Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 10 septembre 2018, MmeE..., représentée par Me A... F...demande à la cour :
1°) d'annuler cette ordonnance ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir cet arrêté du 1er avril 2018 ;
3°) d'enjoindre au préfet d'instruire sa demande de titre de séjour dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Valérie Petit, président-assesseur, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. MmeE..., ressortissante guinéenne née le 22 février 1976, déclare être entrée en France le 15 août 2016. Sa demande d'asile a été rejetée le 31 juillet 2017 par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides puis le 1er mars 2018 par une décision de la Cour nationale du droit d'asile. Par un arrêté du 1er avril 2018, le préfet du Pas-de-Calais a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination de cette mesure d'éloignement. Mme E...relève appel de l'ordonnance du 25 juillet 2018 par laquelle le vice-président du tribunal administratif de Lille a rejeté, comme tardive, sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la régularité de l'ordonnance attaquée :
2. Aux termes de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors applicable : " I bis.- L'étranger qui fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français sur le fondement des 1°, 2°, 4° ou 6° du I de l'article L. 511-1 et qui dispose du délai de départ volontaire mentionné au premier alinéa du II du même article L. 511-1 peut, dans un délai de quinze jours à compter de sa notification, demander au président du tribunal administratif l'annulation de cette décision, ainsi que l'annulation de la décision mentionnant le pays de destination et de la décision d'interdiction de retour sur le territoire français qui l'accompagnent le cas échéant ". Aux termes de l'article R. 776-2 du code de justice administrative alors applicable : " Conformément aux dispositions du I bis de l'article L. 512-1 du même code, la notification d'une obligation de quitter le territoire français avec délai de départ volontaire, prise en application des 1°, 2°, 4° ou 6° du I de l'article L. 511-1 du même code, fait courir un délai de quinze jours pour contester cette obligation ainsi que les décisions relatives au délai de départ volontaire, au pays de renvoi et à l'interdiction de retour notifiées simultanément ".
3. Aux termes de l'article R. 351-3 du code de justice administrative : " Lorsqu'une cour administrative d'appel ou un tribunal administratif est saisi de conclusions qu'il estime relever de la compétence d'une juridiction administrative autre que le Conseil d'Etat, son président, ou le magistrat qu'il délègue, transmet sans délai le dossier à la juridiction qu'il estime compétente ".
4. Il ressort des pièces du dossier que le pli recommandé contenant l'arrêté en litige a été retiré par Mme E...le 23 avril 2018. L'intéressée a déposé une requête tendant à l'annulation de cet arrêté, enregistrée au greffe du tribunal administratif d'Amiens le 7 mai 2018, soit avant l'expiration du délai de quinze jours prévu à l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile cité au point 1. Par une ordonnance du 9 mai 2018 du président de la 4ème chambre du tribunal administratif d'Amiens, le dossier de la requête de Mme E... a été transmis au tribunal administratif de Lille sur le fondement des dispositions de l'article R. 351-3 du code de justice administrative. Par suite, alors même que Mme E... a présenté une seconde requête, cette fois au greffe du tribunal administratif de Lille, enregistrée le 9 mai 2018, la date à retenir pour apprécier la recevabilité de la requête de Mme E...est celle de son enregistrement au greffe du tribunal administratif d'Amiens qui, incompétemment saisi, a procédé à la transmission du dossier. Dans ces conditions, Mme E... est fondée à soutenir que c'est à tort que par l'ordonnance attaquée, le vice président du tribunal administratif de Lille a rejeté comme tardive sa requête.
5. Il y a lieu, pour la cour, d'annuler l'ordonnance et de se prononcer immédiatement, par la voie de l'évocation, sur les conclusions de MmeE....
6. Eu égard au caractère réglementaire des arrêtés de délégation de signature, soumis à la formalité de publication, le juge peut, sans méconnaître le principe du caractère contradictoire de la procédure, se fonder sur l'existence de ces arrêtés alors même que ceux-ci ne sont pas versés au dossier. Par un arrêté n° 2017-10-151 du 18 décembre 2017, publié le même jour au recueil spécial n° 121 des actes administratifs de la préfecture, le préfet du Pas-de-Calais a donné délégation à M. C...D..., signataire de l'arrêté en litige, à l'effet de signer, notamment, les décisions contenues dans cet arrêté. Par suite, le moyen d'incompétence du signataire de l'arrêté contesté manque en fait et doit être écarté.
7. Mme E...déclare être entrée en France le 15 août 2016 sous couvert de son passeport revêtu d'un visa de court séjour. La requérante, qui s'est maintenue en France au bénéfice de l'examen de sa demande d'asile, ne justifie d'aucune insertion sociale ou professionnelle. Elle n'établit pas être dépourvue de toute attache dans son pays d'origine où résident son mari et ses quatre autres enfants. Compte tenu des conditions et de la durée de son séjour en France, le préfet du Pas-de-Calais n'a pas porté au droit au respect de la vie privée et familiale de Mme E...une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels l'arrêté a été pris et n'a, par suite, pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
8. Aux termes du 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.
9. L'arrêté contesté n'a pas pour effet, ni pour objet de séparer Mme E...de son fils, âgé de moins de deux ans à la date de l'arrêté. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doit être écarté.
10. Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ". MmeE..., dont la demande d'asile a, au demeurant, été rejetée tant par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides que par la Cour nationale du droit d'asile, n'apporte pas d'éléments probants de nature à établir la réalité des risques personnels encourus en cas de retour dans son pays d'origine. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.
11. Il résulte de tout ce qui précède que Mme E...n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêté du 1er avril 2018 du préfet du Pas-de-Calais. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées au titre des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : L'ordonnance du 25 juillet 2018 du tribunal administratif de Lille est annulée.
Article 2 : La demande présentée par Mme E...devant le tribunal administratif de Lille est rejetée.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B...E..., au ministre de l'intérieur et à Me A...F....
Copie en sera adressée pour information au préfet du Pas-de-Calais.
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N°18DA01861
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N°"Numéro"