Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 15 décembre 2017, Mme B...épouseC..., représentée par Me Matrand, avocate, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler cet arrêté du préfet de l'Eure du 28 février 2017 ;
3°) d'enjoindre au préfet de l'Eure, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à l'expiration d'un délai d'un mois à compter de la date de notification de l'arrêt à intervenir, de lui délivrer un titre de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant, signée à New-York le 26 janvier 1990 ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Jean-François Papin, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.
Une note en délibéré, présentée par le préfet de l'Eure, a été enregistrée le 19 décembre 2018.
Considérant ce qui suit :
1. Mme B...épouseC..., ressortissante russe née le 3 septembre 1989, est entrée sur le territoire français le 5 mars 2014 dans des conditions irrégulières, en compagnie de son époux et de leur fille, née le 24 mai 2009. Elle a formé une demande d'asile qui a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 9 décembre 2014 confirmée par la Cour nationale du droit d'asile le 8 décembre 2015. Elle a alors sollicité du préfet de l'Eure son admission au séjour au titre de la vie privée et familiale, en faisant état de ce que son conjoint rencontrait des difficultés de santé et de la scolarisation de leur fille. Par un arrêté du 22 février 2016, le préfet de l'Eure a refusé de faire droit à cette demande et a fait obligation à Mme B...épouse C...de quitter le territoire français. Toutefois, cet arrêté ayant été annulé par le tribunal administratif de Rouen, le préfet de l'Eure s'est livré à un nouvel examen de la situation de l'intéressée, avant d'opposer un nouveau refus à sa demande, par un arrêté du 28 février 2017, qui fait également obligation à Mme B...de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixe le pays à destination duquel elle pourra être reconduite d'office. Mme B... relève appel du jugement du 3 octobre 2017 par lequel le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ce second arrêté et à ce qu'il soit fait injonction, sous astreinte, au préfet de l'Eure de lui délivrer un titre de séjour.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Aux termes de l'article R. 741-7 du code de justice administrative : " Dans les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, la minute de la décision est signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience ". En outre, aux termes de l'article R. 741-8 de ce code : " Si le président de la formation est rapporteur, la minute est signée, en outre, par l'assesseur le plus ancien dans l'ordre du tableau. / (...) ".
3. Mme B...soutient que le jugement attaqué serait irrégulier pour ne pas comporter, en méconnaissance des dispositions précitées de l'article R. 741-7 du code de justice administrative, les signatures du président de la formation de jugement et du rapporteur, ni celle du greffier d'audience. Il résulte toutefois de l'examen de la minute de ce jugement, jointe au dossier de première instance transmis à la cour, que ce moyen manque en fait, le président de la formation de jugement, qui était aussi le rapporteur de l'affaire, comme le mentionne clairement l'en-tête de ce jugement, y ayant, conformément aux prescriptions, rappelées au point précédent, de l'article R. 741-8 de ce code, apposé sa signature, de même que l'assesseur le plus ancien et le greffier de l'audience.
4. La circonstance que la mention selon laquelle le rapporteur de l'affaire était aussi le président de la formation de jugement n'est pas reprise à l'emplacement réservé pour les signatures n'est pas de nature à entacher ce jugement d'irrégularité.
5. Il suit de là que le moyen tiré de l'irrégularité du jugement doit être rejeté.
Sur la légalité de l'arrêté en litige :
6. Il résulte de l'examen des motifs de l'arrêté du 28 février 2017 contesté que ceux-ci, qui ne se bornent pas à reprendre des formules préétablies, comportent l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement des décisions portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire français prises à l'égard de MmeB..., en précisant notamment que celle-ci est mariée et mère d'un enfant. Ainsi et alors même que ces motifs ne reprennent pas l'ensemble des éléments de fait caractérisant la situation de Mme B..., ils constituent, pour ces décisions, une motivation suffisante au regard des dispositions de l'article L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration. La circonstance que l'un des visas de cet arrêté serait erroné s'avère dépourvu d'incidence sur le caractère suffisant de cette motivation et, plus généralement d'ailleurs, sur la légalité de cet arrêté.
7. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction en vigueur à la date de l'arrêté du 28 février 2017 en litige : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : / (...) / 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. (...) ".
8. Comme il a été dit au point 1, Mme B...est entrée sur le territoire français le 5 mars 2014 dans des conditions irrégulières, en compagnie de son époux, qui est un compatriote, et de leur fille, née le 24 mai 2009. Elle soutient que son mari rencontre des difficultés de santé qui ont rendu nécessaire une prise en charge médicale et qui ont justifié qu'il sollicite une admission au séjour afin d'être autorisé à poursuivre en France les soins dont il fait l'objet. Toutefois, ainsi que Mme B...l'indique elle-même, cette demande était encore en cours d'examen à la date de l'arrêté du 28 février 2017. La circonstance que le conjoint de la requérante a bénéficié de la délivrance d'un récépissé de demande de titre de séjour n'est pas de nature à lui conférer un droit pérenne au séjour sur le territoire français. En outre, Mme B... n'établit pas qu'elle serait dépourvue d'attaches familiales dans son pays d'origine, dans lequel elle a vécu jusqu'à l'âge de vingt-quatre ans. Dans ces conditions, il ne ressort pas des pièces du dossier que des circonstances faisaient, à cette date, obstacle à ce que Mme B...poursuive, le cas échéant, dans son pays d'origine sa vie familiale avec son époux et leur fille, malgré la scolarisation de cette dernière en école primaire. Par suite, eu égard à la faible ancienneté et aux conditions irrégulières du séjour de Mme B...et en dépit de la volonté d'intégration qui serait la sienne, l'arrêté lui refusant la délivrance d'un titre de séjour et lui faisant obligation de quitter le territoire français n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris. Cet arrêté ne méconnaît, dès lors, pas les dispositions précitées de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Dans ces circonstances et malgré les efforts d'intégration qui seraient ceux de Mme C...et dont témoignerait la formation qu'elle a suivie afin de maîtriser la langue française, il n'est pas davantage établi que pour refuser de délivrer un titre de séjour à l'intéressée et pour lui faire obligation de quitter le territoire français, le préfet de l'Eure aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle de la requérante.
9. Pour les mêmes motifs que ceux qui viennent d'être énoncés au point précédent, la décision faisant obligation de quitter le territoire français à Mme B...n'a pas été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
10. Aux termes des stipulations du 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant. Ces stipulations sont applicables non seulement aux décisions qui ont pour objet de régler la situation personnelle d'enfants mineurs mais aussi à celles qui ont pour effet d'affecter, de manière suffisamment directe et certaine, leur situation.
11. S'il ressort des pièces du dossier que la fille de MmeB..., âgée de sept ans à la date de l'arrêté en litige, était inscrite, à cette date, en école primaire, il ne ressort pas des pièces du dossier, eu égard notamment à ce qui a été dit au point 8, que des circonstances particulières feraient obstacle à ce que celle-ci poursuive sa vie familiale avec ses parents, ainsi que sa scolarité, dans son pays d'origine. Ainsi, pour faire obligation à Mme B...de quitter le territoire français, le préfet de l'Eure n'a pas porté une attention insuffisante à l'intérêt supérieur de la fille de celle-ci, ni n'a méconnu les stipulations précitées du 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.
12. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande. Ses conclusions à fin d'injonction assorties d'astreinte et celles qu'elle présente au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique doivent, par voie de conséquence, être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme B...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A...B...épouseC..., au ministre de l'intérieur et à Me Matrand.
Copie en sera transmise au préfet de l'Eure.
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N°17DA02394
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