Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 7 mai 2021, M. A..., représenté par Me Charles, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler l'arrêté du 18 décembre 2020 par lequel la préfète de la Somme a refusé de l'admettre au séjour, l'a obligé à quitter le territoire français et a fixé le pays de destination ;
3°) d'enjoindre à la préfète de la Somme de lui délivrer un certificat de résidence algérien sur le fondement de l'article 6-1 ou 6-5 de l'accord franco-algérien, dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ; à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation et de le munir, dans l'attente, d'une autorisation provisoire de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le jugement attaqué méconnaît le principe du contradictoire ;
- l'arrêté litigieux est insuffisamment motivé ;
- il est entaché d'un défaut d'examen de sa situation ;
- il méconnaît les stipulations de l'article 6, paragraphe 5, de l'accord franco-algérien et celles de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- il méconnaît la circulaire du ministre de l'intérieur du 28 novembre 2012 ;
- il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de ses conséquences sur sa situation personnelle.
Par une décision du 9 novembre 2021, la clôture de l'instruction a été fixée au 15 décembre 2021.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus, au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Nil Carpentier-Daubresse, premier conseiller,
- et les observations de Me Charles pour M. A... et de M. A....
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant algérien né en 1983, est entré en France le 19 septembre 2009 muni d'un visa de long séjour étudiant. Il a bénéficié d'un certificat de résidence algérien portant la mention " étudiant " puis a fait l'objet, par le préfet de Haute-Garonne, d'un arrêté du 19 décembre 2012 portant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours. Les 26 septembre 2019 et 14 janvier 2020, il a sollicité son admission exceptionnelle au séjour en qualité de conjoint d'un étranger en situation régulière. Par un arrêté du 18 décembre 2020, la préfète de la Somme a refusé de l'admettre au séjour, l'a obligé à quitter le territoire français et a fixé le pays de destination. M. A... relève appel du jugement du 6 avril 2021 par lequel le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté préfectoral du 18 décembre 2020.
Sur la régularité du jugement :
2. Aux termes de l'article R. 613-2 du code de justice administrative : " Si le président de la formation de jugement n'a pas pris une ordonnance de clôture, l'instruction est close trois jours francs avant la date de l'audience indiquée dans l'avis d'audience (...) ".
3. Il ressort des pièces du dossier que, par une ordonnance du 10 mars 2021, le vice-président du tribunal administratif d'Amiens a rouvert l'instruction de l'affaire, qui était clôturée depuis le 16 février 2021, et que le mémoire en défense de la préfète de la Somme a été communiqué, le 11 mars 2021, à M. A.... L'audience de cette affaire étant prévue le 16 mars 2021, la clôture de l'instruction est intervenue, en vertu de l'article R. 613-2 du code de justice administrative, le 12 mars 2021 à minuit. Il ressort des pièces du dossier que M. A... a produit un mémoire en réplique le 12 mars 2021, avant la clôture de l'instruction, dans lequel il mentionne expressément ne pas solliciter le report de l'audience. Dans ces conditions, et alors que l'intéressé n'indique pas quels éléments il n'aurait pu, eu égard au bref délai qui lui a été imparti, effectivement faire valoir dans ses observations en réplique, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il aurait été préjudicié à ses droits. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance du principe du contradictoire de l'instruction doit, dans les circonstances de l'espèce, être écarté.
Sur le bien-fondé du jugement :
4. En premier lieu, l'arrêté attaqué comporte l'énoncé suffisamment précis des motifs de droit et des considérations de fait sur lesquels la préfète de la Somme s'est fondée. En particulier, contrairement à ce que soutient M. A..., celle-ci pouvait régulièrement prendre en compte l'ensemble des éléments de fait existant à la date de l'arrêté attaqué et notamment l'opposition à mariage dont il avait fait l'objet en 2015. En outre, l'arrêté en litige mentionne le mariage de l'intéressé avec Mme C..., en situation régulière, le 20 juillet 2019, de sorte que l'absence d'une mention concernant une communauté de vie antérieure ainsi que la grossesse de trois mois de sa femme à la date de l'arrêté en litige ne saurait permettre d'estimer que celui-ci serait insuffisamment motivé. Par suite, ce moyen doit être écarté.
5. En deuxième lieu, l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile prévoit qu'une carte de séjour temporaire peut être délivrée à l'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir. Cet article, dès lors qu'il est relatif aux conditions dans lesquelles les étrangers peuvent être admis à séjourner en France, ne s'applique pas aux ressortissants algériens, dont la situation est régie de manière exclusive par l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968. Cependant, bien que cet accord ne prévoie pas de semblables modalités d'admission exceptionnelle au séjour, un préfet peut délivrer un certificat de résidence à un ressortissant algérien qui ne remplit pas l'ensemble des conditions auxquelles est subordonnée sa délivrance de plein droit et il dispose à cette fin d'un pouvoir discrétionnaire pour apprécier, compte tenu de l'ensemble des éléments de la situation personnelle de l'intéressé, l'opportunité d'une mesure de régularisation.
6. Il ressort des pièces du dossier que M. A... a rempli un formulaire de demande de titre de séjour, le 14 janvier 2020, intitulé " demande d'admission exceptionnelle au séjour - conjoint d'étranger en situation régulière ". Dans ces conditions et alors qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que l'intéressé aurait expressément formulé une demande de titre de séjour sur le fondement des articles 6-1 et 6-5 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, la préfète de la Somme a pu régulièrement apprécier la demande de titre de séjour de l'intéressé à l'aune de son pouvoir discrétionnaire de régularisation conformément à ce qui a été dit au point précédent. Par ailleurs, il ne ressort pas des pièces du dossier que la préfète n'aurait pas procédé à un examen particulier de la situation de M. A.... Par suite, ce moyen doit être écarté.
7. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance (...) ". Aux termes de l'article 6 de l'accord-franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié : " Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : / (...) 5. Au ressortissant algérien qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus ".
8. Il ressort des pièces du dossier que, si M. A... se prévaut de son mariage, le 20 juillet 2019, avec Mme C..., ressortissante algérienne, titulaire d'un certificat de résidence d'un an délivré le 4 avril 2019 et renouvelé jusqu'au 3 avril 2021, ainsi que de la grossesse de celle-ci de trois mois à la date de l'arrêté en litige, il n'établit pas l'ancienneté de la communauté de vie avec celle-ci antérieurement à son mariage en se bornant à produire des quittances de loyer, des factures de téléphonie/internet et des factures d'électricité. Par ailleurs, si le requérant se prévaut d'une présence sur le territoire français depuis le 19 septembre 2009, il ressort des pièces du dossier qu'il a fait l'objet d'une précédente mesure d'éloignement le 19 décembre 2012. En outre, il ressort des pièces du dossier, notamment du jugement du 23 novembre 2015 du tribunal de grande instance de Saint-Etienne, qu'il a été débouté de sa demande de mainlevée de l'opposition à mariage avec une ressortissante française, formée par le procureur de la République le 10 avril 2015, au motif que le projet matrimonial et familial n'était pas caractérisé et que le but poursuivi visait à permettre la régularisation de la situation administrative de M. A.... Par suite, eu égard notamment aux conditions de son séjour en France, de sa communauté de vie récente avec Mme C... à la date de l'arrêté en litige et alors que l'intéressé a vécu jusqu'à l'âge de vingt-six ans en Algérie, l'arrêté contesté n'a pas porté au droit au respect de la vie privée et familiale de M. A... une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels il a été pris. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et, en tout état de cause, de celles de l'article 6-5 de l'accord franco-algérien doit être écarté.
9. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 312-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Font l'objet d'une publication les instructions, les circulaires ainsi que les notes et réponses ministérielles qui comportent une interprétation du droit positif ou une description des procédures administratives. Les instructions et circulaires sont réputées abrogées si elles n'ont pas été publiées, dans des conditions et selon des modalités fixées par décret. / Un décret en Conseil d'Etat pris après avis de la commission mentionnée au titre IV précise les autres modalités d'application du présent article ". Aux termes de l'article L. 312-3 du même code : " Toute personne peut se prévaloir des documents administratifs mentionnés au premier alinéa de l'article L. 312-2, émanant des administrations centrales et déconcentrées de l'Etat et publiés sur des sites internet désignés par décret. / Toute personne peut se prévaloir de l'interprétation d'une règle, même erronée, opérée par ces documents pour son application à une situation qui n'affecte pas des tiers, tant que cette interprétation n'a pas été modifiée. / (...) ". Aux termes de l'article D. 312-11 : " Les sites internet mentionnés au premier alinéa de l'article L. 312-3 sont les suivants : / (...) www.interieur.gouv.fr ; (...) ". Aux termes de l'article R. 312-10 : " Les sites internet sur lesquels sont publiés les documents dont toute personne peut se prévaloir dans les conditions prévues à l'article L. 312-3 précisent la date de dernière mise à jour de la page donnant accès à ces documents ainsi que la date à laquelle chaque document a été publié sur le site. / Ces sites comportent, sur la page donnant accès aux documents publiés en application de l'article L. 312-3, la mention suivante : " Conformément à l'article L. 312-3 du code des relations entre le public et l'administration, toute personne peut se prévaloir de l'interprétation d'une règle, même erronée, opérée par les documents publiés sur cette page, pour son application à une situation qui n'affecte pas des tiers, tant que cette interprétation n'a pas été modifiée, sous réserve qu'elle ne fasse pas obstacle à l'application des dispositions législatives ou réglementaires préservant directement la santé publique, la sécurité des personnes et des biens ou l'environnement ". / (...) ".
10. Il résulte des dispositions précitées que, pour être opposable, une circulaire du ministre de l'intérieur adressée aux préfets doit faire l'objet d'une publication sur le site www.interieur.gouv.fr par le biais d'une insertion dans la liste définissant les documents opposables et comportant les mentions prescrites à l'article R. 312-10, et doit comporter un lien vers le document intégral publié sur le site " Légifrance.gouv.fr ", site relevant du Premier ministre.
11. La circulaire du 28 novembre 2012 du ministre de l'intérieur relative aux conditions d'examen des demandes d'admission au séjour déposées par des ressortissants étrangers en situation irrégulière dans le cadre des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'a pas été publiée dans les conditions prévues au point 9. Si elle a fait l'objet d'une mise en ligne sur le site Légifrance le 1er avril 2019, elle ne figure toutefois pas parmi la liste des documents opposables. Sa publication ne comporte ainsi aucune date de déclaration d'opposabilité. En outre, les énonciations de la circulaire du 28 novembre 2012 constituent des orientations générales que le ministre de l'intérieur a adressées aux préfets pour les éclairer dans la mise en œuvre de leur pouvoir de régularisation. Par suite, M. A... ne saurait utilement se prévaloir de cette circulaire.
12. En dernier lieu, pour les mêmes motifs que ceux mentionnés au point 8, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'arrêté en litige serait entaché d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de M. A.... Par suite, ce moyen doit être écarté.
13. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 18 décembre 2020 par lequel la préfète de la Somme a refusé de l'admettre au séjour, l'a obligé à quitter le territoire français et a fixé le pays de destination. Par suite, sa requête doit être rejetée, y compris ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte ainsi que celles présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée à la préfète de la Somme.
Délibéré après l'audience publique du 10 mars 2022 à laquelle siégeaient :
- Mme Ghislaine Borot, présidente de chambre,
- M. Marc Lavail Dellaporta, président-assesseur,
- M. Nil Carpentier-Daubresse, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 24 mars 2022.
Le rapporteur,
Signé : N. Carpentier-Daubresse
La présidente de chambre,
Signé : G. Borot
La greffière,
Signé : C. Huls-Carlier
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme
La greffière,
Chloé Huls-Carlier
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N°21DA01015
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