Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 26 janvier 2018, M. E..., représenté par MeD..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 18 septembre 2017 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 17 mars 2017 du préfet de la Manche ;
3°) d'enjoindre au Préfet de la Manche de lui délivrer une carte de séjour temporaire dans un délai de 15 jours à compter de l'arrêt à intervenir en application de l'article L 911-1 du Code de Justice Administrative ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1500 à verser à son conseil en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- l'arrêté du préfet est entaché d'une insuffisance de motivation et d'un défaut d'examen de sa situation, faute de mentionner qu'il est père d'un enfant né en France et qu'il justifie de son insertion professionnelle ;
- le refus de séjour est entaché d'erreur d'appréciation, dès lors qu'il a subi une nouvelle intervention en janvier 2018 et fait l'objet d'un suivi médical, qu'il justifie de l'intensité de ses liens privés et familiaux en France, où il réside depuis cinq ans, qu'il a un enfant en France, dont il assure l'éducation depuis sa naissance ; il pouvait prétendre à un titre de séjour en application du 7° de l'article L. 313-11 du CESEDA ;
- l'obligation de quitter le territoire méconnaît les stipulations de l'article 8 de la Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l'Homme et de l'article 3-1 de la Convention Internationale des Droits de l'enfant.
Par un mémoire en défense, enregistré le 30 novembre 2018, le préfet de la Manche conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. E...ne sont pas fondés.
M. E...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 19 février 2018.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Degommier a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. E... interjette appel du jugement du 18 septembre 2017 par lequel le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 17 mars 2017 par lequel le préfet de la Manche a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.
2. En premier lieu, il y a lieu d'écarter, par adoption des motifs retenus par les premiers juges, le moyen tiré du défaut de motivation et du défaut d'examen de la situation personnelle de M.E.... En outre, la circonstance que l'arrêté du préfet de la Manche ne mentionne pas l'activité professionnelle de M. E...n'est pas de nature à établir un défaut d'examen, par le préfet, de sa situation personnelle, dès lors que le titre de séjour était sollicité seulement au titre de la vie privée et familiale de l'intéressé.
3. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors applicable : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative, après avis du médecin de l'agence régionale de santé de la région de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général de l'agence, ou, à Paris, du médecin, chef du service médical de la préfecture de police. (...) ".
4. Sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve à l'une des parties, il appartient au juge administratif, au vu des pièces du dossier, et compte tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si l'état de santé d'un étranger nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle. La partie qui justifie d'un avis du médecin de l'agence régionale de santé venant au soutien de ses dires doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires ; en cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d'instruction utile.
5. Il ressort des pièces du dossier que M. E...souffre d'un cholestéatome de l'oreille droite, pour lequel il a subi une opération de tympanoplastie au Centre hospitalier public du Cotentin le 25 novembre 2015. Par un avis du 30 janvier 2017, le médecin de l'agence régionale de santé a estimé que l'état de santé de l'intéressé ne devrait pas entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité en cas de défaut de prise en charge. A l'appui de sa requête, M. E... se borne à indiquer qu'il a subi une nouvelle intervention en janvier 2018 et fait l'objet d'un suivi médical. Toutefois, il ne conteste pas avoir été opéré le 25 novembre 2015. Les certificats médicaux établis par les docteurs C...et B...se bornent à prévoir le suivi de cette intervention chirurgicale. Le courrier du 5 octobre 2017 du CHU de Caen décrit seulement l'opération, subie ensuite en janvier 2018, de reconstruction ossiculaire. Ces documents, qui ne donnent aucune précision sur la nature du suivi médical à assurer, ne remettent pas en cause les conclusions contenues dans l'avis du médecin de l'agence régionale de santé de Normandie. Dès lors le préfet de la Manche n'a pas fait une inexacte application des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en refusant de délivrer un titre de séjour.
6. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ; (...) ".
7. Si M. E...est le père d'une enfant prénommée Précious, née en France le 15 janvier 2016, il est constant qu'il ne vit pas avec sa fille et la mère de celle-ci, MmeA.... Il produit quelques justificatifs de trajets entre Caen, où il réside et Lyon, où habite son enfant avec sa mère, ainsi qu'une attestation de Mme A...qui se borne à indiquer, sans autre précision, qu'il s'occupe de sa fille et participe financièrement à son entretien, et quelques photographies. Ce faisant, il n'apporte aucun document probant permettant d'établir qu'il contribue effectivement à l'entretien et à l'éducation de sa fille, alors qu'il justifie avoir une activité professionnelle à temps partiel. Il n'allègue pas être dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine où il a vécu jusqu'à l'âge de 36 ans. Dans ces conditions, en refusant de délivrer un titre de séjour, le préfet de la Manche n'a ni méconnu les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ni commis d'erreur manifeste d'appréciation au regard de la situation familiale de M.E....
8. En dernier lieu, pour les mêmes motifs que ceux qui ont été exposés au point précédent, la mesure d'éloignement prise à l'égard de M. E...ne méconnaît, ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni celles de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.
9. Il résulte de ce qui précède que M. E... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande. Par suite, ses conclusions à fin d'injonction ne peuvent qu'être rejetées, de même que celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. E... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. F... E...et au ministre de l'intérieur.
Une copie sera adressée au préfet de la Manche.
Délibéré après l'audience du 7 décembre 2018, à laquelle siégeaient :
- M. Dussuet, président de chambre,
- M. Degommier, président assesseur,
- M. Mony, premier conseiller.
Lu en audience publique le 21 décembre 2018.
Le rapporteur,
S. DEGOMMIER
Le président,
J-P. DUSSUET Le greffier,
C. GOY
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 18NT00355