Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 24 février 2020, M. B... C..., représenté par Me F..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler l'arrêté du 4 février 2019 par lequel le préfet du Nord a refusé de lui accorder un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné à l'expiration de ce délai ;
3°) d'enjoindre au préfet du Nord de lui délivrer une carte de séjour temporaire, dans un délai de quinze jours à compter de la notification du jugement à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;
4°) à titre subsidiaire, d'enjoindre au préfet du Nord de procéder à un nouvel examen de sa situation, dans un délai de quinze jours à compter de la notification du jugement à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à verser à son conseil, sous réserve qu'il renonce à la part contributive de l'Etat, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de M. Marc Lavail Dellaporta, président-assesseur, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B... C..., de nationalité guinéenne, né le 30 janvier 1998, a déclaré être entré en France en mars 2014, en qualité de mineur isolé. Le juge des enfants du tribunal de grande instance de Lille l'a confié, par un jugement du 15 mai 2014, au service de l'aide sociale à l'enfance jusqu'à sa majorité. Un titre de séjour portant la mention " étudiant " lui a été accordé avec une validité jusqu'au 26 septembre 2017. M. C... a demandé, le 3 août 2017, un titre de séjour portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire " ou, à défaut, le renouvellement de son titre de séjour portant la mention " étudiant ". Le préfet du Nord a toutefois, par arrêté du 4 février 2019, refusé de lui délivrer le titre de séjour sollicité, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination. M. C... relève appel du jugement du 18 octobre 2019 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté notamment sa demande d'annulation de l'arrêté précité.
Sur les moyens communs aux décisions en litige :
2. Par un arrêté du 25 juillet 2018, produit en appel par le préfet du Nord, régulièrement publié au recueil spécial des actes du département n° 165 du même jour, le préfet du Nord a donné délégation à Mme A... E..., signataire de l'arrêté en litige, à l'effet de signer, en particulier, les décisions attaquées. Si le tribunal administratif de Lille s'est fondé sur l'existence de cet arrêté, alors même qu'il n'était pas versé au dossier, il a pu le faire, sans méconnaître le principe du caractère contradictoire de la procédure compte tenu du caractère réglementaire des arrêtés de délégation de signature, soumis à la formalité de publication. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté en litige manque en fait et doit être écarté comme tel.
3. Les décisions en litige comportent l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement et qui permettent à M. C... de les discuter et au juge de les contrôler. Elles sont donc suffisamment motivées au regard des exigences de l'article L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation doit être écarté.
Sur le refus de titre de séjour :
4. Il ne ressort pas des pièces du dossier et des motifs qui fondent la décision en litige que le préfet du Nord, en appréciant si M. C... pouvait bénéficier de la qualité d'étudiant et s'il répondait aux conditions prévues par les dispositions de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile afin de bénéficier d'une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire " se serait abstenu de procéder à un examen sérieux et approfondi de la situation personnelle de l'intéressé. Si le préfet du Nord n'évoque pas l'existence du contrat à durée déterminée d'insertion que M. C... a conclu, en qualité de salarié polyvalent avec l'association Soutien Emploi Service du 1er mai au 1er septembre 2018 mais qu'il n'a pu mener à son terme en raison de son état de santé, il ressort des dispositions combinées des articles R. 5221-3 et R. 5221-6 du code du travail qu'un tel contrat ne permettait pas la délivrance d'une carte de séjour en qualité de travailleur temporaire. Aussi la prise en compte de ce contrat n'aurait pas modifié le sens de la décision.
5. Aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 313-2 (...) ". Il ressort des pièces du dossier que M. C... a déclaré être entré sur le territoire français en mars 2014 en tant que mineur isolé à l'âge de seize ans. Par un jugement du 15 mai 2014, le juge des enfants du tribunal de grande instance de Lille a confié M. C... au service de l'aide sociale à l'enfance jusqu'à sa majorité. Il a obtenu un certificat d'aptitude professionnelle (CAP) " maintenance des véhicules " en juin 2017. Il a conclu un contrat à durée déterminée d'insertion avec l'association Urban Clean du 7 novembre 2017 au 6 mars 2018 puis un contrat à durée déterminée d'insertion avec l'association Soutien Emploi Service du 1er mai au 1er septembre 2018 qu'il n'a pu mener à son terme en raison de son état de santé et dont il justifie l'exécution pour les seuls mois de mai et juin 2018. Ainsi, si M. C... est présent sur le territoire national depuis cinq ans et justifie de six mois de travail salarié, ces éléments ne permettent pas de caractériser une insertion sociale stable en France. M. C... est célibataire, sans charge de famille et ne fait état d'aucune attache familiale en France. Sa mère, son frère et ses deux soeurs demeurent en Guinée. M. C... fait valoir l'existence de problèmes de santé suite à des violences subies dans son pays d'origine, qui ont entrainé en 2010 des fractures des deux os de l'avant-bras gauche. Il produit des certificats médicaux faisant état de douleurs chroniques, persistantes ainsi qu'une demande de reconnaissance de qualité de travailleur handicapé. Mais cette seule circonstance, alors que par ailleurs il ne fait pas valoir d'impossibilité ou de difficultés particulières de traitement en Guinée, ne permet pas de considérer que le préfet du Nord aurait commis une erreur manifeste d'appréciation dans l'application de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et le moyen doit être écarté.
6. Lorsqu'un préfet est saisi d'une demande de délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'une des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il n'est pas tenu en l'absence de dépositions expresses d'examiner d'office si l'intéressé peut prétendre à une autorisation de séjour sur le fondement d'une autre disposition de ce code même s'il lui est toujours loisible de le faire. Alors que M. C... ne justifie pars avoir demandé la délivrance d'un titre de séjour en raison de son état de santé et que par l'arrêté du 4 février 2019, le préfet du Nord n'a pas entendu examiner la possibilité de délivrer un titre de séjour sur le fondement de l'article l. 313-11, 11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le requérant ne peut utilement se prévaloir d'une méconnaissance des dispositions de cet article et ce moyen doit être rejeté.
7. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
8. M. C..., qui ne justifie pas de l'intensité et de la stabilité particulière de liens qu'il aurait pu nouer en France à titre privé et familial, est, comme il a été dit précédemment, célibataire et sans enfant et il ne ressort pas non plus des pièces du dossier qu'il serait dépourvu d'attaches dans son pays d'origine où, comme il a été dit, résident sa mère, son frère et ses deux soeurs. Dès lors, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations précitées et de l'erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle dont serait entaché l'arrêté en litige doivent être écartés.
Sur l'obligation de quitter le territoire français :
9. Il résulte de ce qui a été dit aux points 2 à 8 que le refus de séjour n'est pas illégal. Par suite, M. C... n'est pas fondé à exciper de son illégalité pour demander l'annulation de l'obligation de quitter le territoire français.
10. Les moyens tirés de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste d'appréciation dont serait entachée la décision en litige doivent être écartés pour les motifs exposés aux points 4 à 8.
11. Il ne ressort pas des pièces du dossier que l'état de santé de M. C..., faisant état de souffrances dues à des douleurs persistantes et une paralysie de l'avant-bras gauche consécutives à des fractures ferait obstacle à ce qu'il quitte le territoire français. En conséquence, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en raison de ses problèmes de santé qui nécessitent une prise en charge médicale doit être rejeté.
Sur la fixation d'un délai de départ volontaire :
12. Il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet du Nord en accordant un délai de trente jours aurait entaché la décision portant délai de départ volontaire d'une erreur manifeste d'appréciation.
Sur le pays de destination :
13. Il résulte de ce qui a été dit aux points 9 à 11 que l'obligation de quitter le territoire national n'est pas illégale. Par suite, M. C... n'est pas fondé à exciper de son illégalité pour demander l'annulation de la décision fixant le pays de destination.
14. Si M. C... évoque des violences subies dans son pays, ce risque n'est nullement établi en l'absence de précisions circonstanciées. Il n'établit pas ainsi que le préfet du Nord, en prenant la décision attaquée, aurait méconnu les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Le moyen doit être écarté.
15. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué le tribunal administratif de Lille a rejeté ses demandes. Les conclusions qu'il présente à fin d'injonction sous astreinte et au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, au profit de son conseil, doivent, par voie de conséquence, être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C..., au ministre de l'intérieur et à Me D... F....
Copie sera adressée au préfet du Nord.
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N°20DA00345