Par une requête, enregistrée le 14 août 2018, le préfet du Pas-de-Calais, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement ce jugement du 17 juillet 2018 ;
2°) de rejeter les conclusions de la demande de M. A...dirigées contre l'arrêté du 22 février 2018 par lequel il lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français, a refusé de lui accorder un délai de départ volontaire, a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement et lui a interdit le retour sur le territoire français pendant une durée d'un an.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Rodolphe Féral, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M.A..., ressortissant albanais né le 10 mars 1991, a présenté le 20 décembre 2016 une demande d'asile qui a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 23 février 2017, décision confirmée par la Cour nationale du droit d'asile le 13 juillet 2017. Par arrêté du 4 septembre 2017, le préfet du Pas-de-Calais a refusé de lui délivrer une carte de résident, l'a obligé à quitter le territoire français et a fixé le pays de destination. En raison de son état de santé M. A...a présenté le 19 septembre 2017 une demande auprès des services de la préfecture du Pas-de-Calais tendant à la délivrance d'un titre de séjour. Par arrêté du 22 février 2018, le préfet du Pas-de-Calais a rejeté cette demande, l'a obligé de quitter le territoire français, a refusé de lui accorder un délai de départ volontaire, a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement et lui a interdit le retour sur le territoire français pendant une durée d'un an. Le préfet du Pas-de-Calais relève appel du jugement du 17 juillet 2018 par lequel le tribunal administratif de Lille a fait droit à la demande de M. A...en annulant son arrêté du 22 février 2018.
Sur la régularité du jugement :
2. Pour annuler l'arrêté du 22 février 2018 du Préfet du Pas-de-Calais, le tribunal administratif, a considéré que le préfet n'ayant pas produit l'avis du collège de médecin de l'office français de l'immigration et de l'intégration visé dans l'arrêté attaqué, il n'apportait aucun élément de nature à établir la régularité des conditions dans lesquelles cet avis a été recueilli. Dans son mémoire enregistré au greffe du tribunal le 26 mars 2018, M. A...invoquait un moyen intitulé " incompétence de l'auteur de l'avis médical préalable " et soutenait à l'appui de ce moyen que " En l'espèce, compte tenu du défaut de production de l'avis médical servant de fondement à la décision querellée, ni son existence ni le respect de la procédure mise en place par les dispositions susvisées ne sont établies ". Ainsi, contrairement à ce que soutient le préfet du Pas-de-Calais, le tribunal a retenu un moyen d'annulation qui était invoqué par le requérant, peu important à cet égard la circonstance qu'incidemment le mémoire contenant ce moyen mentionne par erreur que le préfet du Nord et non celui du Pas-de-Calais n'aurait pas produit l'avis en question. Par suite, le moyen d'irrégularité du jugement doit être écarté.
Sur le moyen d'annulation retenu par le premier juge :
3. En vertu du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction issue de la loi du 7 mars 2016 relative au droit des étrangers en France, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est, sous réserve d'une menace pour l'ordre public, délivrée de plein droit à " l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. Les médecins de l'office accomplissent cette mission dans le respect des orientations générales fixées par le ministre chargé de la santé (...) ".
4. L'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose que : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé. / Les orientations générales mentionnées à la quatrième phrase du 11° de l'article L. 313-11 sont fixées par arrêté du ministre chargé de la santé ".
5. L'article R. 313-23 du même code dispose que : " Le rapport médical mentionné à l'article R. 313-22 est établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration à partir d'un certificat médical établi par le médecin qui suit habituellement le demandeur ou par un médecin praticien hospitalier inscrits au tableau de l'ordre, dans les conditions prévues par l'arrêté mentionné au deuxième alinéa de l'article R. 313-22. Le médecin de l'office peut solliciter, le cas échéant, le médecin qui suit habituellement le demandeur ou le médecin praticien hospitalier. Il en informe le demandeur. Il peut également convoquer le demandeur pour l'examiner et faire procéder aux examens estimés nécessaires. Le demandeur présente au service médical de l'office les documents justifiant de son identité. A défaut de réponse dans le délai de quinze jours, ou si le demandeur ne se présente pas à la convocation qui lui a été fixée, ou s'il n'a pas présenté les documents justifiant de son identité le médecin de l'office établit son rapport au vu des éléments dont il dispose et y indique que le demandeur n'a pas répondu à sa convocation ou n'a pas justifié de son identité. Il transmet son rapport médical au collège de médecins. / Sous couvert du directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration le service médical de l'office informe le préfet qu'il a transmis au collège de médecins le rapport médical. En cas de défaut de présentation de l'étranger lorsqu'il a été convoqué par le médecin de l'office ou de production des examens complémentaires demandés dans les conditions prévues au premier alinéa, il en informe également le préfet ; dans ce cas le récépissé de demande de première délivrance de carte de séjour prévu à l'article R. 311-4 n'est pas délivré. Lorsque l'étranger dépose une demande de renouvellement de titre de séjour, le récépissé est délivré dès la réception, par le service médical de l'office, du certificat médical mentionné au premier alinéa. / Le collège à compétence nationale, composé de trois médecins, émet un avis dans les conditions de l'arrêté mentionné au premier alinéa du présent article. La composition du collège et, le cas échéant, de ses formations est fixée par décision du directeur général de l'office. Le médecin ayant établi le rapport médical ne siège pas au sein du collège (...) / Le collège peut demander au médecin qui suit habituellement le demandeur, au médecin praticien hospitalier ou au médecin qui a rédigé le rapport de lui communiquer, dans un délai de quinze jours, tout complément d'information. Le demandeur en est simultanément informé. Le collège de médecins peut entendre et, le cas échéant, examiner le demandeur et faire procéder aux examens estimés nécessaires. Le demandeur présente au service médical de l'office les documents justifiant de son identité. Il peut être assisté d'un interprète et d'un médecin. Lorsque l'étranger est mineur, il est accompagné de son représentant légal. / L'avis est rendu par le collège dans un délai de trois mois à compter de la transmission par le demandeur des éléments médicaux conformément à la première phrase du premier alinéa. Lorsque le demandeur n'a pas présenté au médecin de l'office ou au collège les documents justifiant son identité, n'a pas produit les examens complémentaires qui lui ont été demandés ou n'a pas répondu à la convocation du médecin de l'office ou du collège qui lui a été adressée, l'avis le constate. / L'avis est transmis au préfet territorialement compétent, sous couvert du directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ".
6. Le préfet du Pas-de-Calais produit pour la première fois en appel l'avis du collège de médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. Il ressort des mentions portées sur cet avis qu'il a été rendu par trois médecins qui, par décision du directeur de l'Office français de l'immigration du 2 janvier 2018 modifiant la décision du 17 janvier 2017 portant désignation au collège de médecins à compétence nationale de l'office français de l'immigration et de l'intégration, ont été désignés pour participer au collège de médecins à compétence nationale. En conséquence, contrairement à ce que soutient le requérant, les auteurs de l'avis médical étaient compétents pour le rendre. Par ailleurs, dès lors que les médecins du collège ont estimé que l'état de santé de M. A...nécessitait une prise en charge médicale, mais que le défaut de cette prise en charge n'entrainerait pas pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, ils n'étaient pas tenus de se prononcer sur la disponibilité du traitement en Albanie. En conséquence, le moyen tiré du caractère incomplet de l'avis manque en fait. Par suite, le préfet du Pas-de-Calais est fondé à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont annulé l'arrêté en litige au motif que le préfet du Pas-de-Calais n'établissait pas la régularité de l'avis du collège de médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration.
7. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A...contre l'arrêté du 22 février 2018 devant le tribunal administratif de Lille.
Sur le refus de délivrance d'un titre de séjour :
8. M. A...fait valoir qu'il est gravement handicapé, qu'il a retrouvé une vie normale en France où il bénéficie d'un suivi médical dont il ne pourrait bénéficier en Albanie et qu'il ne représente pas une menace pour l'ordre public. Toutefois, il ressort des pièces du dossier qu'il est entré en France en 2016 à l'âge de vingt-cinq ans et avait, avant cette date, toujours vécu en Albanie. En outre, l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration indique que l'état de santé de M. A...nécessité une prise en charge médicale, mais que le défaut de prise en charge n'aurait pas pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité. Les documents produits, notamment médicaux, qui font état de ce qu'il a été atteint, dès la naissance, d'une paralysie totale de la main et d'une paralysie partielle de la jambe qui s'est améliorée ne permettent pas de remettre en cause l'avis du collège de médecin. Dès lors, l'intéressé ne peut utilement soutenir qu'un traitement ne serait pas disponible dans son pays d'origine. Par suite, en lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, le préfet du Pas-de-Calais n'a pas entaché d'erreur son appréciation au regard des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile citées au point 3. Pour les mêmes motifs, il n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle de M.A....
9. Il résulte de ce qui précède que M. A...n'est pas fondé à soutenir que la décision lui refusant la délivrance d'un titre de séjour serait illégale.
Sur l'obligation de quitter le territoire national :
10. Par un arrêté du 18 décembre 2017, publié le même jour au recueil des actes administratifs de la préfecture, le préfet du Pas-de-Calais a donné délégation à M.B..., directeur des migrations et de l'intégration, signataire des décisions portant obligation de quitter le territoire français, refusant l'octroi d'un délai de départ volontaire, fixant le pays de destination et interdisant le retour sur le territoire français. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de la décision attaquée manque en fait et doit être écarté.
11. Il résulte de ce qui a été dit au point 9 que M. A...n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de la décision lui refusant la délivrance d'un titre de séjour à l'encontre de la décision l'obligeant à quitter le territoire national.
12. Aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français (...) en application du présent chapitre : / (...) 10° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ".
13. Pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 8, le préfet du Pas-de-Calais, qui n'était pas tenu de se prononcer sur la possibilité de M. A...de bénéficier d'un traitement approprié dès lors qu'il n'est pas établi qu'un défaut de prise en charge aurait pour lui des conséquences d'une exceptionnelles gravité, n'a pas méconnu les dispositions citées au point précédent et n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation des conséquences sur la situation personnelle de l'intéressé.
Sur la décision refusant un délai de départ volontaire :
14. Aux termes du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : (...) / 3° S'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation. Ce risque peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : (...) d) Si l'étranger s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement (...). ".
15. Il ressort des pièces du dossier que M. A...a fait l'objet d'une mesure d'éloignement par arrêté du préfet du Pas-de-Calais du 4 septembre 2017, confirmée par jugement du tribunal administratif de Lille du 22 novembre 2017, mesure qu'il n'a pas exécutée. Ainsi, l'intéressé doit être regardé comme s'étant soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que le 30 août 2017, soit avant cette mesure d'éloignement ne soit édictée, l'intéressé a pris rendez-vous auprès des services de la préfecture du Pas-de-Calais pour déposer une demande de titre de séjour en raison de son état de santé. Cette demande, formulée le 19 septembre suivant, a été instruite par les services de la préfecture et rejetée par l'arrêté contesté dans la présente instance. Dans ces conditions, M. A... qui s'est maintenu sur le territoire national afin que puisse être instruite sa demande de titre de séjour doit être regardé comme justifiant d'une circonstance particulière au sens des dispositions précitées du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Dès lors, en refusant de lui accorder un délai de départ volontaire pour s'être soustrait à l'exécution d'une mesure d'éloignement, le préfet, qui n'invoque aucun autre motif qui aurait justifié ce refus de délai de départ volontaire, a méconnu les dispositions du 3° du II de l'article L. 511-1 citées au point précédent. Par suite, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens invoqués à l'encontre de la décision refusant un délai de départ volontaire, M. A... est fondé à demander l'annulation de cette décision.
Sur l'interdiction de retour :
16. Aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction applicable au litige : " (...) III. - L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de sa notification, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger ou lorsque l'étranger n'a pas satisfait à cette obligation dans le délai imparti. / Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative ne prononce pas d'interdiction de retour... ".
17. Il ressort des termes mêmes de la décision attaquée que le préfet du Pas-de-Calais, pour prononcer à l'encontre de M. A...une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an s'est fondé sur l'unique motif qu'aucun délai de départ volontaire ne lui avait été accordé. Dès lors que la décision refusant au requérant un délai de départ volontaire est illégale, ainsi qu'il a été dit au point 12, M. A...est fondée à soutenir que la décision lui faisant interdiction de retour est en conséquence elle-même illégale et par suite, à en demander l'annulation.
Sur les conclusions aux fins d'injonction :
18. Le présent arrêt qui annule les décisions refusant à M. A...un délai de départ volontaire et lui faisant interdiction de retour sur le territoire français pendant un délai d'un an n'implique aucune mesure d'exécution. Par suite, les conclusions présentées par M. A...tendant à ce que le préfet lui délivre un titre de séjour ou lui délivre une autorisation provisoire de séjour le temps du réexamen de sa demande ne peuvent qu'être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du 17 juillet 2018 du tribunal administratif de Lille est annulé.
Article 2 : L'arrêté du préfet du Pas-de-Calais du 22 février 2018 est annulé en tant qu'il refuse à M. A...un délai de départ volontaire et lui interdit le retour sur le territoire français pendant une durée d'un an.
Article 3 : Le surplus des conclusions présentées par M. A...en première instance est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. C...A...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera transmise au préfet du Pas-de-Calais
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N°18DA01721