Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 15 février 2016, la Maison de santé de Bohain, représentée par Me C...A..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif d'Amiens du 19 janvier 2016 ;
2°) de condamner la société Arodie Damian Architectures à lui verser une somme totale de 970 798,86 euros, assortie des intérêts légaux à compter du 23 décembre 2010, avec capitalisation, ou, subsidiairement, d'ordonner une expertise ;
3°) de mettre à la charge de la société Arodie Damian Architectures la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
-------------------------------------------------------------------------------------------------
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des marchés publics ;
- le code civil ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Valérie Petit, président-assesseur,
- les conclusions de M. Jean-Philippe Arruebo-Mannier, rapporteur public,
- et les observations de Me D...B..., représentant la maison de santé de Bohain.
Considérant ce qui suit :
1. La Maison de santé et de cure médicale de Bohain-en-Vermandois, établissement d'hébergement de personnes âgées dépendantes, a lancé en novembre 1999 un programme de mise en sécurité et de modernisation de ses locaux. La maîtrise d'oeuvre de l'opération a été confiée à la société Arodie Damian Architectures, sous la forme de trois marchés relatifs respectivement à la mise en conformité du système de sécurité incendie, à la modernisation des salles de bain et des salles à manger et à l'ordonnancement, pilotage et coordination. Les travaux ont débuté le 23 février 2004. En raison de difficultés survenues au cours du chantier, la société Arodie Damian Architectures, après avoir sollicité en vain la résiliation de son contrat en invoquant un cas de force majeure, a saisi le juge des référés du tribunal administratif d'Amiens. Celui-ci, par une ordonnance du 31 août 2006, a ordonné une expertise en vue de déterminer la cause des désordres affectant les travaux et le montant des préjudices subis. Le 7 février 2007, la Maison de santé de Bohain a notifié à la société Arodie Damian Architectures la résiliation à ses torts de ses trois marchés, puis a décidé, en juin 2007, de passer aux frais et risques de cette dernière un nouveau marché de maîtrise d'oeuvre. Ce nouveau marché a été attribué, en septembre 2007, à la société SECA. Puis, le 30 juillet 2008, la Maison de santé de Bohain a émis à l'encontre de la société Arodie Damian Architectures un titre exécutoire d'un montant de 7 176 euros, cette somme correspondant au coût d'une partie des prestations confiées à la société SECA. Le recours de la société Arodie Damian Architectures tendant à l'annulation de la résiliation des marchés et du titre de recettes ainsi qu'à la condamnation de la Maison de santé de Bohain à réparer le préjudice résultant, selon elle, de cette résiliation, a été rejeté par un jugement du tribunal administratif d'Amiens du 7 juin 2011, devenu définitif. La Maison de santé de Bohain a formé à son tour un recours tendant à l'engagement de la responsabilité de la société Arodie Damian Architectures à raison des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait des carences fautives de cette dernière dans l'exécution du marché qui lui avait été confié. Par un jugement du 19 janvier 2016, dont elle relève appel, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande.
Sur le préjudice qui résulterait de la nécessité de réaliser des travaux supplémentaires et de rémunérer à cet effet le nouveau maître d'oeuvre :
2. La Maison de santé soutient, en premier lieu, que les carences de la société Arodie Damian Architectures l'ont obligée à engager des travaux correctifs et à supporter des coûts supplémentaires de maîtrise d'oeuvre et de conduite d'opérations.
3. Il résulte de l'instruction, notamment du jugement du tribunal administratif d'Amiens du 7 juin 2011, que les travaux conçus par la société Arodie Damian Architectures ne respectaient pas l'ensemble des règles applicables en matière d'incendie et de secours et que des corrections ont dû être apportées sur ce point par le nouveau maître d'oeuvre.
4. Toutefois, les travaux de rénovation réalisés postérieurement à la résiliation du marché de la société Arodie Damian Architectures ont consisté, d'une part, à achever certains travaux, d'autre part, à réaliser des travaux complémentaires nécessaires au respect de la réglementation en matière de sécurité et qui auraient dû, en tout état de cause, être effectués si le marché initial de maîtrise d'oeuvre n'avait pas été résilié avant l'achèvement du chantier, enfin à prendre en compte des modifications du projet décidées par le maître d'oeuvre lui-même. Si le rapport d'expertise distingue " les travaux apportant une plus-value à l'ouvrage " et les travaux supplémentaires " nécessaires afin de réparer les désordres en lien avec la défaillance de la société Arodie Damian Architectures ", évalués à 229 803 euros, il ne ressort pas des constatations de l'expert que la reprise de travaux déjà effectués aurait été nécessaire. Dans ces conditions, les carences de la société Arodie Damian Architectures ne peuvent être regardées comme ayant imposé au maître d'ouvrage la réalisation de travaux qui n'auraient pas été engagés en l'absence de telles carences.
5. Par ailleurs, la Maison de santé de Bohain invoque le coût du recours à un nouveau maître d'oeuvre, qu'elle évalue à un montant de 86 732,32 euros. Ce montant correspond à la valeur du marché conclu avec la société SECA. Il résulte toutefois de l'instruction que la Maison de santé de Bohain n'a versé à la société Arodie Damian Architecture, à titre d'acomptes, qu'un montant correspondant à 80 % de la rémunération prévue, qu'une partie des nouvelles prestations de maîtrise d'oeuvre résulte des nombreuses modifications du projet souhaitées par le maître d'ouvrage et que, comme il a été dit au point 1 ci-dessus, un état exécutoire a déjà été émis par la Maison médicale de Bohain le 30 juillet 2008 afin de recouvrer la somme correspondant au coût des prestations de coordination des travaux relatifs au système d'incendie et de secours, confiées au nouveau maître d'oeuvre. Or, seules ces prestations complémentaires en matière de sécurité et d'incendie peuvent, pour les mêmes raisons que celles énoncées au point 4 ci-dessus, être regardées comme résultant directement des carences de la maîtrise d'oeuvre initiale. Dans ces conditions, comme l'ont estimé à bon droit les premiers juges, la Maison de santé de Bohain n'est pas fondée à demander la condamnation de la société Arodie Damian Architectures à lui rembourser, au-delà du montant de l'état exécutoire mentionné ci-dessus, le coût du marché du nouveau marché de maîtrise d'oeuvre conclu avec la société SECA.
Sur la perte d'exploitation qui résulterait du retard dans l'exécution des travaux :
6. Il résulte de l'instruction, notamment du jugement du tribunal administratif d'Amiens du 7 juin 2011 que la société Arodie Damian Architectures a fait preuve d'un manque de suivi et d'une mauvaise organisation du chantier et de la coordination entre les différentes entreprises, qui ont contribué à l'allongement de la durée des travaux. Toutefois, et d'une part, le retard pris par le chantier postérieurement à la date de résiliation de son marché, soit le 7 février 2007, ne peut lui être imputé. D'autre part, s'il résulte de l'instruction que le retard de chantier a désorganisé le fonctionnement de l'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EPHAD), la Maison médicale de Bohain se borne, comme en première instance, à attribuer à ce retard de chantier à la différence entre les recettes prévues pour les exercices budgétaires concernés et les recettes effectivement perçues en fonction du taux d'occupation des chambres. Elle ne verse au dossier que des documents comptables, sans justifier davantage en appel qu'en première instance qu'elle aurait été obligée de diminuer temporairement, du fait des travaux, le nombre de places proposées à des résidents. Elle n'apporte pas non plus d'éléments concrets de nature à établir que la durée du chantier aurait dissuadé certaines personnes âgées de présenter des demandes d'hébergement dans ses locaux. Dans ces conditions, les pièces produites ne suffisent pas à établir un lien de causalité entre la légère baisse du taux de fréquentation constatée à partir de 2006 et les carences de la société Arodie Damian Architectures dans la conduite du chantier.
7. Il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'ordonner une nouvelle expertise ni de statuer sur la fin de non-recevoir tirée de l'irrecevabilité de la demande de première instance, la Maison de santé de Bohain n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande. Ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent, en conséquence, qu'être rejetées. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la Maison de santé de Bohain la somme demandée par la société Arodie Damian Architectures au titre des mêmes dispositions.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la Maison de santé de Bohain est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par la société Arodie Damian Architectures au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la Maison de santé de Bohain et à la société Arodie Damian Architectures.
1
2
N° 16DA00318