Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 7 avril 2021, Mme B..., représentée par Me Verfaillie, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler la décision du 30 janvier 2018 par laquelle la présidente du centre communal d'action sociale de Péronne a prononcé son licenciement ;
3°) de condamner le centre communal d'action sociale de Péronne à lui verser la somme de 65 000 euros au titre du préjudice que lui a causé cette mesure, la somme de 24 000 euros au titre du supplément familial de traitement et la somme de 1 800 euros au titre de l'indemnité de licenciement ;
4°) d'enjoindre au centre communal d'action sociale de Péronne de la réintégrer, de reconstituer sa carrière, de lui verser les sommes qui lui sont dues entre la rupture de son contrat et sa réintégration, et de lui remettre les fiches de salaires régularisés, le tout dans un délai de dix jours à compter de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 200 euros par jour de retard ;
5°) de mettre à la charge du centre communal d'action sociale de Péronne une somme de 3 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'action sociale et des familles ;
- le code du travail ;
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;
- le décret n° 85-1148 du 24 octobre 1985 ;
- le décret n° 88-145 du 15 février 1988 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Nil Carpentier-Daubresse, premier conseiller,
- et les conclusions de M. Hervé Cassara, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Mme A... B... a été recrutée par le centre communal d'action sociale de Péronne en 1996 pour exercer les fonctions d'aide-ménagère auprès de personnes âgées. Par un courrier du 30 janvier 2018, la présidente de ce centre l'a informée de son licenciement en raison de la suppression de son poste, du fait du transfert, au 1er janvier 2018, à l'association Saint-Jean de Péronne de l'activité d'aide à domicile exercée jusqu'alors par le centre communal d'action sociale de Péronne. Mme B... relève appel du jugement du 10 février 2021 par lequel le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision, ensemble la décision du 2 janvier 2019 rejetant implicitement son recours gracieux, et à la condamnation du centre communal d'action sociale de Péronne à l'indemniser de divers préjudices qu'elle estime avoir subis.
2. Aux termes de l'article L. 1224-3-1 du code du travail : " Sous réserve de l'application de dispositions législatives ou réglementaires spéciales, lorsque l'activité d'une personne morale de droit public employant des agents non titulaires de droit public est reprise par une personne morale de droit privé ou par un organisme de droit public gérant un service public industriel et commercial, cette personne morale ou cet organisme propose à ces agents un contrat régi par le présent code. / Le contrat proposé reprend les clauses substantielles du contrat dont les agents sont titulaires, en particulier celles qui concernent la rémunération. / En cas de refus des agents d'accepter le contrat proposé, leur contrat prend fin de plein droit. La personne morale ou l'organisme qui reprend l'activité applique les dispositions de droit public relatives aux agents licenciés ".
Sur la régularité du jugement attaqué :
3. Il ressort des termes du jugement contesté que, pour estimer que les conclusions tendant à l'annulation de la décision du 30 janvier 2018 par laquelle la présidente du centre communal d'action sociale de Péronne avait prononcé le licenciement de Mme B... étaient irrecevables, les premiers juges ont estimé que cette décision n'était pas un acte lui faisant grief dès lors qu'elle n'avait eu aucune incidence sur le terme de son contrat qui avait précédemment pris fin de plein droit en application des dispositions précitées de l'article L. 1224-3-1 du code du travail. Toutefois, eu égard aux effets susceptibles d'être prêtés à une décision de licenciement, c'est à tort que le tribunal administratif d'Amiens a estimé que la décision du 30 janvier 2018 en litige n'était pas susceptible de faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir. Dès lors, Mme B... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, ce tribunal a rejeté, comme irrecevables, ses conclusions à fin d'annulation de la décision du 30 janvier 2018 et du rejet de son recours gracieux et ses conclusions, accessoires, à fin d'injonction et d'astreinte. Elle est ainsi fondée à demander l'annulation de ce jugement en tant qu'il rejette, pour ce motif, ces conclusions.
4. Il y a ainsi lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur les conclusions à fin d'annulation et celles, accessoires, à fin d'injonction et d'astreinte présentées par Mme B... devant le tribunal administratif d'Amiens et de statuer, par la voie de l'effet dévolutif de l'appel, pour le surplus des conclusions de la requête.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
En ce qui concerne l'exception d'incompétence du juge administratif :
5. Tant que les agents concernés par les dispositions mentionnées au point 2 n'ont pas été placés sous un régime de droit privé, leurs contrats demeurent des contrats de droit public de sorte que le juge administratif est seul compétent pour statuer sur les litiges nés du refus de l'un ou l'autre des deux employeurs successifs de poursuivre l'exécution de ces contrats, qui ne mettent en cause, jusqu'à la mise en œuvre du régime de droit privé, que des rapports de droit public et, partant, pour apprécier les conditions d'application des dispositions légales et leurs conséquences, notamment l'existence d'une entité économique transférée et poursuivie ainsi que la teneur des offres faites aux agents.
6. Il ressort des pièces du dossier, notamment des bulletins de salaire produits et du projet de contrat de travail en date du 5 décembre 1996 versé au dossier par le centre communal d'action sociale de Péronne, que Mme B... était employée à temps partiel par le centre communal, en contrat à durée indéterminée, de sorte qu'elle était agent non titulaire de droit public contrairement à ce qu'elle allègue. Dès lors que Mme B... n'a pas conclu de contrat avec l'association Saint-Jean de Péronne qui a repris l'activité d'aide à domicile précédemment exercée par le centre communal d'action sociale de Péronne, elle n'a pas été placée sous un régime de droit privé. Par suite et contrairement à ce que soutient le centre communal d'action sociale de Péronne, le juge administratif est compétent pour se prononcer sur le litige né du refus par le centre communal de poursuivre l'exécution du contrat de Mme B....
En ce qui concerne la légalité de la décision du 30 janvier 2018 :
7. Il ressort des pièces du dossier, notamment de la délibération du 13 octobre 2016 du conseil départemental de la Somme, que celui-ci s'est engagé dans une stratégie de restructuration du secteur des services d'aide à domicile, visant notamment à la réduction du nombre de services opérant sur le territoire, et qu'il a, à cette fin, lancé un appel à candidatures pour la conclusion de contrats d'objectifs et de moyens avec les seuls services proposant des interventions pour un volume supérieur à 150 000 heures par an. Dans cette perspective et alors qu'il ne réalisait en moyenne qu'un volume de l'ordre de 15 000 heures par an, le centre communal d'action sociale de Péronne a, par une délibération du 19 octobre 2017, émis un avis favorable au transfert de son activité d'aide à domicile, au 1er janvier 2018, à l'association Saint-Jean de Péronne, laquelle a rejoint un groupement composé de quatre autres entités afin d'avoir la taille nécessaire pour envisager la conclusion d'un contrat d'objectifs et de moyens avec le département de la Somme. Dès lors, Mme B... n'est pas fondée à soutenir que le transfert d'activité entre le centre communal d'action sociale de Péronne et l'association Saint-Jean de Péronne n'est pas établi. Par ailleurs, contrairement à ce que soutient l'appelante, un tel transfert relève d'un choix de gestion du centre communal d'action sociale de Péronne dont elle ne saurait utilement remettre en cause l'opportunité. Dans ces conditions, à la date du transfert de l'activité d'aide à domicile, le 1er janvier 2018, le contrat de travail qui liait Mme B... au centre communal d'action sociale de Péronne avait été transféré à l'association Saint-Jean de Péronne en application de l'article L. 1224-3-1 du code du travail.
8. Par suite, le centre communal d'action sociale de Péronne n'était pas compétent, à la date de la décision en litige, pour prononcer le licenciement de l'appelante. Dès lors, la décision du 30 janvier 2018, ensemble la décision du 2 janvier 2019 rejetant implicitement le recours gracieux qu'elle a formé, sont entachées d'incompétence, ainsi qu'en ont été informées les parties, et doivent être annulées, sans qu'il soit besoin d'examiner les moyens soulevés par Mme B....
Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :
9. L'emploi que Mme B... occupait précédemment au sein du centre communal d'action sociale de Péronne ayant été supprimé, du fait du transfert de l'activité d'aide à domicile à l'association Saint-Jean de Péronne au 1er janvier 2018 ainsi qu'il a été dit précédemment, sa réintégration au sein du centre communal d'action sociale de Péronne, qui par l'effet de l'article L. 1224-3-1 du code du travail n'est plus son employeur, est impossible. Par suite, les conclusions de Mme B... à fin d'injonction, sous astreinte, tendant à ce qu'elle soit réintégrée par le centre communal d'action sociale de Péronne, à ce que ce dernier reconstitue sa carrière, à ce qu'il lui verse les sommes dues entre la rupture de son contrat et sa réintégration et à ce qu'il lui transmette des fiches de salaires régularisés doivent être rejetées.
Sur les conclusions à fin d'indemnisation :
10. En premier lieu, lorsqu'une personne sollicite le versement d'une indemnité en réparation du préjudice subi du fait de l'illégalité d'une décision administrative entachée d'incompétence, il appartient au juge administratif de rechercher, en forgeant sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties, si la même décision aurait pu légalement intervenir et aurait été prise, dans les circonstances de l'espèce, par l'autorité compétente. Dans le cas où il juge qu'une même décision aurait été prise par l'autorité compétente, le préjudice allégué ne peut alors être regardé comme la conséquence directe du vice d'incompétence qui entachait la décision administrative illégale.
11. Ainsi qu'il a été dit aux points 7 et 8, la décision du centre communal d'action sociale de Péronne du 30 janvier 2018 est entachée d'incompétence. Cette illégalité constitue une faute de nature à engager la responsabilité du centre communal d'action sociale de Péronne.
12. Il résulte de ce qui a été dit précédemment que le transfert de l'activité d'aide à domicile du centre communal d'action sociale de Péronne à l'association Saint-Jean de Péronne a eu lieu au 1er janvier 2018. En outre, il résulte de l'instruction, et notamment du courrier daté du 7 février 2018 adressé par le centre communal à la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi des Hauts-de-France, qu'un contrat avec l'association Saint-Jean de Péronne a été proposé à Mme B... qui l'a refusé, sans qu'ait d'incidence sur ce point la circonstance alléguée selon laquelle ce contrat lui aurait été transmis par le centre communal d'action sociale de Péronne. Si l'appelante soutient que cette proposition de contrat avec l'association Saint-Jean de Péronne ne reprenait pas les clauses substantielles du contrat qui la liait au centre communal d'action sociale de Péronne, notamment concernant sa rémunération, elle n'apporte aucun élément permettant de l'établir. Dans ces conditions, Mme B... ayant refusé d'accepter le contrat avec l'association Saint-Jean de Péronne qui lui a été proposé, son contrat de droit public a pris fin de plein droit en application des dispositions de l'article L. 1224-3-1 du code du travail. Ainsi, il résulte de l'instruction que la même décision de licenciement de Mme B... aurait pu légalement intervenir et qu'elle aurait pu être prise par l'autorité compétente, à savoir l'association Saint-Jean de Péronne. Dès lors, le préjudice invoqué par l'appelante n'est pas la conséquence directe du vice d'incompétence qui entachait la décision du 30 janvier 2018 du centre communal d'action sociale de Péronne. Par suite, Mme B... n'est pas fondée à demander la condamnation de ce dernier à l'indemniser du préjudice qu'elle estime avoir subi du fait l'illégalité de la décision de licenciement qu'il a prise sans être compétent.
13. En deuxième lieu, si Mme B... soutient que le centre communal d'action sociale de Péronne ne lui a pas versé les sommes qui lui étaient dues du fait de son licenciement, il résulte des dispositions précitées de l'article L. 1224-3-1 du code du travail qu'il appartient à la personne morale qui reprend l'activité, en l'espèce l'association Saint-Jean de Péronne, d'appliquer les dispositions de droit public relatives aux agents licenciés et notamment, s'agissant d'un agent non titulaire de la fonction publique territoriale, les dispositions du décret du 15 février 1988 pris pour l'application de l'article 136 de la loi du 26 janvier 1984 modifiée portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale et relatif aux agents contractuels de la fonction publique territoriale. Par suite et nonobstant la circonstance que le centre communal d'action sociale de Péronne a estimé, à tort, qu'il lui incombait notamment de verser une indemnité de licenciement à Mme B..., celle-ci n'est pas fondée à demander la condamnation du centre à l'indemniser du préjudice qu'elle estime avoir subi du fait de la somme insuffisante qui lui a été versée au titre de l'indemnité de licenciement, alors qu'il n'appartient qu'à l'association Saint-Jean de Péronne de supporter les charges financières afférentes à ce licenciement. Les conclusions indemnitaires présentées par Mme B... à ce titre, qui sont ainsi mal dirigées, doivent donc être rejetées.
14. En troisième lieu, en se bornant à produire son livret de famille faisant état de la naissance de ses trois enfants en 1984, 1988 et 1989, Mme B... n'établit pas que le centre communal d'action sociale de Péronne aurait commis une faute quant à son droit à perception du supplément familial de traitement, au regard notamment des dispositions de l'article 20 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires et des articles 10 à 12 du décret du 24 octobre 1985 modifié relatif à la rémunération des personnels civils et militaires de l'Etat, des personnels des collectivités territoriales et des personnels des établissements publics d'hospitalisation, ni le caractère certain du préjudice qu'elle invoque pour la période antérieure au 1er janvier 2018 pendant laquelle le centre communal d'action sociale de Péronne était son employeur. Par suite, elle n'est pas fondée à demander la condamnation du centre communal d'action sociale de Péronne à lui verser une somme à ce titre.
15. Il résulte de ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande tendant à l'indemnisation de divers préjudices qu'elle estime avoir subis.
Sur les conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
16. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du centre communal d'action sociale de Péronne une somme, sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, au titre des frais exposés par Mme B... et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du 10 février 2021 du tribunal administratif d'Amiens est annulé en tant qu'il rejette, comme irrecevables, les conclusions à fin d'annulation de la décision du 30 janvier 2018 par laquelle la présidente du centre communal d'action sociale de Péronne a prononcé le licenciement de Mme B... et du rejet de son recours gracieux ainsi que celles, accessoires, à fin d'injonction et d'astreinte.
Article 2 : La décision du 30 janvier 2018 par laquelle la présidente du centre communal d'action sociale de Péronne a prononcé le licenciement de Mme B... et la décision du 2 janvier 2019 rejetant implicitement son recours gracieux sont annulées.
Article 3 : Le surplus de la demande présentée par Mme B... devant le tribunal administratif d'Amiens et de ses conclusions présentées devant la cour est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et au centre communal d'action sociale de Péronne.
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N°21DA00775
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