Par un jugement n° 1801259, 1801415 du 3 mai 2018, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Rouen a annulé ces deux arrêtés du préfet de la Seine-Saint-Denis, a enjoint au préfet de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour et a rejeté le surplus des conclusions de ses demandes.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 15 juin 2018, le préfet de la Seine-Saint-Denis demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement en tant que la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Rouen a annulé son arrêté du 12 avril 2018 ;
2°) de rejeter la demande de Mme B...devant le tribunal administratif de Rouen.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention de Genève du 28 juillet 1951 ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de procédure pénale ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Valérie Petit, président-assesseur, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Le préfet de la Seine-Saint-Denis relève appel du jugement du tribunal administratif de Rouen du 3 mai 2018 en tant que, par ce jugement, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Rouen a annulé l'arrêté du 12 avril 2018 par lequel il a fait obligation à MmeB..., ressortissante cubaine, de quitter le territoire français, refusé de lui accorder un délai de départ volontaire et fixé le pays de destination.
Sur le motif d'annulation retenu par le tribunal administratif de Rouen :
2. Aux termes de l'article L. 741-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors applicable : " Tout étranger présent sur le territoire français et souhaitant demander l'asile se présente en personne à l'autorité administrative compétente, qui enregistre sa demande et procède à la détermination de l'Etat responsable en application du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 26 juin 2013, établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, ou en application d'engagements identiques à ceux prévus par le même règlement, dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat. (...) / Lorsque l'enregistrement de sa demande d'asile a été effectué, l'étranger se voit remettre une attestation de demande d'asile dont les conditions de délivrance et de renouvellement sont fixées par décret en Conseil d'Etat. La durée de validité de l'attestation est fixée par arrêté du ministre chargé de l'asile. / La délivrance de cette attestation ne peut être refusée au motif que l'étranger est démuni des documents et visas mentionnés à l'article L. 211-1. Elle ne peut être refusée que dans les cas prévus aux 5° et 6° de l'article L. 743-2. " Aux termes de l'article L.743-2 du même code : " Par dérogation à l'article L. 743-1, sous réserve du respect des stipulations de l'article 33 de la convention relative au statut des réfugiés, signée à Genève le 28 juillet 1951, et de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, adoptée à Rome le 4 novembre 1950, le droit de se maintenir sur le territoire français prend fin et l'attestation de demande d'asile peut être refusée, retirée ou son renouvellement refusé lorsque : (...) 5° L'étranger présente une nouvelle demande de réexamen après le rejet définitif d'une première demande de réexamen ; 6° L'étranger fait l'objet d'une décision définitive d'extradition vers un Etat autre que son pays d'origine ou d'une décision de remise sur le fondement d'un mandat d'arrêt européen ou d'une demande de remise par une cour pénale internationale. (...) ". L'article R. 741-2 du même code dispose: " Lorsque l'étranger présente sa demande auprès de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, des services de police ou de gendarmerie ou de l'administration pénitentiaire, la personne est orientée vers l'autorité compétente. ( ... )".
3. Ces dispositions ont pour effet d'obliger l'autorité de police à transmettre au préfet, et ce dernier à enregistrer, une demande d'admission au séjour lorsqu'un étranger, à l'occasion de son interpellation, formule une demande d'asile. Par voie de conséquence, elles font également obstacle à ce que le préfet fasse usage des pouvoirs que lui confère le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en matière d'éloignement des étrangers en situation irrégulière avant d'avoir statué sur cette demande d'admission au séjour au titre de l'asile. Ce n'est que dans l'hypothèse où la demande d'admission au séjour a été préalablement rejetée par lui que le préfet peut, le cas échéant sans attendre que l'office français de protection des réfugiés et apatrides ait statué, décider l'éloignement de l'étranger.
4. Il ressort des pièces du dossier que MmeB..., ressortissante cubaine, est arrivée le 28 mars 2018, dépourvue de passeport, à l'aéroport Roissy-Charles de Gaulle, par un vol en provenance de Moscou. Elle a fait l'objet d'une mesure de refus d'entrée sur le territoire français et a été placée en zone d'attente. Mme B...a ensuite, à trois reprises, les 5, 6 et 11 avril 2018, refusé d'embarquer sur des vols à destination de La Havane. Elle a alors été placée en garde à vue le 11 avril 2018 et a ainsi pénétré sur le territoire français. Au cours de l'audition menée pendant la garde à vue, Mme B...a indiqué qu'elle avait quitté Cuba pour des raisons politiques et à cause du traitement réservé aux couples homosexuels, et a aussi déclaré qu'elle risquait sa vie si elle retournait dans son pays. L'intéressée devait, par suite, être regardée comme ayant manifesté son intention de demander l'asile lors de son audition. Par ailleurs, il ne ressort pas des pièces du dossier que la situation de Mme B... entre dans les cas prévus à l'article L. 743-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. La circonstance que Mme B...a fait l'objet, le 30 mars 2018, d'une décision du ministre de l'intérieur portant refus d'entrée sur le territoire au titre de l'asile en application de l'article L. 213-8-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est sans incidence sur la possibilité pour elle de solliciter une nouvelle fois l'asile sur le territoire français dans les conditions de droit commun. Par suite, le préfet de la Seine-Saint -Denis n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Rouen a annulé son arrêté obligeant Mme B...à quitter le territoire sans délai et fixant le pays de destination.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête du préfet de la Seine-Saint Denis est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à Mme A...B....
Copie en sera adressée pour information au préfet de la Seine-Saint-Denis.
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N°18DA01245
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