Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 3 juillet 2018, le préfet du Pas-de-Calais demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de rejeter la demande de M.A....
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Hervé Cassara, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. A la suite de son interpellation par les services de police le 2 mars 2018, à Calais, M. A..., se disant ressortissant soudanais, né en 1997, démuni de tout document d'identité ou des documents exigés pour entrer ou séjourner en France, a fait l'objet le 3 mars 2018 d'un arrêté du préfet du Pas-de-Calais l'obligeant à quitter le territoire, lui refusant un délai de départ volontaire, lui faisant interdiction de revenir sur le territoire français pour une durée d'un an et prescrivant son éloignement du territoire à destination du pays dont il revendique la nationalité ou de tout autre pays où il établirait être légalement admissible, à l'exclusion du Darfour. M. A... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler pour excès de pouvoir cet arrêté. Par un jugement n° 1801927 du 13 mars 2018, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a annulé cet arrêté en tant qu'il désigne le Soudan, à l'exclusion du Darfour, comme pays de destination de la mesure d'éloignement et a rejeté le surplus des demandes. Par un arrêt du 20 septembre 2018, la présente cour a annulé l'article 1er de ce jugement, relatif à la décision fixant le pays de destination, et a rejeté les conclusions de M. A... dirigées contre cette décision. A la suite du jugement du tribunal administratif de Lille du 13 mars 2018, le préfet du Pas-de-Calais a pris un nouvel arrêté du 14 mars 2018 par lequel il a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement résultant de son arrêté du 3 mars 2018. Par un nouveau jugement n° 1802227 du 17 mai 2018, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a annulé cet arrêté du 14 mars 2018 en tant qu'il désigne le Soudan à l'exclusion du Darfour comme pays de destination de la mesure d'éloignement et a rejeté le surplus de la demande. Le préfet du Pas-de-Calais relève appel de ce jugement.
2. Aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui fait l'objet d'une mesure d'éloignement est éloigné : / 1° A destination du pays dont il a la nationalité, sauf si l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou la Cour nationale du droit d'asile lui a reconnu le statut de réfugié ou lui a accordé le bénéfice de la protection subsidiaire ou s'il n'a pas encore été statué sur sa demande d'asile ; / 2° Ou, en application d'un accord ou arrangement de réadmission communautaire ou bilatéral, à destination du pays qui lui a délivré un document de voyage en cours de validité ; / 3° Ou, avec son accord, à destination d'un autre pays dans lequel il est légalement admissible. / Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ".
3. Ces dispositions ne font pas obstacle à ce que l'autorité préfectorale, après avoir apprécié la réalité et la nature des risques dont a fait état un ressortissant étranger faisant l'objet d'une obligation de quitter le territoire français, puisse décider que l'intéressé pourra être reconduit d'office à destination d'une région spécifique du pays dont il a la nationalité ou exclure une région de cet Etat comme destination de la mesure d'éloignement. En particulier, lorsque des risques de traitements contraires à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales s'avèrent circonscrits sur un territoire particulier d'un pays, les stipulations de cet article 3 n'empêchent pas l'autorité préfectorale de prendre en considération l'existence d'une possibilité de réinstallation dans une autre région du pays.
4. En l'espèce, le préfet du Pas-de-Calais a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement de M. A...comme étant " le pays dont il revendique la nationalité, à l'exclusion du Darfour ou tout autre pays où il établirait être légalement admissible ". Compte tenu de ce qui a été dit au point précédent, le Darfour étant l'un des Etats fédérés du Soudan, pays dont M. A... revendique la nationalité, le préfet du Pas-de-Calais n'a pas commis d'erreur de droit en fixant comme " pays de destination " de la mesure d'éloignement dont M. A...fait l'objet, une partie du territoire du Soudan. Par suite, le préfet du Pas-de-Calais est fondé à soutenir que c'est à tort que le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a jugé que la décision désignant le pays de destination en cas d'exécution de l'obligation de quitter le territoire français prise à l'encontre de M. A...avait méconnu les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
5. Toutefois, il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M.A..., devant le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille, à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision fixant le pays de renvoi.
6. D'une part, eu égard au caractère réglementaire des arrêtés de délégation de signature, soumis à la formalité de publication, le juge peut, sans méconnaître le principe du caractère contradictoire de la procédure, se fonder sur l'existence de ces arrêtés alors même que ceux-ci ne sont pas versés au dossier. Par un arrêté du 18 décembre 2017, régulièrement publié au recueil des actes administratifs spécial n° 121 du même jour, le préfet du Pas-de-Calais a donné délégation à M. D... B..., chef du bureau du contentieux du droit des étrangers, à l'effet de signer, notamment, des obligations de quitter le territoire français. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de la décision contestée doit être écarté.
7. D'autre part, l'arrêté attaqué comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait sur lesquelles le préfet du Pas-de-Calais s'est fondé pour désigner le pays dont M. A... revendique la nationalité comme pays de renvoi et pour s'assurer qu'il a procédé à un examen particulier de sa situation. Ainsi, le moyen tiré du défaut de motivation de la décision fixant le pays de destination de l'éloignement manque en fait et doit être écarté.
8. Enfin, M. A...s'est déclaré de nationalité soudanaise. Si, notamment au regard des informations publiques rassemblées par des organismes internationaux, la situation des droits de l'homme dans le pays peut être qualifiée d'alarmante, il n'apparaît pas qu'il y règne de manière générale une situation de violence généralisée. Il ne ressort pas davantage des pièces du dossier que l'intéressé devrait traverser des provinces du pays dans lesquelles règnerait une telle situation. Dans ces conditions, M. A...ne peut être regardé, du seul fait de la mesure d'éloignement, comme soumis à des risques de traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales au regard de la situation régnant au Soudan, à l'exclusion du Darfour. Ainsi, M. A... n'établit pas qu'il lui serait impossible de retourner au Soudan, à l'exception du Darfour, en l'absence de tout élément de preuve quant aux risques personnels qu'il encourrait. Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste qu'aurait commise le préfet dans l'appréciation des conséquences de la décision attaquée sur la situation personnelle de M. A... doivent être écartés.
9. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet du Pas-de-Calais est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a annulé son arrêté du 14 mars 2018 en tant qu'il désigne le Soudan à l'exclusion du Darfour comme pays de destination de la mesure d'éloignement de M.A....
DÉCIDE :
Article 1er : L'article 1er du jugement n° 1802227 du 17 mai 2018 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. A...devant le tribunal administratif de Lille, tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet du Pas-de-Calais du 14 mars 2018 en tant qu'il désigne le pays de destination de la mesure d'éloignement, est rejetée.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C...A...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée pour information au préfet du Pas-de-Calais.
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N°18DA01358