Par une requête, et des mémoires enregistrés les 5 juin 2020, 24 juin 2020 et 17 novembre 2020, Mme F... A..., représentée par Me C... D..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de faire droit à sa demande de première instance ;
3°) de surseoir à statuer dans l'attente de l'issue de sa plainte pénale ou de désigner un expert en graphologie ;
4°) de mettre à la charge du syndicat mixte du Ternois la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les entiers dépens.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;
- le décret n°2020-1406 du 18 novembre 2020 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Ghislaine Borot, présidente-rapporteure,
- les conclusions de M. Hervé Cassara, rapporteur public,
- les observations de Me C... D..., représentant Mme A... et de Me H... B... représentant la communauté de communes du Ternois.
Considérant ce qui suit :
1. Mme F... A... a été recrutée par le syndicat mixte " Ternois-Collecte-Tri-Traitement " pour exercer les fonctions d'agent de communication et de gardien de déchetterie, en qualité d'agent contractuel à compter du 1er janvier 2011 puis, à compter du 1er avril 2011, en qualité d'adjoint technique de 2ème classe stagiaire. Au terme de son stage d'une durée d'un an, elle a été titularisée en qualité d'adjoint technique 2ème classe, le 1er avril 2012, pour exercer les fonctions de gardien de déchetterie et d'animations selon les nécessités du service. Par un courrier du 13 avril 2016 reçu le 2 mai 2016, Mme A... a saisi le président du syndicat mixte " Ternois-Collecte-Tri-Traitement " d'une demande tendant, d'une part, à l'octroi de la protection fonctionnelle et, d'autre part, au versement de diverses indemnités en réparation des préjudices subis à raison d'un harcèlement moral, d'une exécution déloyale de sa relation de travail, et d'un licenciement dénué de cause réelle et sérieuse. Une décision implicite de rejet est née du silence gardé par le syndicat mixte sur sa demande. Mme A... relève appel du jugement du 6 mars 2020 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation du refus implicite de lui accorder la protection fonctionnelle et à la condamnation du syndicat mixte " Ternois-Collecte-Tri-Traitement ", aux droits duquel intervient désormais la communauté de communes du Ternois, à l'indemniser des préjudices qu'elle estime avoir subis.
Sur la régularité du jugement
2. Il ressort des motifs du jugement que le tribunal, qui n'était pas tenu de répondre à tous les arguments que Mme A... avait invoqués devant lui, a répondu avec de suffisantes précisions à l'ensemble des moyens qu'elle avait invoqués. Par suite, le moyen tiré de ce que le jugement serait insuffisamment motivé doit être écarté.
Sur le bien-fondé du jugement :
En ce qui concerne les conclusions indemnitaires :
S'agissant l'illégalité de la mise à la retraite d'office de Mme A... :
3. Il ne résulte pas de l'instruction qu'une décision de rejet d'une demande préalable indemnitaire fondée sur l'illégalité de la mise à la retraite d'office soit née en cours de première instance, faute pour Mme A... d'avoir saisi le syndicat mixte " Ternois-Collecte-Tri-Traitement " d'une demande en ce sens. Le mémoire en défense produit en première instance par ce syndicat se bornait à opposer sur ce point l'irrecevabilité de la demande. Dès lors, ce mémoire ne peut être regardé comme ayant lié le contentieux. Par suite, la fin de non-recevoir opposée de nouveau en appel par la communauté de communes du Ternois, tirée du défaut de liaison du contentieux s'agissant des conclusions indemnitaires fondées sur la faute suite à la mise à la retraite d'office de Mme A..., doit être accueillie et ces conclusions doivent être rejetées.
S'agissant du harcèlement moral :
4. Aux termes de l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. (...) ".
5. Il appartient à un agent public qui soutient avoir été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral, de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'un tel harcèlement. Il incombe à l'administration de produire une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement. Le juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, détermine sa conviction au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile. Pour apprécier si des agissements dont il est saisi sont constitutifs d'un harcèlement moral, le juge doit tenir compte des comportements respectifs de l'agent auquel il est reproché d'avoir exercé de tels agissements et de l'agent qui estime avoir été victime d'un harcèlement moral.
6. Mme A... soutient que ses conditions de travail se sont dégradées à compter de décembre 2011 à la suite d'une altercation avec une collègue, qu'une partie de ses missions ainsi que le matériel informatique dont elle disposait lui ont été retirés, qu'elle a été ignorée par ses autres collègues à son retour de congé maladie en novembre 2012, qu'elle a été privée du bénéfice d'une carte cadeau en décembre 2012, qu'elle a subi une baisse de sa prime sans motif et que le syndicat mixte " Ternois-Collecte-Tri-Traitement " a tenté de lui imposer une baisse de sa rémunération. Elle fait valoir également avoir été victime d'une usurpation de sa signature. Elle fait également état de ce que sa notation n'a pas augmenté entre 2012 et 2013 et que sa hiérarchie ne l'a pas reclassée sur un poste.
7. Il résulte de l'instruction que l'altercation qui a opposé Mme A... à la secrétaire du président du syndicat mixte le 11 décembre 2011 au sujet de l'organisation de l'arbre de Noël présente un caractère isolé. Si la secrétaire lui a adressé des propos désobligeants, il résulte de l'instruction que Mme A... a elle-même tenu, à l'égard de sa collègue, des propos inadaptés participant, par sa propre attitude, à la dégradation des relations de travail au sein de la structure. A cette occasion, il a été demandé à chacune d'entre elles de retourner à son poste, sans que cela puisse révéler une quelconque attitude discriminante à l'égard de Mme A....
8. Il ne résulte pas de l'instruction que les conditions de travail de Mme A... se seraient dégradées à la suite de cette altercation, ni à l'occasion de sa reprise de ses fonctions en novembre 2012 à la suite d'un congé de maladie Elle n'apporte aucun élément pouvant laisser présumer qu'elle aurait été mise à l'écart par ses collègues. Il ressort au contraire d'un courrier du 6 février 2013 du président du syndicat mixte " Ternois-Collecte-Tri-Traitement ", en réponse au courrier du 15 janvier 2013 au terme duquel Mme A... dénonçait son mal-être au travail et listait les difficultés qu'elle rencontrait telles que l'absence de vestiaire propre aux femmes ou des équipements de protection inadaptés, que des solutions concrètes accompagnées des crédits nécessaires ont été proposées pour améliorer la situation des agents ainsi que leur sécurité au sein des déchetteries. Si Mme A... fait également valoir qu'elle ne s'est plus vu attribuer de missions de communication et que des moyens informatiques lui ont été retirés, il résulte de l'instruction et notamment de son arrêté de titularisation que ces missions n'étaient qu'accessoires à ses fonctions principales de gardienne de déchetterie. Une telle mesure, qui relève de l'organisation du service, n'excède pas les limites de l'exercice normal du pouvoir hiérarchique.
9. Il ne résulte pas de l'instruction que Mme A... aurait subi une baisse de prime en mai 2012 comme elle le prétend. S'il ressort d'un échange de courriers électroniques, que sa rémunération devait évoluer en demi-traitement à compter d'avril 2014, le syndicat a régularisé sa situation dès le mois suivant. Il ne résulte pas de l'instruction qu'elle n'aurait pas perçu les traitements et indemnités auxquels elle avait droit. Si Mme A... fait également valoir n'avoir pas obtenu de chèque cadeau de Noël d'un montant de 55 euros en décembre 2012, il résulte de l'instruction et en particulier de la réponse du président du syndicat mixte au courrier électronique du 26 novembre 2012 de Mme A... que le bénéfice de ce chèque cadeau était conditionné pour tous les agents à leur présence effective à la fête de fin d'année organisée par le syndicat mixte. Mme A... ne s'y est pas rendue au prétexte d'une convocation à une formation syndicale le même jour. Toutefois les horaires de cette formation n'étaient pas incompatibles avec sa présence en fin de journée à cet évènement. Dans ces conditions, et alors qu'elle était parfaitement informée des conditions d'attribution, elle ne peut sérieusement invoquer une quelconque discrimination à son égard.
10. Il ne résulte pas de l'instruction que l'absence d'évolution de sa notation entre 2011 et 2013 résulterait d'une volonté de sanctionner ou de nuire à Mme A.... L'envoi de courriers au sujet du report de ses congés non pris en raison de son congé pour accident de service ne révèle pas davantage une quelconque action malveillante mais relève simplement de l'organisation du service par l'autorité hiérarchique.
11. Si Mme A... fait état d'une altération de son état de santé et être atteinte d'un syndrome anxio-dépressif en raison du harcèlement moral qu'elle prétend subir, il résulte de l'instruction que l'accident dont elle a été victime sur son lieu de travail le 3 janvier 2013 en intervenant sur une benne à cartons a été pris en charge au titre des accidents de service. Aucun élément ne permet d'établir un lien quelconque entre cet accident de service et ses conditions de travail, qui ainsi qu'il a été dit, n'ont subi aucune dégradation particulière. Il ne résulte pas davantage des pièces communiquées que ses souffrances psychologiques seraient en lien avec ses conditions de travail.
12. Enfin, Mme A... fait valoir notamment que sa signature valant notification, portée sur l'arrêté du 4 mars 2013 ayant pour objet de modifier son échelon ainsi que limiter ses fonctions à celles de gardienne de déchetterie, serait un faux et que sa signature a été imitée. Elle se prévaut ainsi des conclusions du 7 octobre 2019 de l'expert graphologue désigné par un juge d'instruction du tribunal de grande instance d'Arras. A supposer que ces faits soient établis, rien au dossier ne permet de penser que de tels agissements, quand bien même ils pourraient donner lieu à une condamnation pénale, feraient présumer l'existence d'un harcèlement moral.
13. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'apporte pas un faisceau d'indices suffisamment probants, susceptibles de faire présumer l'existence de faits de harcèlement moral. Ses conclusions indemnitaires présentées sur ce fondement doivent donc être rejetées.
S'agissant de " l'exécution déloyale de la relation de travail " :
14. Mme A... reprend les mêmes faits exposés ci-dessus au soutien de ces conclusions indemnitaires fondées sur " l'exécution déloyale de la relation de travail ". Toutefois, eu égard à ce qui vient d'être exposé, ces conclusions ne peuvent être que rejetées.
S'agissant du licenciement allégué et les diverses indemnités afférentes :
15. Ainsi que l'a jugé le tribunal administratif, il ne résulte pas de l'instruction que Mme A... aurait fait l'objet d'une procédure de licenciement. Par suite, les conclusions tendant à obtenir une indemnité pour licenciement " dénué de cause réelle et sérieuse, " une indemnité compensatrice de préavis ainsi qu'une indemnité de licenciement ne peuvent qu'être rejetées.
En ce qui concerne les conclusions d'annulation dirigées contre la décision de refus implicite de protection fonctionnelle :
16. Il appartient à l'agent public qui soutient avoir été victime de faits constitutifs de harcèlement moral, lorsqu'il entend contester le refus opposé par l'administration dont il relève à une demande de protection fonctionnelle fondée sur de tels faits de harcèlement, de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles d'en faire présumer l'existence. Il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile.
17. Compte tenu de ce qui a été dit aux points 5 à 15, sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir opposée en défense, le syndicat mixte " Ternois-Collecte-Tri-Traitement "a pu sans erreur d'appréciation refuser d'accorder à Mme A... la protection fonctionnelle. Par suite, ses conclusions tendant à l'octroi de la protection fonctionnelle doivent être rejetées.
En ce qui concerne les conclusions aux fins de résiliation judiciaire de la relation de travail :
18. Ainsi que le fait valoir la communauté de communes du Ternois, ces conclusions sont irrecevables, Mme A... étant placée dans une situation statutaire et réglementaire. Elles doivent, par suite, être rejetées.
En ce qui concerne les conclusions tendant à la nomination d'un expert graphologue :
19. L'expertise demandée n'étant pas utile à la résolution du litige, les conclusions tendant à la nomination d'un expert graphologue ne peuvent être que rejetées.
20. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de surseoir à statuer dans l'attente de l'issue de la plainte pénale , que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.
Sur les dépens :
21. L'instance n'ayant donné lieu à aucun dépens, les conclusions présentées sur ce fondement ne peuvent qu'être rejetées.
Sur les frais liés à l'instance :
22. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge la communauté de communes du Ternois, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que Mme A... demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce et sur le fondement de ces mêmes dispositions, de mettre à la charge de Mme A... la somme de 1 000 euros au même titre des frais exposés par la communauté de communes du Ternois et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.
Article 2 : Mme A... versera à la communauté de communes du Ternois une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Me C... D... pour Mme F... A... et à Me E... G... pour la communauté de communes du Ternois.
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N°20DA00809
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