Procédure devant la cour :
I. Par une requête et un mémoire enregistrés les 12 avril et 18 octobre 2018, sous le n° 18DA00755, M. A...D..., représenté par MeC..., demande à la cour :
1°) d'annuler cette ordonnance du 27 mars 2018 ;
2°) de renvoyer, à titre principal, l'affaire devant le tribunal administratif de Lille ;
3°) d'annuler, à titre subsidiaire, l'arrêté du 27 février 2018 du préfet du Nord qui lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire à compter de son élargissement de l'établissement pénitentiaire dans lequel il est incarcéré, a fixé le pays de destination et l'a interdit de retour sur le territoire français pendant une durée d'un an ;
4°) d'enjoindre au préfet du Nord de procéder au réexamen de sa situation et, dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros en application de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991, cette condamnation valant renonciation au versement de l'aide juridictionnelle, ou à titre subsidiaire en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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II. Par une requête enregistrée le 18 octobre 2018 sous le n° 18DA02094, M.D..., représenté par MeB..., demande à la cour :
1°) de prononcer sur le fondement de l'article R.811-17 du code de justice administrative, la suspension de l'exécution de l'ordonnance du vice-président du tribunal administratif de Lille du 27 mars 2018 ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
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Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- la Constitution, notamment son Préambule et son article 61-1 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- la décision du Conseil constitutionnel n° 2018-709 QPC du 1er juin 2018 ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Rodolphe Féral, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A...D..., ressortissant béninois né le 18 mars 1986, était détenu dans un établissement pénitentiaire à la suite de sa condamnation par la cour d'appel de Paris à une peine de deux ans d'emprisonnement. L'intéressé par deux requêtes relève appel de l'ordonnance du 27 mars 2018 du vice-président du tribunal administratif de Lille et demande de suspendre l'exécution de l'ordonnance en question qui a rejeté comme tardive sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 27 février 2018 du préfet Nord qui lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire à compter de son élargissement de l'établissement pénitentiaire dans lequel il est incarcéré, a fixé le pays de destination et l'a interdit de retour sur le territoire français pendant une durée d'un an.
Sur la jonction :
2. Les requêtes visées ci-dessus sont dirigées contre la même ordonnance. Il y a donc lieu de les joindre pour qu'il y soit statué par une seule décision.
Sur l'ordonnance attaquée :
3. Aux termes de l'article L. 521-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction applicable au litige : " (...) II. L'étranger qui fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire sans délai peut, dans les quarante-huit heures suivants sa notification administrative, demander au président du tribunal administratif l'annulation de cette décision, ainsi que l'annulation de la décision relative au séjour, de la décision refusant un délai de départ volontaire, de la décision mentionnant le pays de destination et de la décision d'interdiction de retour sur le territoire français qui l'accompagnent le cas échéant. / Il est statué sur ce recours selon la procédure et dans les délais prévus, selon les cas, aux I ou I bis. Toutefois, si l'étranger est placé en rétention en application de l'article L. 551-1 ou assigné à résidence en application de l'article L. 561-2, il est statué selon la procédure et dans le délai prévu au III du présent article. / III. - En cas de placement en rétention en application de l'article L. 551-1, l'étranger peut demander au président du tribunal administratif l'annulation de l'obligation de quitter le territoire français, de la décision refusant un délai de départ volontaire, de la décision mentionnant le pays de destination et de la décision d'interdiction de retour sur le territoire français ou d'interdiction de circulation sur le territoire français qui l'accompagnent le cas échéant, dans un délai de quarante-huit heures à compter de leur notification, lorsque ces décisions sont notifiées avec la décision de placement en rétention. (...) Le président du tribunal administratif ou le magistrat qu'il désigne à cette fin parmi les membres de sa juridiction ou les magistrats honoraires inscrits sur la liste mentionnée à l'article L. 222-2-1 du code de justice administrative statue au plus tard soixante-douze heures à compter de sa saisine. Il peut se transporter au siège de la juridiction judiciaire la plus proche du lieu où se trouve l'étranger si celui-ci est retenu en application de l'article L. 551-1 du présent code. (...) IV.-Lorsque l'étranger est en détention, il est statué sur son recours selon la procédure prévue au III. Dès la notification de l'obligation de quitter le territoire français, l'étranger est informé, dans une langue qu'il comprend, qu'il peut demander l'assistance d'un interprète ainsi que d'un conseil. ". Et aux termes de l'article L. 512-2 du même code : " Dès notification de l'obligation de quitter le territoire français, l'étranger auquel aucun délai de départ volontaire n'a été accordé est mis en mesure, dans les meilleurs délais, d'avertir un conseil, son consulat ou une personne de son choix. L'étranger est informé qu'il peut recevoir communication des principaux éléments des décisions qui lui sont notifiées en application de l'article L. 511-1 ".
4. Dans sa décision n° 2018-709 QPC du 1er juin 2018, le Conseil constitutionnel a déclaré les mots " et dans les délais " figurant à la première phrase du paragraphe IV de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, précité, contraire à la Constitution. Il résulte de cette déclaration d'inconstitutionnalité prononcée avec effet immédiat à compter de sa date de publication, soit le 1er juin 2018, et applicable à toutes les instances non jugées à cette date, que les étrangers en détention disposent des délais de droit commun définis en matière d'obligation de quitter le territoire national aux articles L. 512-1 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour introduire leur requête devant le tribunal administratif. Ainsi, l'obligation de quitter le territoire français non assortie, comme en l'espèce, d'un délai de départ volontaire doit, en application du II de l'article L. 512-1 précité, être contestée dans un délai de quarante huit heures, le juge disposant alors d'un délai de trois mois ou de six semaines selon les cas pour statuer. Par suite, le vice-président du tribunal administratif de Lille a pu à bon droit se fonder sur ces dispositions du II de l'article L. 512-1 pour apprécier le délai de recours dont disposait M. D...pour contester l'obligation de quitter le territoire français qui lui avait été notifié, alors même qu'il était en détention.
5. M. D...soutient également que l'ordonnance attaquée, en retenant qu'il disposait d'un délai de 48 heures pour présenter sa requête au tribunal, a méconnu son droit à un recours effectif ainsi que la décision précitée du 1er juin 2018 du conseil constitutionnel. Cependant, M. D... n'établit ni même n'allègue que les conditions matérielles de sa détention ou que les conditions de notification de l'arrêté du 27 février 2018 du préfet Nord pouvaient justifier qu'il n'ait pas été en mis en mesure d'avertir dans les meilleurs délais un conseil, son consulat ou une personne de son choix conformément aux dispositions de l'article L. 512-2 précité à compter de cette notification, le 1er mars 2018 et présenter sa demande au greffe du tribunal administratif de Lille dans un délai de 48 heures. En outre, ainsi qu'il a été dit au point précédent, le Conseil constitutionnel par sa décision n° 2018-709 QPC s'est borné à déclarer non conforme à la Constitution les mots " et dans les délais " figurant à la première phrase du IV de l'article L. 512-1, mais ne s'est pas prononcé sur les dispositions du II de ce même article et n'a pas retenu à l'appui de sa décision qu'un délai de 48 heures laissé à un détenu pour présenter un recours méconnaîtrait en lui-même le droit à un recours juridictionnel effectif. Au demeurant, le Conseil constitutionnel a par sa décision du 6 septembre 2018 n° 2018-770 DC jugé que l'article 24 de la loi n° 2018-778 pour une immigration maîtrisé, un droit d'asile effectif et une intégration réussie, qui modifie le IV de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en prévoyant que l'étranger détenu dispose d'un délai de 48 heures pour saisir le tribunal administratif lequel doit alors statuer dans un délai de trois mois, de six semaines ou de huit jours selon les cas, ne méconnaît pas le droit à un recours effectif. Par suite, M. D...n'est pas fondé à soutenir que le délai de 48 heures pour présenter sa requête au tribunal prévu par les dispositions du II de l'article L. 512-1 ne lui était pas opposable en ce qu'il méconnaitrait son droit à un recours effectif ainsi que la décision précitée du 1er juin 2018 du Conseil constitutionnel.
6. Il résulte des pièces du dossier que l'arrêté du préfet du Nord du 27 février 2018, qui comportait la mention des voies et délais de recours, a été notifié à M. D...le 1er mars 2018 alors qu'il se trouvait incarcéré à.la maison d'arrêt de Douai Ainsi, qu'il a été dit au point précédent, l'intéressé n'établit ni même n'allègue que les conditions matérielles de sa détention ou que les conditions de notification de cet arrêté du 27 février 2018 du préfet Nord auraient porté atteinte à son droit à un recours effectif. Par suite, la demande de M. D...tendant à l'annulation de cet arrêté, enregistrée le 7 mars 2018 au greffe du tribunal administratif de Lille était tardive.
7. Il résulte de tout ce qui précède que M. D...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, le vice-président du tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 27 février 2008 du préfet du Nord comme irrecevable pour tardiveté. Ses conclusions tendant au renvoi de l'affaire devant le tribunal administratif de Lille, à l'annulation de l'arrêté du 27 février 2018, à fin d'injonction et celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent par voie de conséquence être rejetées.
Sur les conclusions de la requête n° 18DA02094 :
8. Le présent arrêt rejetant les conclusions tendant à l'annulation de l'ordonnance du vice-président du tribunal administratif de Lille du 27 mars 2018, il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions de la requête n° 18DA02094 tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution de cette ordonnance. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de rejeter les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;
DÉCIDE :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de M. D...tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution de l'ordonnance n° 1801967 du 27 mars 2018.
Article 2 : Le surplus des conclusions de M. D...dans l'instance n° 18DA02094 et la requête n° 18DA00755 sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...D...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera transmise au préfet du Nord.
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N°18DA00755, 18DA02094