Par une requête, enregistrée le 13 février 2017, et d'autres mémoires, enregistrés les 6 juillet 2017 et 25 mars 2019, la communauté d'agglomération d'Amiens métropole, représentée par Me A...H..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de rejeter la demande de M.C... ;
3°) de mettre à la charge de M. C...la somme de 3 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Hervé Cassara, premier conseiller,
- les conclusions de M. Jean-Philippe Arruebo-Mannier, rapporteur public,
- et les observations de Me B...G..., représentant la communauté d'agglomération d'Amiens métropole, et de Me E...D..., représentant M. F...C....
Considérant ce qui suit :
1. A la suite de sa réintégration au terme d'un congé de longue maladie, M.C..., adjoint territorial d'animation, a été affecté le 18 décembre 2009 à la ludothèque Fafet Diabolojeu. Toutefois, M. C... n'a pas pris ses fonctions. Après avoir, sans succès, mis en demeure M. C...de rejoindre son poste, le président de la communauté d'agglomération d'Amiens métropole a, par une décision du 1er avril 2010, radié l'intéressé des cadres pour abandon de poste à compter du 12 avril 2010. Dans son arrêt n° 12DA0165 du 13 mai 2013, la cour administrative d'appel de Douai a annulé cette décision au motif que la mise en demeure de rejoindre son poste, adressée à M. C... le 26 février 2010, ne l'informait pas du risque de radiation des cadres sans procédure disciplinaire préalable. La communauté d'agglomération d'Amiens métropole relève appel du jugement du 13 décembre 2016 par lequel le tribunal administratif d'Amiens l'a condamnée à verser à M. C...la somme de 63 000 euros, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 26 octobre 2015, en réparation du préjudice subi par l'intéressé du fait de l'illégalité de la décision précitée du 1er avril 2010.
Sur les conclusions aux fins d'indemnisation :
2. D'une part, une mesure de radiation des cadres pour abandon de poste ne peut être régulièrement prononcée que si l'agent concerné a, préalablement à cette décision, été mis en demeure de rejoindre son poste ou de reprendre son service dans un délai qu'il appartient à l'administration de fixer. Une telle mise en demeure doit prendre la forme d'un document écrit, notifié à l'intéressé et l'informant du risque qu'il encourt d'une radiation des cadres, sans procédure disciplinaire préalable. Cette obligation, pour l'administration, constitue une condition nécessaire pour que soit caractérisée une situation d'abandon de poste, et non une simple condition de procédure de la décision de radiation des cadres pour abandon de poste. Par suite, pour déterminer si le lien de causalité entre la faute invoquée et le préjudice allégué est établi, il n'y a pas lieu de rechercher si la mesure de radiation des cadres était justifiée au fond, contrairement à ce que soutient la communauté d'agglomération d'Amiens métropole.
3. D'autre part, en vertu des principes généraux qui régissent la responsabilité de la puissance publique, un agent public irrégulièrement évincé a droit à la réparation intégrale du préjudice qu'il a effectivement subi du fait de la mesure illégalement prise à son encontre. Sont ainsi indemnisables les préjudices de toute nature avec lesquels l'illégalité commise présente, compte tenu de l'importance respective de cette illégalité et des fautes relevées à l'encontre de l'intéressé, un lien direct de causalité. Pour l'évaluation du montant de l'indemnité due, doit être prise en compte la perte des rémunérations ainsi que celle des primes et indemnités dont l'intéressé avait, pour la période en cause, une chance sérieuse de bénéficier, à l'exception de celles qui, eu égard à leur nature, à leur objet et aux conditions dans lesquelles elles sont versées, sont seulement destinées à compenser des frais, charges ou contraintes liés à l'exercice effectif des fonctions. Il y a lieu de déduire, le cas échéant, le montant des rémunérations nettes et des allocations pour perte d'emploi qu'il a perçues au cours de la période d'éviction.
4. Il résulte de l'instruction que, par l'arrêt du 13 mai 2013 mentionné au point 1 devenu définitif, la cour administrative d'appel de Douai a annulé la décision du 1er avril 2010 par laquelle le président de la communauté d'agglomération d'Amiens métropole a radié M. C...des cadres pour abandon de poste à compter du 12 avril 2010, au motif que la mise en demeure de rejoindre son poste, adressée à M. C... le 26 février 2010, ne l'informait pas du risque de radiation des cadres sans procédure disciplinaire préalable. L'illégalité de la décision du 1er avril 2010 constitue une faute de nature à engager la responsabilité de la communauté d'agglomération d'Amiens métropole, pour autant que cette faute ait été à l'origine d'un préjudice direct et certain.
5. Il résulte de ce qui précède que les éléments constitutifs de l'abandon de poste n'étant pas réunis, M. C...ne peut être regardé comme s'étant trouvé en situation d'abandon de poste, et qu'en ne l'avertissant pas de ce que le refus de rejoindre son poste était susceptible d'entraîner sa radiation des cadres sans procédure disciplinaire préalable, la communauté d'agglomération d'Amiens métropole l'a privé d'une chance sérieuse de mesurer la portée de ce refus et de pouvoir revenir sur celui-ci. Ainsi, l'illégalité commise par la communauté d'agglomération d'Amiens métropole est directement à l'origine du préjudice allégué par M. C...tiré de la perte de revenus résultant de son éviction du service.
6. Toutefois, il résulte aussi de l'instruction, notamment de la fiche du poste auquel M. C... avait été affecté le 18 décembre 2009 à la ludothèque Fafet Diabolojeu, que l'intéressé, adjoint territorial d'animation, titulaire du brevet d'aptitude aux fonctions d'animateur notamment pour les enfants âgés de six à douze ans, présentait les compétences et qualifications requises pour occuper ce poste, nonobstant la circonstance alléguée que ses qualifications artistiques n'auraient pas été mises en valeur par ce poste. De plus, il n'établit pas qu'il aurait été empêché de rejoindre son poste. S'il fait valoir, pour la première fois en cause d'appel, que son état de santé ne lui permettait pas d'occuper ce poste, il résulte toutefois de l'instruction que les nombreux courriers qu'il a adressés à l'administration pour refuser le poste proposé, en particulier ceux datés des 22 décembre 2009, 28 décembre 2009 et 4 janvier 2010, font état, pour seul motif de ce refus, de ses compétences et expériences artistiques, sans jamais évoquer des raisons de santé. Il est, certes, constant que M. C... souffrait alors d'une discopathie, touchant le disque intervertébral situé entre les vertèbres lombaires L4 et L5, mais aucune pièce produite au dossier n'est de nature à démontrer que cette pathologie l'empêchait d'occuper le poste auquel il avait été affecté à la ludothèque. A cet égard, si l'avis du médecin du travail du 16 mars 2010 comporte la mention " Agent à reclasser sur un poste sans port de charges et sans flexions itératives du tronc ", il résulte manifestement de cet avis, établi à la seule demande de M. C..., que le médecin du travail n'a pas été informé du poste auquel celui-ci avait déjà été affecté à la ludothèque, puisque l'avis indique : " Pas d'avis ce jour car poste non défini ". En tout état de cause, la fiche du poste auquel M. C...avait été affecté ne révèle pas que ce poste contraindrait son titulaire au port de charges ou à des flexions itératives du tronc. Il suit de là qu'en ne se présentant pas pour prendre son service, M. C...a, lui aussi, commis une faute à l'origine du préjudice qu'il allègue, de nature à exonérer partiellement la communauté d'agglomération d'Amiens métropole de sa responsabilité. Par suite, il sera fait une juste appréciation de cette exonération en la fixant à 50 % du montant de la somme qui sera mise à la charge de la communauté d'agglomération d'Amiens métropole.
7. M. C...a demandé que soit retenue une somme de 1 500 euros par mois pour calculer le préjudice financier qu'il estime avoir subi du fait de son éviction irrégulière du service. En l'absence de contestation de la communauté d'agglomération d'Amiens métropole, y compris en cause d'appel, d'une part, de ce montant, qui apparaît cohérent avec les traitements perçus par l'intéressé tels qu'ils résultent des bulletins de paie produits au dossier et, d'autre part, du point de savoir si les primes attribuées à M. C...sont seulement destinées à compenser les frais, charges ou contraintes liés à l'exercice effectif des fonctions, il y a lieu de retenir, comme le tribunal administratif d'Amiens, cette somme de 1 500 euros mensuelle comme base de calcul du préjudice financier correspondant à la rémunération qu'il aurait dû percevoir s'il n'avait pas été illégalement radié des cadres. Il résulte, par ailleurs, de l'instruction que la période d'éviction du service de M. C... court du 12 avril 2010, date d'effet de la décision de radiation des cadres dont il a été l'objet, au 13 octobre 2013, puisqu'il a été réintégré à compter du 14 octobre 2013 par un arrêté du 6 février 2015 du président de la communauté d'agglomération d'Amiens métropole. La base du calcul du montant de l'indemnisation auquel M. C...pourrait prétendre sur la période considérée s'élève donc à la somme de 63 000 euros.
8. Il résulte toutefois de ce qui a été dit au point 3 qu'il y a lieu de déduire de cette somme le montant des rémunérations nettes et des allocations pour perte d'emploi perçues par M. C...au cours de la période d'éviction. Il résulte de l'instruction, notamment des propres écritures de M. C... dans le cadre d'une autre procédure devant le tribunal administratif d'Amiens, produites par la communauté d'agglomération d'Amiens métropole dans le cadre de la présente procédure, que M. C...a perçu, sur la période considérée, une somme de 18 770,64 euros au titre du revenu de solidarité active. Dès lors, il y a lieu de déduire cette somme de celle de 63 000 euros mentionnée au point 7, soit une somme restante de 44 229,36 euros. Il résulte, en outre, de ce qui a été indiqué au point 6 qu'il y a lieu d'appliquer un abattement de 50 % sur cette somme compte tenu de la faute imputable à M.C.... Par suite, il y a lieu de condamner la communauté d'agglomération d'Amiens métropole à verser à M. C...la somme de 22 114,68 euros, assortie, comme l'a jugé le tribunal administratif d'Amiens sans que la communauté d'agglomération d'Amiens métropole ne le conteste, des intérêts au taux légal à compter du 26 octobre 2015, date de réception par la communauté d'agglomération de la réclamation préalable adressée par l'intéressé.
9. Il résulte de tout ce qui précède que la communauté d'agglomération d'Amiens métropole est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens l'a condamnée à verser à M. C...une somme de 63 000 euros alors qu'il y a lieu de ramener cette somme à celle de 22 114,68 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 26 octobre 2015.
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la communauté d'agglomération d'Amiens métropole, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme demandée par M.C..., au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. C... la somme demandée par la communauté d'agglomération d'Amiens métropole au titre des mêmes dispositions.
DÉCIDE :
Article 1er : La somme que la communauté d'agglomération d'Amiens métropole a été condamnée à verser à M. C... par l'article 1er du jugement n° 1600120 du 13 décembre 2016 du tribunal administratif d'Amiens est ramenée à la somme de 22 114,68 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 26 octobre 2015.
Article 2 : Le jugement n° 1600120 du 13 décembre 2016 du tribunal administratif d'Amiens est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de la communauté d'agglomération d'Amiens métropole est rejeté.
Article 4 : Les conclusions de M. C...présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la communauté d'agglomération d'Amiens métropole et à M. F...C....
N°17DA00296 2