Mme D...de ses enfants, ne méconnaît pas les stipulations précitées du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.
Sur la décision fixant le pays de destination :
7. L'arrêté contesté vise le I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par ailleurs, la préfète a suffisamment motivé en fait sa décision en mentionnant la nationalité de la requérante et en précisant, après avoir rappelé que l'intéressée avait été déboutée de sa demande d'asile, que la décision ne méconnaissait pas les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de retour dans son pays d'origine.
8. Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de l'illégalité, par voie d'exception, de la décision d'obligation de quitter le territoire français doit être écarté.
9. Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants " et aux termes du dernier alinéa de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ".
10. Si Mme D...soutient qu'elle encourt des risques en cas de retour dans son pays d'origine de la part de groupes terroristes, elle ne produit aucun élément au soutien de ses allégations. Au demeurant, sa demande d'asile a été rejetée le 31 octobre 2016 par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, décision confirmée par la Cour nationale du droit d'asile le 30 mars 2017. Par suite, la préfète de la Seine-Maritime n'a pas, en prenant la décision en litige, méconnu les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ni les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes motifs, elle n'a pas davantage entaché sa décision d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressée.
11. Il résulte de tout ce qui précède que Mme D...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte et celles présentées au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme D...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A...D...et au ministre de l'intérieur.
Copie sera adressée au préfet de la Seine-Maritime.
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N°18DA02125