Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 9 octobre 2015, MmeD..., représentée par Me C...B..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif d'Amiens du 15 septembre 2015 et l'arrêté du préfet de l'Oise du 8 juin 2015 ;
2°) d'enjoindre au préfet de l'Oise de lui délivrer, dans un délai d'un mois à compter de la date de notification de l'arrêt à intervenir, le titre de séjour sollicité.
Elle soutient que :
- elle était en situation, à la date à laquelle l'arrêté contesté a été pris, de se voir délivrer de plein droit une carte de séjour temporaire sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision l'obligeant à quitter le territoire français ne tient pas compte de l'intérêt de ses enfants ;
- la décision fixant la République démocratique du Congo comme le pays à destination duquel elle pourra être reconduite d'office méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense, enregistré le 3 décembre 2015, le préfet de l'Oise conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par Mme D...ne sont pas fondés.
Mme D...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 19 octobre 2015.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant, signée à New-York le 26 janvier 1990 ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Jean-François Papin, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.
1. Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction en vigueur à la date à laquelle l'arrêté du 8 juin 2015 en litige a été pris : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : / (...) / 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire / (...) " et qu'aux termes de l'article L. 511-4 de ce code : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : / (...) / 10° L'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi (...) " ;
2. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier et notamment des certificats médicaux établis les 30 mai, 11 septembre, 3 octobre et 17 décembre 2014, ainsi que le 13 avril 2015, par le docteur Azad, praticien hospitalier exerçant au centre médico-psychologique de Liancourt (Oise), que Mme D..., ressortissante de la République démocratique du Congo, souffre d'un syndrome de stress post-traumatique qui se manifeste notamment par un état dépressif et anxieux, ainsi que par des épisodes de panique et des cépahlées anxiogéniques ; que ces documents précisent que cette pathologie a justifié la prescription d'un traitement médicamenteux, malgré lequel l'état de l'intéressée demeure fragile, ainsi que la mise en place d'un suivi psychiatrique régulier qu'il est nécessaire de maintenir sauf à l'exposer à des conséquences d'une exceptionnelle gravité ; que, toutefois, ces seuls documents, qui se bornent à émettre des doutes sur la disponibilité d'une prise en charge médicale appropriée à l'état de santé de Mme D... dans son pays d'origine, ne sont pas de nature à remettre en cause l'appréciation à laquelle s'est livré le préfet de l'Oise au vu notamment d'un avis émis le 20 février 2015 par le médecin de l'agence régionale de santé de Picardie, selon laquelle, si l'état de santé de l'intéressée requiert une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour elle des conséquences d'une exceptionnelle gravité, le traitement qui lui est nécessaire est disponible dans ce pays, vers lequel l'intéressée est à même de voyager sans risque pour sa santé ; qu'à cet égard, le préfet de l'Oise fait valoir, sans être contredit, que, selon des informations portées notamment à sa connaissance par l'ambassade de France en République démocratique du Congo et corroborées par plusieurs rapports publiés par des organisations non gouvernementales, les anti-anxiolytiques, antihistaminiques et antidépresseurs figurent sur la liste des médicaments essentiels disponibles dans ce pays, qui dispose de structures hospitalières spécialisées dans la prise en charge des troubles psychiatriques ; qu'il suit de là qu'il n'est pas établi que la requérante était, comme elle le soutient, en situation, à la date à laquelle l'arrêté contesté a été pris, de prétendre de plein droit à la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions précitées de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ni, à supposer le moyen invoqué, qu'elle aurait été, à cette date, au nombre des étrangers visés par les dispositions précitées de l'article L. 511-4 de ce code qui ne peuvent légalement faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français ;
3. Considérant qu'aux termes des stipulations du 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale " ; qu'il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant ; que ces stipulations sont applicables non seulement aux décisions qui ont pour objet de régler la situation personnelle d'enfants mineurs mais aussi à celles qui ont pour effet d'affecter, de manière suffisamment directe et certaine, leur situation ;
4. Considérant que Mme D..., dont les allégations afférentes aux risques qu'elle encourrait en cas de retour dans son pays d'origine n'ont convaincu ni l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, ni la Cour nationale du droit d'asile, n'établit pas que des circonstances particulières feraient obstacle à ce qu'elle puisse emmener, le cas échéant, ses trois enfants, nés en 2006, 2009 et 2010, afin de reconstituer sa vie familiale en République démocratique du Congo, où elle n'établit pas être dépourvue d'attaches ; qu'ainsi, pour lui faire obligation de quitter le territoire français, le préfet de l'Oise n'a pas porté une attention insuffisante à l'intérêt supérieur de ces enfants, eu égard à leur jeune âge et malgré leur scolarisation en école primaire et maternelle, ni n'a, par suite, méconnu les stipulations précitées du 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
5. Considérant qu'aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants " ;
6. Considérant que le moyen tiré de la méconnaissance de ces stipulations doit être regardé comme dirigé contre la seule décision fixant la République démocratique du Congo comme le pays à destination duquel Mme D... pourra être reconduite d'office ; que, toutefois, l'intéressée ne produit, au soutien du récit écrit de sa main qu'elle verse au dossier, aucun élément probant de nature à établir la réalité des risques personnels, directs et actuels qu'elle encourrait en cas de retour dans ce pays ; qu'au demeurant, il ressort des pièces du dossier que sa demande d'asile a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides en date du 18 juin 2014, confirmée le 15 décembre 2014 par la Cour nationale du droit d'asile ; qu'ainsi, le préfet de l'Oise n'a pas méconnu les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales pour prendre cette décision ;
7. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme D...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande ; que ses conclusions à fin d'injonction doivent, par voie de conséquence, être rejetées ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme D...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A...D...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée, pour son information, au préfet de l'Oise.
Délibéré après l'audience publique du 3 mars 2016 à laquelle siégeaient :
- M. Paul-Louis Albertini, président de chambre,
- M. Olivier Nizet, président-assesseur,
- M. Jean-François Papin, premier conseiller.
Lu en audience publique le 17 mars 2016.
Le rapporteur,
Signé : J.-F. PAPINLe président de chambre,
Signé : P.-L. ALBERTINI
Le greffier,
Signé : I. GENOT
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme,
Le greffier,
Isabelle Genot
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N°15DA01611
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