Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 18 août 2020, le préfet de la Seine-Maritime demande à la cour d'annuler ce jugement et de rejeter les demandes de M. C....
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Denis Perrin, premier conseiller a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. C..., de nationalité guinéenne, qui a déclaré être né le 3 septembre 2001 et être entré en France en mars 2018, a sollicité un titre de séjour le 9 juillet 2019. Le préfet de la Seine-Maritime lui a refusé ce titre par un arrêté du 13 février 2020 portant également obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et fixation du pays de renvoi. Le préfet de la Seine-Maritime relève appel du jugement du 2 juillet 2020 par lequel le tribunal administratif de Rouen a annulé cet arrêté et a enjoint audit préfet de délivrer à M. C... un titre de séjour dans le délai de deux mois à compter de la notification du jugement.
Sur le motif d'annulation du refus de titre retenu par le tribunal administratif de Rouen :
2. Le tribunal administratif de Rouen s'est fondé pour annuler le refus de titre du 13 février 2020 sur l'erreur manifeste d'appréciation commise par le préfet au regard des conditions prévues par l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
3. Aux termes de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " A titre exceptionnel et sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire prévue aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 portant la mention " salarié " ou la mention " travailleur temporaire " peut être délivrée, dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, à l'étranger qui a été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et l'âge de dix-huit ans et qui justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle, sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française. Le respect de la condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigé. ". Lorsqu'il examine une demande d'admission exceptionnelle au séjour en qualité de "salarié" ou "travailleur temporaire", présentée sur le fondement des dispositions précitées, le préfet vérifie tout d'abord que l'étranger est dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, qu'il a été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et dix-huit ans, qu'il justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle et que sa présence en France ne constitue pas une menace pour l'ordre public. Il lui revient ensuite, dans le cadre du large pouvoir dont il dispose, de porter une appréciation globale sur la situation de l'intéressé, au regard notamment du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française. Il appartient au juge administratif, saisi d'un moyen en ce sens, de vérifier que le préfet n'a pas commis d'erreur manifeste dans l'appréciation ainsi portée.
4. Il ressort en l'espèce des pièces du dossier qu'à son arrivée en France en mars 2018, M. C... a été pris en charge par l'aide sociale à l'enfance du département de la Seine-Maritime. Il a pu poursuivre une scolarité en certificat d'aptitude professionnelle de boulanger puis il a obtenu, à l'issue de sa formation, un contrat de travail à durée indéterminée à mi-temps. Toutefois, M. C... qui est entré sur le territoire français à 16 ans et demi, n'y était présent que depuis moins de deux ans à la date de l'acte en cause. Par ailleurs, le préfet soutient que M. C... n'est pas dépourvu de toutes attaches familiales dans son pays d'origine en relevant que le jugement supplétif tenant lieu d'acte de naissance a été demandé par son père alors que l'intéressé faisait valoir que celui-ci était décédé. Pour sa part, l'intéressé affirmait, sans l'établir, que ce jugement avait été obtenu par son oncle, frère de son père qui porte les mêmes nom et prénom que son père et s'est remarié avec la mère de l'intéressé et qu'il n'avait pas de lien avec sa famille, B... tenu de ces éléments et de la faible durée de son séjour en France, le préfet, qui dispose en la matière, ainsi qu'il a été dit, d'un large pouvoir d'appréciation est fondé à soutenir que sa décision de refus de titre n'est pas entachée d'erreur manifeste d'appréciation. Il résulte de ce qui précède que c'est à tort que le tribunal administratif de Rouen s'est fondé, pour annuler la décision du préfet de la Seine-Maritime du 13 février 2020, sur ce motif d'erreur manifeste d'appréciation. Il appartient toutefois à la cour ; saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel d'examiner les autres moyens soulevés par M. C... tant devant le tribunal administratif de Rouen que devant la cour.
Sur les autres moyens invoqués par M. C... :
5. Il ressort des termes de la décision comme des pièces du dossier que, le préfet s'est uniquement fondé pour refuser le titre sollicité sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-15 précité, sur les liens avec sa famille restée dans son pays d'origine et sur la réalité du suivi de sa formation. Or, M. C... a été accueilli par l'aide sociale à l'enfance depuis son arrivée et bénéficiait toujours, au titre de la protection jeune majeur, d'un suivi par une structure d'accueil, dont l'avis était d'ailleurs transmis à l'appui de la demande de l'intéressé. Alors que ni l'acte en cause, ni aucun élément du dossier n'atteste que le préfet ait pris en B... cet avis, ce dernier a ainsi commis une erreur de droit comme le soutient M. C.... Si le préfet fait valoir en cause d'appel que les conditions d'entrée en France qu'il était censé vérifier préalablement à l'appréciation globale de la situation de M. C... n'étaient pas remplies, un tel motif ne figure pas dans l'acte en cause et le préfet n'a pas demandé de substitution de motifs à la juridiction qui ne peut y procéder d'office. Dès lors, M. C... est fondé à soutenir que l'arrêté est entaché d'une erreur de droit et doit être annulé.
6. L'annulation de la décision de refus de titre emporte par voie de conséquence l'annulation des autres décisions contenues dans l'arrêté du 13 février 2020 d'obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et de fixation du pays de destination qui n'auraient pu être légalement prises en l'absence de l'acte annulé.
7. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de la Seine-Maritime n'est pas fondé à se plaindre que c'est à tort que le tribunal administratif de Rouen a annulé son arrêté en date du 13 février 2020. Par suite, sa requête est rejetée.
8. M. C... a été maintenu au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que le conseil de M. C..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État, de mettre à la charge de l'Etat le versement à la société d'exercice libéral à responsabilité limitée Mary et Inquimbert, la somme de 1 000 euros.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête du préfet de la Seine-Maritime est rejetée.
Article 2 : L'Etat versera à la société d'exercice libéral à responsabilité limitée Mary et Inquimbert, la somme de 1 000 euros au titre des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur, à la société d'exercice libéral à responsabilité limitée Mary et Inquimbert pour M. A... C....
Copie en sera adressée pour information au préfet de la Seine-Maritime.
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N° 20DA01259