Par un second jugement n°1803805 du 10 janvier 2019, le tribunal administratif de Rouen a rejeté le surplus des conclusions de cette demande tendant à l'annulation de la décision lui refusant la délivrance du titre de séjour.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 8 février 2019, M.B..., représenté par Me C..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 10 janvier 2019 ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 14 juin 2018 en ce qu'il refuse de lui délivrer un titre de séjour ;
3°) à titre principal, d'enjoindre au préfet de l'Eure, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à l'expiration d'un délai d'un mois à compter de la date de notification de l'arrêt à intervenir, de lui délivrer une carte de séjour temporaire valable un an et portant la mention " vie privée et familiale " ;
4°) à titre subsidiaire, d'enjoindre au préfet de l'Eure, sous la même astreinte par jour de retard à l'expiration d'un délai de huit jours à compter de la date de notification de l'arrêt à intervenir, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans l'attente d'un nouvel examen de sa situation ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant signé à New York le 26 janvier 1990 ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Jean-François Papin, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B...de nationalité sierra léonaise, né le 20 août 1977, déclare être entré en France irrégulièrement le 20 août 2012. Sa demande d'asile a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 17 juillet 2013, confirmée par la Cour nationale du droit d'asile le 22 juillet 2014. M. B...a fait l'objet, le 21 août 2014, d'un premier arrêté lui refusant la délivrance d'un titre de séjour et l'obligeant à quitter le territoire français. Le 14 novembre 2017, il a sollicité un titre de séjour portant la mention " salarié ", sur le fondement de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 14 juin 2018, le préfet de l'Eure a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de cette mesure. Par un autre arrêté du 9 octobre 2018, le préfet de l'Eure l'a assigné à résidence dans ce département. M. B...a demandé au tribunal administratif de Rouen l'annulation, pour excès de pouvoir, de l'ensemble des décisions contenues dans ces deux arrêtés et de faire injonction, sous astreinte, au préfet de l'Eure de l'admettre au séjour. Par un premier jugement du 12 octobre 2018, le tribunal administratif de Rouen a rejeté les conclusions de cette demande tendant à l'annulation des décisions l'obligeant à quitter le territoire, fixant le pays de destination de cette mesure et l'assignant à résidence. M. B...relève appel d'un second jugement, du 10 janvier 2019, par lequel le tribunal administratif de Rouen a rejeté le surplus des conclusions de sa demande, tendant à l'annulation de la décision lui refusant la délivrance du titre de séjour.
Sur la régularité du jugement :
2. Le requérant allègue que les premiers juges auraient omis de se prononcer sur les moyens tirés de ce que la décision du refus de titre de séjour méconnaîtrait les dispositions du 7° de l'article L.313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que les stipulations de l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Toutefois, il ressort des mentions du jugement du 10 janvier 2019 dont il est relevé appel que le tribunal a expressément écarté ces deux moyens. Si le motif correspondant, énoncé au point 6 du jugement, précise à tort que ces moyens sont dirigés contre la décision faisant obligation de quitter le territoire français à M. B..., il ressort des pièces du dossier que le tribunal administratif de Rouen n'était, à la date de ce jugement, plus saisi de la légalité de cette mesure d'éloignement, sur laquelle il avait précédemment statué par un jugement distinct, et que seule la légalité de la décision de refus de séjour demeurait en litige. Dans ces conditions, la mention de l'obligation de quitter le territoire français en lieu et place du refus de séjour doit être regardée comme résultant d'une simple erreur de plume dépourvue, par elle-même, d'incidence sur la régularité du jugement attaqué.
En ce qui concerne le refus de titre de séjour :
3. Il résulte de l'examen des motifs de l'arrêté du 14 juin 2018 en litige que ceux-ci, qui ne se limitent pas à reprendre des formules préétablies, énoncent les considérations de droit et de fait qui constituent le fondement du refus de séjour prononcé à l'égard de M.B.... Le préfet de l'Eure, qui n'avait pas à faire mention de toutes les circonstances de fait caractérisant la situation de l'intéressé, a cité les éléments pertinents dont il avait connaissance et qui fondent sa décision. Par suite, cette décision, dont les mentions permettent à son destinataire d'en comprendre les motifs à sa seule lecture, doit être regardée comme suffisamment motivée.
4. Eu égard notamment à ce qui vient d'être dit au point précédent, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de l'Eure ne se serait pas livré à un examen particulier de la situation de M. B...avant de refuser de lui délivrer un titre de séjour.
5. Aux termes des dispositions du 7° de l'article L.313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors en vigueur : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. (...) ". Et aux termes des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".
6. Le requérant fait état de ce qu'il vit maritalement avec une compatriote dont la demande d'asile serait en cours d'examen et avec laquelle il a eu une fille née le 27 janvier 2018 à Vernon. Toutefois, en tenant même pour établie la réalité de cette vie commune, celle-ci présenterait, selon les termes mêmes de l'attestation émise le 10 août 2018 par la compagne de M.B..., un caractère récent, puisque datant au plus d'un an et demi à la date à laquelle l'arrêté contesté du 14 juin 2018 a été pris. En outre, la compagne de M.B..., qui possède la même nationalité que lui, ne pouvait se prévaloir, à la date de l'arrêté en litige, d'un droit à se maintenir durablement sur le territoire français. Par suite, il n'est pas établi que des circonstances particulières feraient obstacle à ce qu'ils puissent poursuivre leur vie familiale avec leur fille en Sierra Leone, où M. B...n'est pas dépourvu d'attaches familiales proches pour avoir lui-même vécu jusqu'à l'âge de trente-cinq ans et où résident cinq de ses enfants, dont certains sont encore mineurs, ainsi que ses parents et des frères et soeurs. Dans ces circonstances et eu égard aux conditions et à l'ancienneté relative du séjour de M. B..., qui s'est maintenu irrégulièrement sur le territoire français en dépit d'une précédente mesure d'éloignement exécutoire, la décision refusant de lui délivrer un titre de séjour n'a pas porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels cet acte a été pris. Elle n'a, dès lors, pas été prise en méconnaissance des dispositions précitées du 7° de l'article L.313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ni des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
7. Aux termes des stipulations du paragraphe 1er de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant : " " Dans toutes les décisions concernant les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. ". Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant. Ces stipulations sont applicables non seulement aux décisions qui ont pour objet de régler la situation personnelle d'enfants mineurs mais aussi à celles qui ont pour effet d'affecter, de manière suffisamment directe et certaine, leur situation.
8. Ainsi qu'il a été dit au point 6, M. B...n'avance aucune circonstance qui ferait obstacle à ce qu'il poursuive sa vie familiale avec sa fille et la mère de celle-ci en Sierra Leone, où il a conservé des attaches familiales proches. Par suite, le préfet de l'Eure n'a pas tenu insuffisamment compte de l'intérêt supérieur de la fille de M. B...avant d'opposer à ce dernier un refus de séjour qui, par lui-même, n'implique pas la séparation de l'intéressé et de celle-ci. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance du paragraphe 1er de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doit être écarté.
9. Enfin, si M. B...soutient que, pour refuser de régulariser sa situation administrative dans le cadre du pouvoir discrétionnaire qui lui est reconnu, le préfet de l'Eure aurait commis d'erreur manifeste d'appréciation, il n'a pas assorti ce moyen de précisions suffisantes pour permettre à la cour d'en apprécier le bien-fondé
10. Il résulte de tout ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement du 10 janvier 2019, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande. Les conclusions à fin d'injonction, assorties d'astreinte, et celle présentée sur le fondement des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique doivent, par voie de conséquence, être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. B...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...B..., au ministre de l'intérieur et à Me C....
Copie en sera transmise au préfet de l'Eure.
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N°19DA00310