Procédure devant la cour :
I. Par une requête, enregistrée sous le n° 21DA00125 le 21 janvier 2021, le préfet de la Seine-Maritime demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Rouen.
-----------------------------------------------------------------------------------------------
II. Par une requête, enregistrée le 21 janvier 2021 sous le n° 21DA00126, le préfet de la Seine-Maritime demande à la cour de prononcer le sursis à exécution du jugement rendu par le tribunal administratif de Rouen le 15 décembre 2020 sur le fondement de l'article R. 811-15 du code de justice administrative.
---------------------------------------------------------------------------------------------------
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
A été entendu, au cours de l'audience publique, le rapport de M. Nil Carpentier-Daubresse, premier conseiller.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant guinéen, né le 13 mars 2002, a été confié aux services de l'aide sociale à l'enfance de la Seine-Maritime le 11 juin 2018. Par un arrêté du 16 août 2020, le préfet de la Seine-Maritime a refusé de lui délivrer une carte de séjour mention " salarié " demandée au titre de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et une carte de séjour mention " vie privée et familiale " sollicitée sur le double fondement du 7° de l'article L. 313-11 et de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Le préfet de la Seine-Maritime relève appel du jugement du 15 décembre 2020 par lequel le tribunal administratif de Rouen a annulé cet arrêté et sollicite également qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement.
Sur la jonction :
2. Les requêtes visées ci-dessus sont dirigées contre le même jugement. Il y a donc lieu de les joindre pour qu'il y soit statué par un même arrêt.
Sur la requête n° 21DA00125 :
En ce qui concerne le moyen d'annulation retenu par le tribunal administratif :
3. Aux termes de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " A titre exceptionnel et sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire prévue aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 portant la mention " salarié " ou la mention " travailleur temporaire " peut être délivrée, dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, à l'étranger qui a été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et l'âge de dix-huit ans et qui justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle, sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française. Le respect de la condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigé. ".
4. Lorsqu'il examine une demande d'admission exceptionnelle au séjour en qualité de " salarié " ou " travailleur temporaire ", présentée sur le fondement de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet vérifie tout d'abord que l'étranger est dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, qu'il a été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et dix-huit ans, qu'il justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle et que sa présence en France ne constitue pas une menace pour l'ordre public. Il lui revient ensuite, dans le cadre du large pouvoir dont il dispose, de porter une appréciation globale sur la situation de l'intéressé, au regard notamment du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française. Il appartient au juge administratif, saisi d'un moyen en ce sens, de vérifier que le préfet n'a pas commis d'erreur manifeste dans l'appréciation ainsi portée.
5. Pour refuser la délivrance d'un titre de séjour à M. A... sur le fondement de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet de la Seine-Maritime a retenu que M. A... n'est pas dépourvu de tout lien dans le pays dont il est originaire et où résident encore au moins son père et sa soeur, que l'ensemble de sa cellule familiale se trouve en Guinée, que si l'intéressé se prévaut de son contrat de formation en qualité de maçon, la délivrance d'un titre de séjour, sur le fondement de l'article précité, est subordonnée à la nature des liens avec sa famille dans son pays d'origine, et qu'à ce titre, il a des liens forts dans son pays d'origine et ne peut donc se prévaloir des dispositions de cet article.
6. Il ressort des pièces du dossier que M. A..., qui a déclaré être entré en France le 18 mai 2018, a été confié, par une ordonnance de placement provisoire du procureur de la République en date du 11 juin 2018, au service d'aide sociale à l'enfance du conseil départemental de Seine-Maritime à compter de ce même jour puis par un jugement du juge des tutelles en date du 17 septembre 2018 et qu'il a été confié, à compter du 25 avril 2019, au service d'accompagnement pour mineurs non accompagnés de l'oeuvre normande des mères (ONM) à Canteleu. Si l'intéressé a suivi une formation au centre de formation d'apprentis du bâtiment et des travaux publics Georges Lanfry de Saint-Etienne-du-Rouvray à l'issue de laquelle il a obtenu un certificat d'aptitude professionnel " maçon " et qu'il a travaillé au sein de l'entreprise IC Façade à Canteleu, il ne ressort pas des pièces du dossier que M. A... serait dépourvu de tout lien familial en Guinée dont il est originaire et où il a vécu jusqu'à l'âge de seize ans. Ainsi, dans le cadre du large pouvoir dont dispose le préfet concernant l'appréciation globale de la situation de l'intéressé s'agissant d'une demande d'admission exceptionnelle au séjour présentée sur le fondement de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet aurait commis une erreur manifeste d'appréciation en refusant l'octroi d'un tel titre de séjour à M. A.... Dans ces conditions, le préfet de la Seine-Maritime est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a annulé, pour ce motif, l'arrêté du 16 août 2020 refusant à M. A... la délivrance d'un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination.
7. Il appartient toutefois à la cour saisie par l'effet dévolutif de l'appel d'examiner les autres moyens soulevés par M. A... tant en première instance qu'en appel.
En ce qui concerne les autres moyens :
8. Il ne ressort ni des termes de l'arrêté contesté ni des autres pièces du dossier que, pour refuser la délivrance d'un titre de séjour à M. A... sur le fondement de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet de la Seine-Maritime aurait pris en compte l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de l'intéressé dans la société française alors qu'il y était tenu ainsi qu'il a été dit au point 4. Si le préfet soutient que son arrêté est également fondé sur le fait que M. A... a produit de faux documents et qu'il ne justifie pas de son identité, il ne ressort pas des termes de l'arrêté attaqué que ce motif y aurait été retenu pour justifier le refus opposé à la demande présentée par l'intéressé sur le fondement de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. De même, la circonstance que le préfet remette en cause, dans ses écritures en appel, l'authenticité des documents d'état civil produits par M. A... ne saurait permettre de le regarder comme sollicitant une substitution de motifs, laquelle doit être expressément demandée à la juridiction qui ne peut y procéder d'office. Dans ces conditions, M. A... est fondé à soutenir que, en ne prenant pas en compte l'avis de la structure d'accueil sur son insertion dans la société française afin de porter une appréciation globale sur sa situation, le préfet de la Seine-Maritime a entaché sa décision de refus de séjour d'une erreur de droit. Celle-ci doit donc être annulée ainsi que, par voie de conséquence, les décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixation du pays de destination.
9. Aucun autre moyen n'est de nature à conduire à l'annulation de l'arrêté du 16 août 2020 du préfet de la Seine-Maritime.
10. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de la Seine-Maritime n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a annulé son arrêté en date du 16 août 2020 refusant à M. A... la délivrance d'un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination.
En ce qui concerne les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :
11. Eu égard au motif d'annulation retenu par le présent arrêt et à ce qui a été dit au point 9, il y a seulement lieu d'enjoindre au préfet de la Seine-Maritime de réexaminer la demande de M. A... dans un délai de deux mois. Il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.
En ce qui concerne les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :
12. M. A... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me C..., avocate de M. A..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me C... de la somme de 1 000 euros.
Sur la requête n° 21DA00126 :
13. La cour statuant par le présent arrêt sur les conclusions de la requête du préfet de la Seine-Maritime tendant à l'annulation du jugement attaqué, les conclusions de sa requête n° 21DA00126 tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement sont privées d'objet. Il n'y a pas lieu, par suite, d'y statuer.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête n° 21DA00125 du préfet de la Seine-Maritime est rejetée.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de la Seine-Maritime de procéder au réexamen de la situation de M. A... dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'article 2 du jugement du 15 décembre 2020 du tribunal administratif de Rouen est annulé.
Article 4 : L'Etat versera à Me C... une somme de 1 000 euros en application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve qu'elle renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
Article 5 : Le surplus des conclusions de la demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Rouen est rejeté.
Article 6 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête n° 21DA00126 tendant au sursis à l'exécution du jugement.
Article 7 : Le présent arrêt sera notifié au préfet de la Seine-Maritime, au ministre de l'intérieur et à Me C... pour M. B... D... A....
1
2
N°21DA00125 et N°21DA00126
1
3
N°"Numéro"