Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 12 juin 2018, MmeC..., représentée par Me A... D..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 9 janvier 2018 ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir cet arrêté du 11 mai 2017 ;
3°) d'enjoindre au préfet de l'Eure de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir sous astreinte de cent euros par jour de retard, ou à défaut, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans l'attente du réexamen de sa demande, sous les mêmes conditions de délai et d'astreinte ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre des dispositions combinées de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ou subsidiairement de mettre à la charge de l'Etat cette même somme au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Valérie Petit, président-assesseur, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. MmeC..., de nationalité congolaise (République démocratique du Congo), née le 23 novembre 1977, déclare être entrée en France le 9 décembre 2013, en compagnie de ses deux enfants. Elle a présenté une demande d'asile qui a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides puis par la Cour nationale du droit d'asile. Elle a été mise en possession d'un titre de séjour valable du 20 janvier 2016 au 19 janvier 2017 en raison de son état de santé, dont elle a demandé le renouvellement. Par un arrêté du 11 mai 2017, le préfet de l'Eure a refusé de renouveler ce titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être reconduite d'office. Mme C...relève appel de du jugement du 9 janvier 2018 par lequel le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur le refus de titre de séjour :
2. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. Les médecins de l'office accomplissent cette mission dans le respect des orientations générales fixées par le ministre chargé de la santé (...) ".
3. L'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose que : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé. Les orientations générales mentionnées à la quatrième phrase du 11° de l'article L. 313-11 sont fixées par arrêté du ministre chargé de la santé. ". Aux termes de l'article R. 313-23 du même code : " Le rapport médical visé à l'article R. 313-22 est établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration à partir d'un certificat médical établi par le médecin qui le suit habituellement ou par un médecin praticien hospitalier inscrits au tableau de l'ordre (...) Sous couvert du directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration le service médical de l'office informe le préfet qu'il a transmis au collège de médecins le rapport médical. (...) Le collège à compétence nationale, composé de trois médecins, émet un avis dans les conditions de l'arrêté mentionné au premier alinéa du présent article. La composition du collège et, le cas échéant, de ses formations est fixée par décision du directeur général de l'office. Le médecin ayant établi le rapport médical ne siège pas au sein du collège (...) ". L'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose : " Au vu du rapport médical mentionné à l'article 3, un collège de médecins désigné pour chaque dossier dans les conditions prévues à l'article 5 émet un avis, conformément au modèle figurant à l'annexe C du présent arrêté, précisant: a) si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale ; b) si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé ; c) si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont le ressortissant étranger est originaire, il pourrait ou non y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ; d) la durée prévisible du traitement. Dans le cas où le ressortissant étranger pourrait bénéficier effectivement d'un traitement approprié, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, le collège indique, au vu des éléments du dossier du demandeur, si l'état de santé de ce dernier lui permet de voyager sans risque vers ce pays. Cet avis mentionne les éléments de procédure. Le collège peut délibérer au moyen d'une conférence téléphonique ou audiovisuelle. L'avis émis à l'issue de la délibération est signé par chacun des trois médecins membres du collège ".
4. Ni les dispositions rappelées ci-dessus ni aucune autre disposition n'impose que soit mentionné dans l'avis du collège de médecins le nom de l'auteur du rapport médical.
5. Il ressort des pièces du dossier, en particulier des informations fournies par le préfet de l'Eure, que l'avis du 3 avril 2017 concernant la situation médicale de Mme C... a été rendu par trois médecins, dont le nom est indiqué, qui ont été désignés pour participer au collège de médecins à compétence nationale par une décision du directeur de l'OFII du 17 janvier 2017. Le préfet produit en outre au dossier une attestation de la directrice générale adjointe de l'OFII du 10 août 2018 indiquant le nom du médecin qui a établi le rapport médical sur la situation de la requérante, dont il ressort qu'il ne s'agissait pas d'un des trois membres du collège de l'OFII. Par suite, l'avis n'a pas été rendu en méconnaissance des dispositions de l'article R. 313-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile rappelées au point 4.
6. Il ressort également de la copie d'écran de l'application permettant le suivi de l'instruction du dossier par l'Office national de l'immigration et de l'intégration produit par le préfet que le rapport médical établi par le Docteur Baril a été transmis au collège de médecins. Ainsi, le moyen tiré de ce que la procédure serait irrégulière pour ce motif doit être écarté.
7. Il résulte de l'avis du collège des médecins de l'OFII du 3 avril 2017 que l'état de santé de Mme C...nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité mais qu'un traitement approprié existe dans son pays d'origine, dont elle peut bénéficier effectivement eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé. Il ressort des ordonnances médicales versées au dossier que MmeC..., qui souffre d'un état de stress post-traumatique, bénéficie d'un traitement comprenant de l'alprazolam, de la famille des anxiolytiques, du paroxétine, un antidépresseur et du cyamemazine, un antipsychotique. Pour contester l'existence de ce traitement approprié en République démocratique du Congo, Mme C...fait état de la liste des médicaments essentiels révisés en 2010, dont il ressort que ses médicaments ne seraient pas disponibles. Il en ressort toutefois que l'alprazolam y est bien référencée. Le préfet de l'Eure produit quant à lui des éléments d'information datant de 2017, portés à la connaissance du ministère de l'intérieur néerlandais à partir d'une banque mondiale de données médicales dénommées Medcoi (Medical country of origin information) que le paroxétine et la chlorpromazine sont disponibles en République démocratique du Congo. La requérante ne conteste pas non plus sérieusement que la chlorprozamine ne pourrait pas être substitué à la cyamemazine, appartenant à la même classe thérapeutique, étant précisé également qu'un traitement approprié n'est pas nécessairement un traitement identique à celui dont elle bénéficie en France. En outre, si la requérante se prévaut d'un extrait du site internet du ministère des affaires étrangères, ayant pour objet de donner des conseils aux voyageurs français se rendant à l'étranger, selon lequel les hôpitaux publics de République démocratique du Congo sont délabrés et obsolètes, il résulte du même site que " des praticiens généralistes et spécialistes de bon niveau, regroupés pour la plupart à Kinshasa ou Lubumbashi, exercent aussi dans le secteur privé, au sein de cliniques dont quelques unes se rapprochent des standards européens ". Enfin, Mme C...se prévaut en appel d'un nouveau rapport psychologique établi le 1er févier 2018 par sa psychologue clinicienne, attestant de ce que l'état de détresse psychologique de l'intéressée est lié aux événements vécus par elle dans son pays d'origine. Cette attestation se fonde exclusivement, toutefois, sur les propres déclarations de Mme C...s'agissant des événements qu'elle aurait vécus dans son pays d'origine, qui ont d'ailleurs été jugées peu crédibles par la Cour nationale du droit d'asile dans sa décision du 7 mai 2015. Dans ces conditions, le moyen tiré de ce que la décision contestée aurait été prise en méconnaissance des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.
8. Mme C...fait valoir aussi qu'elle réside en France depuis décembre 2013 avec ses deux enfants, alors âgés de sept et quatre ans, qui poursuivent une scolarité depuis leur arrivée. Toutefois, si la requérante fait valoir que son mari est décédé, elle n'établit pas pour autant être isolée en cas de retour dans son pays d'origine. En outre, si Mme C...a suivi une formation qualifiante dans les métiers de l'hygiène entre février et juin 2017 et a validé un niveau A1 en langue française, ces éléments ne suffisent pas à démontrer une intégration professionnelle d'une particulière intensité, alors qu'elle vit en France que depuis plus de trois ans à la date de l'arrêté en litige. Si la requérante fait également valoir que son fils ainé est suivi régulièrement dans un centre médico-psychologique et prend un traitement pour des troubles anxieux, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il ne pourrait pas bénéficier d'un tel suivi dans son pays d'origine. Dès lors, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, la décision de refus de titre de séjour prise par le préfet de l'Eure n'a pas porté au droit de Mme C...au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au but en vue duquel elle a été prise et n'a, par suite, pas méconnu les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes motifs, le préfet de l'Eure n'a pas entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences de sa décision sur la situation personnelle de l'intéressée.
9. Aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 313-2 ".
10. Compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, et pour les motifs énoncés au point 8, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'admission au séjour de Mme C...répondrait à des considérations humanitaires ou se justifierait au regard de motifs exceptionnels. Dès lors, en refusant de l'admettre exceptionnellement au séjour, le préfet de l'Eure n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions citées au point précédent.
11. Aux termes du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990 : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. ". Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant. Elles sont applicables non seulement aux décisions qui ont pour objet de régler la situation personnelle d'enfants mineurs mais aussi à celles qui ont pour effet d'affecter, de manière suffisamment directe et certaine, leur situation.
12. La décision contestée n'a ni pour objet ni pour effet de séparer les enfants de leur mère. Rien ne s'oppose à ce que la cellule familiale de la requérante puisse se reconstituer notamment en République démocratique du Congo. Mme C...n'établit pas l'impossibilité pour ses enfants d'être scolarisés dans leur pays d'origine, ni celle pour son fils d'y être soigné. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doit être écarté.
Sur l'obligation de quitter le territoire français :
13. Ainsi qu'il a été dit au point 5, le collège de médecins de l'OFII a été saisi de la situation médicale de Mme C...et a émis un avis le 3 avril 2017. Par suite, le moyen tiré de ce que le préfet n'aurait pas saisi pour avis le collège de l'OFII doit être écarté.
14. Il résulte de ce qui a été dit du point 2 à 12, que la décision de refus de titre de séjour n'est pas entachée d'illégalité. Dans ces conditions, le moyen tiré de l'illégalité de cette décision, invoqué à l'appui des conclusions dirigées contre la décision portant obligation de quitter le territoire, doit être écarté.
15. Aux termes de l'article L.511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : /(...)/ 10° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ;(...) ".
16. Ainsi qu'il a été dit au point 7, il ne ressort pas des pièces du dossier que Mme C... ne pourrait effectivement accéder à un traitement approprié à sa pathologie en République démocratique du Congo. De plus, il résulte de l'avis du collège de médecins de l'OFII du 3 avril 2017, que l'intéressée peut voyager sans risque à destination de son pays d'origine. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.
17. Pour les mêmes raisons que celles énoncées au point, le préfet de l'Eure n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle de MmeC....
Sur le pays de destination :
18. Il y a lieu, par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges, d'écarter les moyens tirés de l'insuffisance de motivation de la décision contestée et de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 512-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
19. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction assorties d'astreinte ainsi que la demande présentée par son conseil au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme C...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B...C..., au ministre de l'intérieur et à Me A...D....
Copie en sera adressée pour information au préfet de l'Eure.
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N°18DA01214