Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 20 juillet 2020, M. C..., représenté par Me B... D..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir cet arrêté du 17 juin 2019 ;
3°) d'enjoindre au préfet du Nord de lui délivrer un certificat de résidence algérien portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard, ou subsidiairement, de l'admettre provisoirement au séjour dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et de procéder au réexamen de sa situation dans ce délai, sous la même condition d'astreinte ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme E... A..., présidente de chambre, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. C..., ressortissant algérien né le 5 septembre 1983, déclare être entré en France irrégulièrement le 29 octobre 2008. Sa demande d'asile a été rejetée par une décision du 27 février 2009 de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides. Il a sollicité en janvier 2019 un titre de séjour sur le fondement du 1 de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié. Par un arrêté du 17 juin 2019, le préfet du Nord a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé l'Algérie comme pays de destination. M. C... relève appel du jugement du 18 février 2020 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la décision de refus de titre de séjour :
2. Aux termes de l'article R. 612-6 du code de justice administrative : " Si, malgré une mise en demeure, la partie défenderesse n'a produit aucun mémoire, elle est réputée avoir acquiescé aux faits exposés dans les mémoires du requérant ".
3. Aux termes de l'article 6 de l'accord franco algérien du 27 décembre 1968 : " Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : / 1) au ressortissant algérien, qui justifie par tout moyen résider en France depuis plus de dix ans ou plus de quinze ans si, au cours de cette période, il a séjourné en qualité d'étudiant (...) ".
4. Pour refuser à M. C... la délivrance d'un certificat de résidence sur le fondement des stipulations précitées de l'article 6 alinéa 1 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié, le préfet du Nord lui a opposé le caractère insuffisant des justificatifs fournis pour établir sa présence en France de 2009 à 2014. A l'appui de sa requête, M. C... produit pour les années 2008 et 2009, des pièces relatives à sa demande d'asile, un contrat d'hébergement avec un centre dépendant du centre communal d'action sociale de Toulouse et une domiciliation postale auprès de la Croix Rouge. Pour l'année 2010, il produit une facture d'achats de matériaux au mois d'avril, une attestation d'un proche, un document intitulé " veille sociale " qui mentionne quelques appels au cours du mois de janvier 2010, une attestation de domiciliation postale de janvier à juillet 2010, un document vierge de déclaration de ressources édité le 16 juillet 2010 pour le renouvellement de l'allocation temporaire d'attente et un certificat de travail comme agent de service pour la période du 14 au 26 octobre 2010. S'agissant de l'année 2011, il produit également ce même document de veille sociale faisant état d'appels téléphoniques au cours de l'année 2011, une facture d'achat de matériel de vélo en avril 2011, un procès-verbal de contravention daté de juin 2011 et une quittance de facture d'un hôpital. Pour l'année 2012, il fournit une ordonnance de prescription médicale, une facture émanant d'un garage automobile, un document faisant été d'un rendez-vous pour une domiciliation postale, et un " contrat d'hébergement " dans un centre d'hébergement et de réinsertion sociale signé en septembre 2012. Pour 2013, il produit une attestation de chargement d'un titre de transport, des ordonnances médicales, un bulletin de situation faisant état d'une hospitalisation de deux jours ou encore une facture d'achats dans un magasin de sports. Pour l'année 2014, il verse des ordonnances médicales, une attestation du consulat d'Algérie à Lille relative à une demande de passeport et une attestation d'association. Pour 2015, il produit un avis d'imposition sur les revenus 2015, une nouvelle attestation d'élection de domicile auprès d'une association et une attestation d'hébergement d'un proche. Il se prévaut également d'une attestation d'hébergement établie en 2018 et pour une période commençant en 2016 et une carte d'aide médicale d'Etat obtenue à compter de 2016.
5. Une copie de la requête d'appel de M. C... a été communiquée le 20 août 2020 au préfet du Nord qui a été mis en demeure le 8 septembre 2020 de produire sous quinze jours un mémoire en défense. Cette mise en demeure est demeurée sans effet. Le préfet du Nord doit être réputé avoir acquiescé aux faits exposés dans la requête en application de l'article R. 612-6 précité. Cette circonstance ne dispense toutefois pas la juridiction de vérifier que les faits allégués par le requérant ne sont pas contredits par les autres pièces du dossier. En l'espèce, l'inexactitude des faits allégués par M. C... ne ressort d'aucune des pièces versées au dossier, et notamment pas du dossier de première instance, dans lequel le préfet n'avait d'ailleurs versé que des pièces sans produire de mémoire en défense. Dans ces conditions, dès lors que la situation de fait alléguée par M. C... n'est pas contredite par les pièces du dossier, il doit être regardé comme résidant habituellement en France depuis dix ans au moins à la date de la décision attaquée, sans avoir séjourné en qualité d'étudiant. Par suite, en refusant de lui délivrer le certificat de résidence sollicité, le préfet du Nord a méconnu les stipulations de l'article 61°de l'accord francoalgérien du 27 décembre 1968. La décision de refus de titre de séjour doit être annulée, ainsi que par voie conséquence, celles l'obligeant à quitter le territoire et fixant le pays de destination,
6. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. C... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 17 juin 2019 par lequel le préfet du Nord a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être éloigné d'office.
Sur les conclusions aux fins d'injonction :
7. Eu égard au motif d'annulation de l'arrêté attaqué retenu, dans la mesure où il ne résulte pas de l'instruction que des éléments de fait ou de droit nouveaux justifieraient que l'autorité administrative oppose une nouvelle décision de refus à la demande de M. C..., le présent arrêt implique nécessairement que le préfet du Nord lui délivre un certificat de résidence algérien portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir. Il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les frais liés à l'instance :
8. M. C... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me B... D... renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros à verser au conseil de M. C....
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du 18 février 2020 du tribunal administratif de Lille et l'arrêté du 17 juin 2019 du préfet du Nord sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet du Nord de délivrer à M. C... un certificat de résidence algérien portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir.
Article 3 : L'Etat versera à Me B... D..., avocate de M. C..., une somme de 1 000 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve qu'elle renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. F... C..., au ministre de l'intérieur, au préfet du Nord et à Me B... D....
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N°20DA01035
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