Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés les 27 décembre 2017 et 26 mai 2018,
M.A..., représenté par MeD..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du Tribunal administratif de la Polynésie française
du 14 novembre 2017 ;
2°) de prononcer la décharge des impositions litigieuses ;
3°) de mettre à la charge de la Polynésie française une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- sa requête est recevable en ce qui concerne la taxe sur la valeur ajoutée ;
- il n'a pas été informé de la possibilité de saisir la commission des impôts dans le délai de trente jours à compter de la notification de la taxation d'office, en méconnaissance des dispositions de l'article 432-2 du code des impôts de la Polynésie française ;
- il n'a pas été informé de l'existence du pli contenant la notification de redressements ;
- les objets de correspondance doivent être distribués à l'adresse indiquée par l'expéditeur et non mis en instance ;
- le délai de mise en instance n'a pas été respecté ;
- les dispositions de l'article 412-4 du code des impôts de la Polynésie française ont été méconnues ;
- les éléments de comptabilité ont été transmis au vérificateur, qui ne pouvait dès lors, constater l'absence de présentation de comptabilité et qui n'a pas indiqué en quoi cette comptabilité n'aurait pas été régulière et probante, de sorte que les dispositions du 2 de l'article LP 423-1 du code des impôts de la Polynésie française n'étaient pas applicables ;
- la décision de remettre les copies de fichiers informatiques ne peut justifier la mise en oeuvre de la procédure de taxation d'office ; cette décision a été imposée par le vérificateur ;
- les données n'ont pas été restituées en méconnaissance des dispositions du III de l'article 412-1 du code des impôts de la Polynésie française ;
- l'administration a souhaité prendre les données sans passer par la procédure prévue par les dispositions du III de l'article 412-1 du code des impôts de la Polynésie française qui n'autorisent la mise à disposition de copies numérisées de la comptabilité que lorsque le contrôle sur le matériel de l'entreprise est refusé par le contribuable ; l'absence de contrôle sur place des données informatiques l'a privé du droit de se défendre.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 19 avril et 26 juin 2018, le gouvernement de la Polynésie française, représenté par MeB..., conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge de M. A...au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la requête est irrecevable en ce qui concerne la taxe sur la valeur ajoutée ;
- les moyens soulevés par M. A...ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 27 juin 2018, la clôture de l'instruction a été fixée au
20 juillet 2018.
Vu :
- les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 ;
- le code des postes et télécommunications en Polynésie française ;
- le code des impôts de la Polynésie française ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Magnard,
- les conclusions de M. Cheylan, rapporteur public,
- et les observations de M.D..., représentant M.A....
1. Considérant que M. C...A...relève appel du jugement n° 1700215 du
14 novembre 2017 par lequel le Tribunal administratif de la Polynésie française a rejeté sa demande tendant à la décharge, en droits et majorations, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les transactions et de contribution de solidarité territoriale auxquelles il a été assujetti au titre des exercices clos en 2011, 2012 et 2013 ainsi que des compléments de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période allant du 1er janvier 2011 au 30 juin 2014 ;
2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article LP 423-1 du code des impôts de la Polynésie française : " (...) 2 - Sont également taxés d'office, les contribuables qui n'ont pas présenté la comptabilité ou dont la comptabilité n'a pas été reconnue régulière et probante. (...). " ; qu'aux termes de l'article LP 365-1 du même code : " Les redevables des impôts, droits et taxes prévus par le présent code doivent présenter, à toute réquisition des agents assermentés de la direction des impôts et des contributions publiques, les documents comptables, inventaires, copies de lettres, pièces de recettes et de dépenses de nature à justifier l'exactitude des résultats indiqués dans les déclarations souscrites auprès de la direction des impôts et des contributions publiques. " ; qu'il résulte du procès-verbal établi le 30 octobre 2014, signé par le vérificateur et par M.A..., que ce dernier a indiqué " qu'aucune comptabilité n'est tenue et qu'aucune comptabilité ne peut être présentée " ; qu'il n'est pas contesté qu'il n'a notamment été présenté ni grand livre, ni livre journal, ni livre d'inventaire ; que si M. A...fait valoir qu'il a transmis au vérificateur des " pièces comptables ", il ne fournit aucune précision sur la nature de ces pièces ; qu'à supposer qu'il s'agisse des fichiers informatisés remis au vérificateur, qui comportaient des factures ou détaillaient les prestations de travaux du bâtiment réalisées par
M.A..., ces documents ne peuvent être assimilés à une comptabilité régulière au sens des dispositions précitées de l'article LP 423-1 du code des impôts de la Polynésie française ; que par suite, M.A..., qui ne peut dans ces circonstances utilement faire valoir que la décision de remettre les copies de fichiers informatiques ne peut justifier la mise en oeuvre de la procédure de taxation d'office, et qui ne produit en tout état de cause aucun élément de nature à établir que cette remise a été imposée par le vérificateur, n'est pas fondé à soutenir que le recours à la procédure de taxation d'office méconnaîtrait les dispositions du 2 de l'article LP 423-1 du code des impôts de la Polynésie française ; que la circonstance que l'administration, dans la notification de redressement du 13 novembre 2014, se réfère par erreur, pour motiver le recours à la procédure de taxation d'office, à la décision du contribuable d'autoriser l'administration à effectuer des traitements informatiques, et non aux constatations, qui étaient également développées sur la même page, relatives au défaut de comptabilité, n'est pas de nature à remettre en cause le bien-fondé du recours à cette procédure ;
3. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 412-1 du code des impôts de la Polynésie française : " (...) III (...) Les copies des documents transmis à l'administration (...) doivent être restituées au contribuable avant la mise en recouvrement. (...) " ; qu'il résulte de l'instruction que le CD-Rom confié par M. A...au vérificateur le 29 octobre 2014 lui a été restitué le 6 mai 2015, et que les impositions contestées ont été mises en recouvrement
le 5 juin 2015 en ce qui concerne l'impôt sur les transactions et la contribution de solidarité territoriale, et le 21 juillet 2015 en ce qui concerne la taxe sur la valeur ajoutée ; qu'ainsi, les dispositions précitées n'ont pas été méconnues ;
4. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 412-1 du code des impôts de la Polynésie française : " (...) / III - Lorsque la comptabilité est tenue au moyen de systèmes informatisés, le contrôle porte sur l'ensemble des informations, données et traitements informatiques qui concourent directement ou indirectement à la formation des résultats comptables ou fiscaux et à l'élaboration des déclarations rendues obligatoires par le code des impôts ainsi que sur la documentation relative aux analyses, à la programmation et à l'exécution des traitements. / (...) / L'agent vérificateur (...) [peut] effectuer la vérification sur le matériel utilisé par le contribuable. / Celui-ci peut demander à effectuer lui-même tout ou partie des traitements informatiques nécessaires à la vérification. Dans ce cas, l'agent vérificateur (...) précise par écrit au contribuable (...) les travaux à réaliser ainsi que le délai accordé pour les effectuer. / Le contribuable peut également demander que le contrôle ne soit pas effectué sur le matériel de l'entreprise. Il met alors à la disposition des agents vérificateurs les copies des documents, données et traitements soumis au contrôle. (...) " ; qu'il résulte de l'instruction que le 29 octobre 2014, M. A...a remis un CD-Rom contenant les copies de fichiers relatifs à ses prestations au vérificateur, afin que ce dernier effectue les traitements nécessaires ; qu'il doit, de ce fait, être regardé comme ayant choisi de ne pas laisser s'effectuer le contrôle sur le matériel de l'entreprise, mais de mettre à la disposition du vérificateur les copies des fichiers dont il disposait ; que les affirmations du requérant selon lesquelles il aurait été contraint à cette décision, qui l'aurait privé du droit de se défendre sur place, ne sont étayés par aucun élément permettant à la Cour d'en constater le bien-fondé ; qu'il suit de là que M. A...ne démontre pas l'existence d'un vice affectant la régularité de la procédure d'imposition ;
5. Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes de l'article D.151-2 du code des postes et télécommunications en Polynésie française : " La distribution postale est effectuée soit au bureau de poste, soit à domicile. Elle peut aussi être effectuée dans des boîtes installées par l'exploitant public sur le domaine public ou sur des propriétés privées, ou dans des points postaux " ; qu'aux termes de l'article D. 152-1 du même code : " La distribution au bureau de poste des objets postaux est effectuée soit au guichet, soit par dépôt dans une boite postale (...) " ; qu'aux termes de l'article D. 112-1 dudit code : " Est considéré comme "objet postal", l'envoi adressé dont les spécifications physiques et techniques permettent la prise en charge dans le réseau postal, c'est-à-dire, outre les objets de correspondance, les imprimés, paquets et colis postaux avec ou sans valeur commerciale ou autres envois admis par le service postal " ; qu'aux termes de l'article D. 153-1 de ce code : " L'exploitant public fait distribuer les objets de correspondance qui lui ont été confiés, à l'adresse indiquée par l'expéditeur (...). / Les autres objets postaux, en particulier les paquets volumineux et les colis postaux sont conservés en instance par l'exploitant public qui avise le destinataire des conditions de retrait de ces objets " ; qu'il résulte de la combinaison des dispositions précitées du code des postes et télécommunications qu'un objet de correspondance, qui constitue un objet postal, peut être, contrairement à ce qui est soutenu, adressé à une boite postale ; qu'il suit de là que les plis contenant les deux notifications de redressement ont régulièrement pu être envoyés, sans que soit méconnues les dispositions précitées de l'article D. 153-1 du code des postes et télécommunication en Polynésie française, à l'adresse de la boite postale mentionnée sur le pli par l'expéditeur, et dont il est constant qu'elle était l'adresse postale du requérant ;
6. Considérant, en cinquième lieu, que M. A...soutient que l'administration ne lui a pas régulièrement notifié les résultats de la vérification de comptabilité, en méconnaissance de l'article 412-4 du code des impôts de la Polynésie française aux termes duquel : " Quand elle a procédé à une vérification, l'administration des impôts doit en porter les résultats à la connaissance du contribuable, même en l'absence de rectification. " ; qu'il résulte de l'instruction et notamment de l'attestation établie par la Poste polynésienne que le pli recommandé contenant la notification de redressements du 13 novembre 2014, relative à la période allant du 1er janvier au 31 décembre 2011, a donné lieu au dépôt de deux avis de mise en instance les 18 et 28 novembre 2014 dans la boîte postale de M. A...avant d'être retourné avec la mention " non réclamé " à l'administration le 4 décembre 2014, et que le pli recommandé contenant la notification de redressements du 24 mars 2015, relative à la période allant du
1er janvier 2012 au 30 juin 2014, a donné lieu au dépôt de deux avis de mise en instance les
30 mars et 9 avril 2015 dans la boîte postale de M. A...avant d'être retourné avec la mention " non réclamé " à l'administration le 16 avril 2015 ; que contrairement à ce qui est soutenu, le délai de mise en instance de quinze jours, qui ne saurait être confondu avec la durée devant s'écouler entre les deux avis, a été respecté ; que M.A..., alors même qu'il n'a pas retiré les plis mis en instance, ne peut valablement se prévaloir de la méconnaissance des dispositions précitées ;
7. Considérant enfin qu'aux termes de l'article 432-2 du code des impôts de la Polynésie française : " La commission des impôts ne peut être saisie en cas de taxation d'office au sens de l'article LP 423-1, sauf en cas de procédure de vérification de comptabilité (...). / Pour être recevable, la saisine de la commission des impôts opérée dans les cas visés à l'alinéa premier, doit être réalisée par le contribuable dans un délai de 30 jours à compter de la réception de la notification de la taxation d'office. " ; que les notifications de redressement susmentionnées, qui, ainsi qu'il vient d'être dit, ont été régulièrement notifiées au contribuable, et qui indiquaient que le délai de réponse était de 30 jours, comportaient la mention de la possibilité de saisir la commission des impôts ; que le requérant n'est par suite pas fondé à soutenir que l'administration fiscale ne l'aurait pas mis en mesure de bénéficier des dispositions précitées ;
8. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir partielle opposée en défense, que M. A...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de la Polynésie française a rejeté sa demande ; que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'État, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, le versement de la somme que le requérant demande sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; qu'il y a en revanche lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. A...la somme de 1 000 euros sur le fondement de ces dispositions ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. A...est rejetée.
Article 2 : M. A...versera à la Polynésie française la somme de 1 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C...A...et au gouvernement de la Polynésie française.
Délibéré après l'audience du 21 novembre 2018, à laquelle siégeaient :
- Mme Brotons, président de chambre,
- Mme Appèche, président assesseur,
- M. Magnard, premier conseiller.
Lu en audience publique le 5 décembre 2018.
Le rapporteur,
F. MAGNARDLe président,
I. BROTONS
Le greffier,
S. DALL'AVA
La République mande et ordonne au ministre des Outre-mer en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
7
2
N° 17PA03945