Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 29 avril 2021, M. A..., représenté par Me Tourbier, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler l'arrêté du 19 février 2021 par lequel le préfet du Nord a prononcé sa remise aux autorités espagnoles pour l'examen de sa demande d'asile ;
3°) d'enjoindre au préfet du Nord de prendre en charge sa demande d'asile dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique à verser à son conseil, sous réserve que celui-ci renonce à percevoir la part contributive de l'Etat.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ;
- le règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
A été entendu, au cours de l'audience publique, le rapport de M. Nil Carpentier-Daubresse, premier conseiller.
Considérant ce qui suit :
1. M. B... A..., ressortissant de nationalité guinéenne (Bissau), né le 11 juillet 1992, est entré irrégulièrement sur le territoire français et a fait une demande d'asile auprès des services de la préfecture de l'Oise le 22 janvier 2021. L'examen du fichier Eurodac a fait ressortir que la présence de M. A... avait été enregistrée en Espagne le 12 novembre 2020 à la suite du franchissement irrégulier de la frontière espagnole. Au vu de ces éléments, les autorités espagnoles ont été saisies, le 27 janvier 2021, en application de l'article 13.1 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 et ont accepté, le 1er février 2021, la responsabilité de l'examen de la demande d'asile de M. A.... Par un jugement du 29 mars 2021, dont M. A... relève appel, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 19 février 2021 par lequel le préfet du Nord a décidé son transfert aux autorités espagnoles. Cet arrêté a reçu exécution le 10 août 2021.
Sur la régularité du jugement :
2. Il ressort des écritures produites par M. A... devant le tribunal administratif d'Amiens que celui-ci avait soulevé le moyen tiré de ce que l'arrêté en litige portait une atteinte disproportionnée au respect de sa privée et familiale. Il résulte toutefois du jugement contesté que le magistrat désigné par le président du tribunal administratif d'Amiens n'a pas répondu à ce moyen, qui n'était pas inopérant. Par suite, M. A... est fondé à soutenir que le jugement du 29 mars 2021 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande est irrégulier et à en demander, pour ce motif, l'annulation.
3. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif d'Amiens et sur le surplus de ses conclusions présentées devant la cour.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
4. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier, et notamment du compte-rendu qu'il a signé, que M. A..., assisté d'un interprète, a eu un entretien avec un agent de la préfecture de l'Oise, le 22 janvier 2021, au cours duquel il a été mis à même de faire valoir ses observations. Par suite, il n'est pas fondé à soutenir que le principe général du droit de l'Union européenne tiré des droits de la défense, et en particulier du droit à être entendu préalablement à l'édiction de la décision contestée, aurait été méconnu.
5. En deuxième lieu, aux termes de l'article 4 du règlement du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 : " 1. Dès qu'une demande de protection internationale est introduite au sens de l'article 20, paragraphe 2, dans un État membre, ses autorités compétentes informent le demandeur de l'application du présent règlement, et notamment : / a) des objectifs du présent règlement et des conséquences de la présentation d'une autre demande dans un État membre différent (...) / b) des critères de détermination de l'Etat membre responsable, de la hiérarchie de ces critères au cours des différentes étapes de la procédure et de leur durée (...) c) de l'entretien individuel en vertu de 1'article 5 et de la possibilité de fournir des informations sur la présence de membres de la famille, de proches ou de tout autre parent dans les États membres, y compris des moyens par lesquels le demandeur peut fournir ces informations ; d) de la possibilité de contester une décision de transfert et, le cas échéant, de demander une suspension du transfert ; e) du fait que les autorités compétentes des États membres peuvent échanger des données le concernant aux seules fins d'exécuter leurs obligations découlant du présent règlement ; f) de 1'existence du droit d'accès aux données le concernant et du droit de demander que ces données soient rectifiées (...) / 2. Les informations visées au paragraphe 1 sont données par écrit, dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend. Les États membres utilisent la brochure commune rédigée à cet effet en vertu du paragraphe 3. / Si c'est nécessaire à la bonne compréhension du demandeur, les informations lui sont également communiquées oralement, par exemple lors de l'entretien individuel visé à l'article 5. (...) ".
6. Il ressort des pièces du dossier, et notamment du compte-rendu de l'entretien du 22 janvier 2021 qu'il a eu avec les services de la préfecture de l'Oise, que M. A... a reçu les brochures contenant les informations visées à l'article 4 précité du règlement du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 en langue française et que celles-ci lui ont été expliquées oralement par le truchement d'un interprète en langue soussou que l'intéressé a déclaré lire, comprendre et parler. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 4 précité du règlement du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 doit être écarté.
7. En troisième lieu, eu égard aux pièces du dossier, et notamment aux termes de l'arrêté contesté, le moyen tiré de ce que le préfet du Nord n'aurait pas procédé à un examen particulier de la situation de M. A... doit être écarté.
8. En quatrième lieu, aux termes du premier paragraphe de l'article 3 du règlement du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013, la demande de protection internationale présentée par un ressortissant de pays tiers ou par un apatride " est examinée par un seul Etat membre, qui est celui que les critères énoncés au chapitre III désignent comme responsable ". Aux termes du premier paragraphe de l'article 17 de ce règlement : " Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque État membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement (...) ". Aux termes du premier alinéa de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors en vigueur : " Sous réserve du second alinéa de l'article L. 742-1, l'étranger dont l'examen de la demande d'asile relève de la responsabilité d'un autre Etat peut faire l'objet d'un transfert vers l'Etat responsable de cet examen ".
9. Si M. A... soutient avoir vécu plusieurs années sur le territoire français, il ne l'établit pas en se bornant à produire un acte de naissance en France daté du 14 juillet 1992 et un certificat daté du 26 juillet 1993 par lequel la cousine de sa mère atteste être en capacité de l'héberger à son domicile. Par ailleurs, il ressort des pièces du dossier que l'appelant est célibataire et père d'un enfant resté en Guinée, pays dans lequel il a lui-même vécu jusqu'à l'âge de vingt-huit ans. Dans ces conditions et alors que M. A... n'établit pas le lien fort avec la France dont il se prévaut, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation qu'aurait commise le préfet du Nord en ne faisant pas application des dispositions de l'article 17 du règlement du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 doit être écarté.
10. En dernier lieu, pour les mêmes motifs que ceux mentionnés au point précédent, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet du Nord aurait porté une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée et familiale de M. A... en édictant l'arrêté en litige. Par suite, ce moyen doit être écarté.
11. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêté du 19 février 2021 par lequel le préfet du Nord a prononcé sa remise aux autorités espagnoles pour l'examen de sa demande d'asile. Il s'ensuit que, par voie de conséquence, il y a lieu de rejeter ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement du 29 mars 2021 du tribunal administratif d'Amiens est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif d'Amiens et le surplus des conclusions de sa requête présentées devant la cour sont rejetés.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. B... A....
Copie en sera adressée au préfet du Nord.
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N° 21DA00941