Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 25 juin 2018, le préfet de l'Aisne demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) rejeter la demande de Mme A...D....
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Paul-Louis Albertini, président-rapporteur, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. MmeD..., ressortissante algérienne née le 10 novembre 1986 à Bucarest, en Roumanie, est entrée pour la dernière fois en France le 5 avril 2016, avec un passeport muni d'un visa de court séjour. Le 13 décembre 2017, elle a sollicité un titre de séjour au titre de la vie privée et familiale. Par un arrêté du 9 février 2018, le préfet de l'Aisne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a enjoint de quitter le territoire français et a fixé le pays à destination duquel elle pourrait être reconduite d'office. Le préfet de l'Aisne relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif d'Amiens a annulé cet arrêté
Sur le motif d'annulation retenu par le tribunal administratif :
2. Aux termes de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " 1. Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. (...) ". Il résulte de ces stipulations, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant. Elles sont applicables non seulement aux décisions qui ont pour objet de régler la situation personnelle d'enfants mineurs mais aussi à celles qui ont pour effet d'affecter, de manière suffisamment directe et certaine, leur situation.
3. D'une part, il ne ressort pas des pièces du dossier, et en particulier des motifs de la décision en litige du préfet de l'Aisne portant refus de délivrance d'un titre de séjour à MmeD..., laquelle mentionne non seulement la naissance, le 14 juin 2013 et le mars 2015, de ses deux enfants issus de l'union de la requérante et d'un compatriote, résidant régulièrement en Algérie, et la scolarisation en France, dans une école maternelle, de l'aîné, mais aussi les circonstances qu'elle a déjà vécu en Algérie avec eux, après leur naissance dans ce pays dont elle a la nationalité, et que rien ne s'oppose à ce que ses enfants l'y accompagnent, que le préfet n'aurait pas pris en compte l'intérêt supérieur des enfants, ni qu'il ne se serait pas livré à un examen particulier et sérieux de la situation de Mme D...et de ses enfants sur ce point. D'autre part, nonobstant la circonstance que le préfet de l'Aisne n'a pas visé les stipulations précitées de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, lesquelles ne peuvent constituer le fondement d'une décision de délivrance ou de refus d'un titre de séjour, mais doivent seulement conduire l'administration à accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant, la décision de refus de titre de séjour en cause, qui comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait qui la fondent, est suffisamment motivée. Ainsi, compte tenu de ce qui précède, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations du 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant et du défaut d'examen de sa situation personnelle au regard de ces stipulations doivent être écartés.
4. Il résulte de ce qui précède que le préfet de l'Aisne est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille s'est fondé sur ces motifs pour annuler son arrêté. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme D...devant la juridiction administrative.
Sur les autres moyens soulevés par MmeD... :
5. Aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien : " Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit :/ (...) 5°) au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus. ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".
6. Mme D...est entrée en France, pour la dernière fois, le 5 avril 2016, munie d'un passeport revêtu d'un visa de court séjour. Elle fait valoir qu'elle est déjà venue plusieurs fois en France, qu'elle a déjà vécu en dehors du territoire algérien, et que ses deux enfants, qui sont nés en France, sont tous deux scolarisés en maternelle et ne parlent pas l'arabe mais seulement le français. Elle précise que son mari, qui réside en Algérie, leur rend régulièrement visite, qu'elle dispose d'un logement en France, et fait aussi valoir que son père, qui a vécu en France, y est décédé, que sa mère y travaille, au consulat algérien à Saint-Etienne, et qu'elle a une soeur, qui vit en France avec sa mère. Toutefois, compte tenu de son arrivée récente en France, où elle est seulement accompagnée par ses deux enfants encore en bas âge, son conjoint demeurant..., elle n'établit pas que la cellule familiale ne puisse se reconstituer dans ce pays, où ses enfants pourront être scolarisés. Dans ces conditions, eu égard à la durée et aux conditions de séjour de MmeD..., l'arrêté du préfet de l'Aisne n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris et ne méconnaît pas ainsi les stipulations du 5° de l'article 6 de l'accord franco-algérien, ni les dispositions de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes motifs, la décision en litige n'est pas davantage entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressé.
7. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de l'Aisne est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a annulé son arrêté en litige du 9 février 2018. Par voie de conséquence, les conclusions à fin d'injonction présentées par Mme D...ainsi que ses conclusions présentées sur le fondement des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent également être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du 15 juin 2018 du tribunal administratif de Lille est annulé.
Article 2 : La demande présentée par Mme D...devant le tribunal administratif de Lille ainsi que ses conclusions présentées devant la cour sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A...D...épouseC..., au ministre de l'intérieur et à Me E...B....
Copie en sera adressée pour information au préfet de l'Aisne.
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