Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 31 mai 2021, la ministre de la transition écologique demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif d'Amiens.
----------------------------------------------------------------------------------------------------------
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des transports ;
- le décret n° 2006-1279 du 19 octobre 2006 ;
- le décret n° 2017-527 du 12 avril 2017 ;
- l'arrêté du 7 mai 2015 relatif aux tâches essentielles pour la sécurité ferroviaire autres que la conduite de trains ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Nil Carpentier-Daubresse, premier conseiller,
- et les conclusions de M. Hervé Cassara, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. M. A... B... est employé comme agent de signalisation mécanique par Sncf Réseau depuis le 11 juillet 2011. Par un avis du 23 janvier 2019, le médecin d'aptitudes physiques l'a déclaré inapte physiquement à l'exercice de ses fonctions, en raison de son absence de vision normale des couleurs. L'intéressé a formé un recours à l'encontre de cet avis devant la commission ferroviaire d'aptitudes, sur le fondement de l'article L. 2221-8 du code des transports. Par une décision du 18 mars 2019, cette dernière a maintenu l'avis d'inaptitude émis par le médecin d'aptitudes physiques. La ministre de la transition écologique relève appel du jugement du 31 mars 2021 par lequel le tribunal administratif d'Amiens a annulé cette décision.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Il ressort du jugement attaqué que le moyen sur lequel le tribunal administratif d'Amiens s'est fondé pour annuler la décision du 18 mars 2019 en litige est l'illégalité, par voie d'exception, de l'annexe V de l'arrêté du 7 mai 2015 relatif aux tâches essentielles pour la sécurité ferroviaire autres que la conduite de trains. Toutefois, ce moyen, qui n'est pas d'ordre public, n'avait pas été invoqué par M. B... dans sa demande de première instance. Ainsi, en soulevant d'office un tel moyen, les premiers juges ont entaché leur jugement d'irrégularité. Par suite, la ministre de la transition écologique est fondée à en demander, pour ce motif et sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen de régularité soulevé, l'annulation.
3. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif d'Amiens.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
4. D'une part, aux termes de l'article L. 2221-7-1 code des transports, dans sa rédaction alors en vigueur : " Les personnels exerçant, sur le réseau ferré national, lorsqu'il est offert une capacité d'infrastructure, les tâches essentielles pour la sécurité ferroviaire énumérées par un arrêté du ministre chargé des transports sont soumis à une vérification de leur aptitude dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. / Le recours à l'encontre des décisions d'inaptitude s'effectue dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article L. 2221-8. (...) ". Aux termes du V de l'article 6 du décret du 19 octobre 2006 relatif à la sécurité des circulations ferroviaires et à l'interopérabilité du système ferroviaire : " Les personnels mentionnés à l'article L. 2221-7-1 du code des transports sont habilités, par leur employeur, à exercer des tâches essentielles pour la sécurité ferroviaire lorsque : 1° Ils maîtrisent les compétences professionnelles définies, dans les conditions prévues à l'article 26, par un arrêté du ministre chargé des transports et précisées dans le système de gestion de la sécurité de l'employeur ; 2° Ils détiennent les certificats, en cours de validité, d'aptitude physique et psychologique prévus par le décret n° 2017-527 du 12 avril 2017 relatif aux conditions d'aptitude physique et psychologique des personnels habilités aux tâches essentielles de sécurité ferroviaire autres que la conduite de trains. (...) ". Aux termes de l'article 3 du décret du 12 avril 2017 relatif aux conditions d'aptitude physique et psychologique des personnels habilités aux tâches essentielles de sécurité ferroviaire autres que la conduite de trains : " I. - L'aptitude physique des personnels mentionnés à l'article L. 2221-7-1 du code des transports est constatée, après un examen, par un médecin agréé, le cas échéant au vu des examens complémentaires qu'il a prescrits. / Cet examen donne lieu à la délivrance d'un certificat d'aptitude physique. / Le médecin est agréé dans les conditions prévues au II de l'article 4 du décret du 29 juin 2010 susvisé. / II. - Le certificat d'aptitude physique est valable cinq ans pour les personnels jusqu'à l'âge de 40 ans, trois ans pour les personnels dont l'âge est compris entre 41 et 62 ans et un an pour les personnels de plus de 62 ans. (...) ".
5. D'autre part, aux termes de l'article 16 de l'arrêté du 7 mai 2015 relatif aux tâches essentielles pour la sécurité ferroviaire autres que la conduite de trains, pris en application des articles 6 et 26 du décret du 19 octobre 2006 modifié relatif à la sécurité des circulations ferroviaires et à l'interopérabilité du système ferroviaire : " Le personnel habilité aux tâches essentielles de sécurité ferroviaire autres que la conduite de trains ne doit être sujet à aucune pathologie susceptible de causer : - une perte soudaine de conscience ; - une baisse d'attention ou de concentration ; - une incapacité soudaine ; - une perte d'équilibre ou de coordination ;
- une limitation significative de mobilité. (...) ". Aux termes de l'article 16 ter de cet arrêté : " Les personnels en service affectés à des tâches essentielles pour la sécurité doivent satisfaire en permanence aux exigences médicales générales définies par le présent arrêté. (...) ". Aux termes de l'article 16 sexies de cet arrêté : " L'examen d'aptitude physique prévu à l'article 3 du décret n° 2017-527 du 12 avril 2017 relatif aux conditions d'aptitude physique et psychologique des personnels habilités aux tâches essentielles de sécurité ferroviaire autres que la conduite de trains comporte : a) Un examen de médecine générale ; b) Des examens des fonctions sensorielles (vision, audition, perception des couleurs) ; (...) L'annexe V précise les critères d'aptitude physique ". Aux termes du a) " Vision et aptitude ophtalmologique " de l'annexe V à cet arrêté : " Les exigences suivantes en matière de vision doivent être respectées : - acuité visuelle de loin, avec ou sans correction mesurée séparément : au minimum de 0,8 pour l'œil le plus performant ; au minimum de 0,3 pour l'œil le moins bon ; - verres correcteurs maximaux : hypermétropie + 5/ myopie-8. Le médecin peut admettre des valeurs situées en dehors de cette plage dans des cas exceptionnels et après avis d'un spécialiste de l'œil ; - vision à moyenne distance et de près : suffisante, qu'elle soit corrigée ou non ; - les lentilles de contact sont autorisées ; - vision des couleurs normale : utilisation d'un test reconnu, tel que l'Ishihara, complété par un autre test reconnu en cas de besoin (...) ".
6. Il ressort des pièces du dossier que M. B... exerce une tâche essentielle pour la sécurité ferroviaire autre que la conduite de trains, au sens de l'article 16 de l'arrêté du 7 mai 2015 précité. L'article 16 ter de cet arrêté prévoit que les personnels en service affectés à ces tâches doivent satisfaire en permanence aux exigences médicales générales définies par cet arrêté, lequel comporte notamment des exigences en matière de vision et d'aptitude ophtalmologique dont la vision normale des couleurs. Il ressort des pièces du dossier que tant le médecin d'aptitudes physiques, le 23 janvier 2019, que la commission ferroviaire d'aptitudes, le 18 mars 2019, ont constaté que M. B... avait une vision anormale des couleurs à l'ensemble des tests réalisés (Ishihara et feux colorés). L'attestation du médecin de prévention en date du 30 janvier 2019 produite par le requérant est insuffisante pour remettre en cause ce diagnostic alors au demeurant que celle de l'ophtalmologue du 1er février 2019 également produite par l'intéressé, confirme une dyschromatopsie de type Deutan altérant sa perception des couleurs. Par ailleurs, la circonstance que M. B... a, depuis 2011, exercé les fonctions d'agent de signalisation mécanique, dans lesquelles il donnait satisfaction selon sa hiérarchie et ses collègues, est sans incidence sur la légalité de la décision contestée, alors que l'arrêté du 13 juillet 2017 est venu modifier l'arrêté du 7 mai 2015 relatif aux tâches essentielles pour la sécurité ferroviaire autres que la conduite de trains concernant notamment les exigences en matière de vision prévues par son annexe V. Dans ces conditions, il ne ressort pas des pièces du dossier que la commission ferroviaire d'aptitudes a entaché la décision en litige du 18 mars 2019 d'une erreur d'appréciation en maintenant l'avis d'inaptitude physique à ses fonctions de M. B.... Par suite, ce moyen doit être écarté.
7. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à demander l'annulation de la décision du 18 mars 2019 par laquelle la commission ferroviaire d'aptitudes a maintenu l'avis d'inaptitude physique à l'exercice de ses fonctions. Par suite, sa demande doit être rejetée.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif d'Amiens en date du 31 mars 2021 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif d'Amiens est rejetée.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la ministre de la transition écologique et à M. A... B....
1
2
N°21DA01214
1
3
N°"Numéro"