Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 30 juin 2017 et le 28 juillet 2017, M. B..., représenté par Me C...D..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 16 juillet 2015 par lequel le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt a prononcé son licenciement pour insuffisance professionnelle de ses fonctions d'enseignant ;
3°) à titre principal, d'enjoindre au ministre chargé de l'agriculture de le réintégrer dans ses fonctions dans le délai de quinze jours à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;
4°) à titre subsidiaire, d'enjoindre le ministre chargé de l'agriculture de réexaminer sa situation dans le délai de quinze jours à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le décret n° 86-83 du 17 janvier 1986 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Jean-Jacques Gauthé, premier conseiller,
- les conclusions de M. Jean-Philippe Arruebo-Mannier, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. M. A...B...a été recruté à compter du 1er septembre 2005 en qualité d'agent contractuel de l'enseignement agricole. Affecté au lycée d'enseignement général et technologique agricole Edouard de Chambray à Gouville (Eure), il enseigne la technologie-de l'informatique et du multimédia aux étudiants préparant le brevet de technicien supérieur agricole et bénéficie d'un contrat à durée indéterminée depuis le 1er septembre 2014. M. B...relève appel du jugement du 25 avril 2017 par lequel le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 16 juillet 2015 par lequel le ministre chargé de l'agriculture a prononcé son licenciement pour insuffisance professionnelle.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. Aux termes des dispositions de l'article 1er-2 du décret n° 86-83 du 17 janvier 1986 relatif aux dispositions applicables aux agents contractuels de l'Etat, pris pour l'application de l'article 7 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat, dans sa rédaction issue de l'article 11 du décret n° 2014-1318 du 3 novembre 2014 : " Dans toutes les administrations de l'Etat et dans tous les établissements publics de l'Etat, il est institué, par arrêté du ministre intéressé ou par décision de l'autorité compétente de l'établissement public, une ou plusieurs commissions consultatives paritaires comprenant en nombre égal des représentants de l'administration et des représentants des personnels mentionnés à l'article 1er (...) Ces commissions sont obligatoirement consultées sur les décisions individuelles relatives aux licenciements intervenant postérieurement à la période d'essai au non-renouvellement du contrat des personnes investies d'un mandat syndical et aux sanctions disciplinaires autres que l'avertissement et le blâme. L'administration porte à la connaissance des commissions les motifs qui, le cas échéant, empêchent le reclassement de l'agent dans les conditions prévues au 3° de l'article 17 et à l'article 45-5. ". Aux termes de l'article 45-2 de ce décret : " L'agent contractuel peut être licencié pour un motif d'insuffisance professionnelle. L'agent doit préalablement être mis à même de demander la communication de l'intégralité de toute pièce figurant dans son dossier individuel, dans un délai suffisant permettant à l'intéressé d'en prendre connaissance. Le droit à communication concerne également toute pièce sur laquelle l'administration entend fonder sa décision, même si elle ne figure pas au dossier individuel. ". Aux termes de l'article 47 de ce décret : " Le licenciement ne peut intervenir qu'à l'issue d'un entretien préalable. La convocation à l'entretien préalable est effectuée par lettre recommandée ou par lettre remise en main propre contre décharge. Cette lettre indique l'objet de la convocation. / L'entretien préalable ne peut avoir lieu moins de cinq jours ouvrables après la présentation de la lettre recommandée ou la remise en main propre de la lettre de convocation. / L'agent peut se faire accompagner par la ou les personnes de son choix. / Au cours de l'entretien préalable, l'administration indique à l'agent les motifs du licenciement et le cas échéant le délai pendant lequel l'agent doit présenter sa demande écrite de reclassement ainsi que les conditions dans lesquelles les offres de reclassement sont présentées. ". Aux termes de l'article 47-4 de ce décret : " Lorsqu'à l'issue de la consultation de la commission consultative paritaire prévue à l'article 1er-2 et de l'entretien préalable prévu à l'article 47, l'administration décide de licencier un agent, elle lui notifie sa décision par lettre recommandée avec demande d'avis de réception ou par lettre remise en main propre contre décharge. Cette lettre précise le ou les motifs du licenciement, ainsi que la date à laquelle celui-ci doit intervenir compte tenu des droits à congés annuels restant à courir et de la durée du préavis ".
3. L'arrêté contesté du 16 juillet 2015 vise l'avis favorable de la commission consultative paritaire compétente à l'égard des agents contractuels de l'enseignement agricole, émis à l'unanimité lors de sa réunion du 29 juin 2015, en faveur de la proposition de l'administration d'un licenciement de M. B...pour insuffisance professionnelle. Toutefois, le ministre chargé de l'agriculture, bien qu'invité par la cour à produire cet avis, ne l'a pas produit. Il s'est limité à fournir une attestation de l'ancienne adjointe à la cheffe du bureau de gestion des personnels enseignants et des personnels de la filière formation-recherche au secrétariat général du ministère chargé de l'agriculture, certifiant avoir participé, en tant que membre de la commission consultative paritaire précitée, à la réunion du 29 juin 2015 ayant examiné le licenciement pour insuffisance professionnelle du requérant, sans autre précision. Cette pièce n'est pas de nature à démontrer que la commission consultative paritaire s'est effectivement réunie. Dès lors, en l'absence de l'avis motivé de cette commission, qui doit être formulé dans les conditions citées au point 2, M. B...a été privé d'une garantie et est fondé à soutenir que la procédure ayant abouti à son licenciement est entachée d'un vice de procédure. Par suite, l'arrêté du 16 juillet 2015 du ministre chargé de l'agriculture et le jugement du 25 avril 2017 du tribunal administratif de Rouen doivent être annulés.
4. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. B...est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 16 juillet 2015 du ministre chargé de l'agriculture.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
5. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu d'enjoindre au ministre chargé de l'agriculture de réexaminer la situation de M. B...dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, sans qu'il soit besoin de prononcer une astreinte.
6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me C...D...d'une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve qu'il renonce la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle.
DÉCIDE :
Article 1 : Le jugement du 25 avril 2017 du tribunal administratif de Rouen est annulé.
Article 2 : L'arrêté du 16 juillet 2015 du ministre chargé de l'agriculture prononçant le licenciement pour insuffisance professionnelle de M. B...est annulé.
Article 3 : Il est enjoint au ministre de l'agriculture et de l'alimentation de réexaminer la situation de M. B...dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 4 : L'Etat versera à Me C...D..., conseil de M.B..., une somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sous réserve qu'il renonce à percevoir la part contributive de l'Etat.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...B...et au ministre de l'agriculture et de l'alimentation.
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N°17DA01283
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