Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 17 avril 2018, M.C..., représenté par Me Pereira, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, les arrêtés du préfet de l'Aisne du 7 décembre 2017 ;
3°) d'enjoindre au préfet de l'Aisne d'enregistrer sans délai sa demande d'asile et de lui délivrer, dans un délai d'un mois à compter de la date de notification de l'arrêt à intervenir, une attestation de demande d'asile ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- le règlement (UE) n°604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Jean-François Papin, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M.C..., ressortissant érythréen né le 12 octobre 1991, a présenté, le 9 août 2017, une demande d'asile auprès des autorités françaises. Une consultation du fichier Eurodac ayant toutefois révélé que l'intéressé était connu des autorités italiennes, qui avaient prélevé ses empreintes digitales le 5 octobre 2016 à la suite de son entrée irrégulière sur le territoire italien, le préfet de l'Aisne a, par un arrêté du 7 décembre 2017, prescrit le transfert de M. C...vers l'Italie. Cette autorité a, en outre, par un arrêté du même jour, assigné l'intéressé à résidence dans le département de l'Aisne pour une durée de quarante-cinq jours. M. C...relève appel du jugement du 19 janvier 2018 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande tendant à l'annulation, pour excès de pouvoir, de ces arrêtés.
2. Aux termes de l'article 13 du règlement (UE) n°604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'État membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des États membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride : " 1. Lorsqu'il est établi, sur la base de preuves ou d'indices tels qu'ils figurent dans les deux listes mentionnées à l'article 22, paragraphe 3, du présent règlement, notamment des données visées au règlement (UE) n° 603/2013, que le demandeur a franchi irrégulièrement, par voie terrestre, maritime ou aérienne, la frontière d'un État membre dans lequel il est entré en venant d'un État tiers, cet État membre est responsable de l'examen de la demande de protection internationale. Cette responsabilité prend fin douze mois après la date du franchissement irrégulier de la frontière. / 2. Lorsqu'un État membre ne peut pas, ou ne peut plus, être tenu pour responsable conformément au paragraphe 1 du présent article et qu'il est établi, sur la base de preuves ou d'indices tels qu'ils figurent dans les deux listes mentionnées à l'article 22, paragraphe 3, que le demandeur qui est entré irrégulièrement sur le territoire des États membres ou dont les circonstances de l'entrée sur ce territoire ne peuvent être établies a séjourné dans un État membre pendant une période continue d'au moins cinq mois avant d'introduire sa demande de protection internationale, cet État membre est responsable de l'examen de la demande de protection internationale. ".
3. Il ressort des pièces du dossier que M. C...est entré dans l'espace européen en franchissant irrégulièrement les frontières italiennes, où ses empreintes digitales ont été prélevées le 5 octobre 2016. Par suite, le délai de douze mois suivant la date du franchissement irrégulier de la frontière, prévu par les dispositions précitées du 1 de l'article 13 du règlement (UE) n°604/2013, qui avait commencé à courir à compter du 5 octobre 2016, était expiré à la date à laquelle l'arrêté du 7 décembre 2017 a été pris. Dès lors, à la date de cet arrêté, l'Etat italien n'était plus responsable de l'examen de la demande de protection qu'avait formée M. C.... Au demeurant, il ressort également des pièces du dossier que l'intéressé s'est ensuite rendu en Allemagne, où il a déposé une demande de protection internationale, ainsi qu'en atteste le relevé issu du fichier Eurodac, qui indique que ses empreintes y ont été prélevées le 21 novembre 2016, un numéro d'identification commençant par le chiffre 1, correspondant à la situation des demandeurs d'asile, lui ayant été attribué. Dans ces conditions et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, M. C...est fondé à soutenir que l'arrêté du 7 décembre 2017 prescrivant son transfert en Italie a méconnu les dispositions précitées du 1 de l'article 13 du règlement (UE) n°604/2013. Par voie de conséquence, l'arrêté du même jour par lequel le préfet de l'Aisne l'a assigné à résidence dans l'attente de son départ à destination de l'Italie doit également être annulé.
4. Il résulte de tout ce qui précède que M. C...est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
5. Le présent arrêt, qui annule l'arrêté du préfet de l'Aisne du 7 décembre 2017 prescrivant le transfert de M. C...en Italie, au motif que cet Etat ne pouvait plus être légalement regardé, à la date de cet arrêté, comme responsable de l'examen de sa demande d'asile, n'implique nécessairement ni que les autorités françaises reconnaissent leur responsabilité pour procéder à cet examen, ni qu'elles enregistrent, en conséquence, la demande de l'intéressé comme pendante devant elles et lui délivrent l'attestation correspondante. Par suite, les conclusions à fin d'injonction que M. C...présente exclusivement à ces fins doivent être rejetées. Le présent arrêt implique, en revanche, que le préfet de l'Aisne procède, sauf si des circonstances nouvelles de droit et de fait y font obstacle, à un réexamen de la situation de l'intéressé, en mettant de nouveau en oeuvre la procédure de détermination de l'Etat responsable de sa demande d'asile selon les critères posés par le règlement (UE) n°604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013.
Sur les conclusions présentées au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :
6. M. C...a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Pereira, son avocate, renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée, de mettre à la charge de l'Etat la somme demandée de 1 000 euros.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du 19 janvier 2018 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif d'Amiens et les arrêtés du 7 décembre 2017 du préfet de l'Aisne prescrivant le transfert de M. C...en Italie et l'assignant à résidence dans le département de l'Aisne dans l'attente de son départ sont annulés.
Article 2 : L'État versera à Me Pereira, avocate de M.C..., la somme de 1 000 euros en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me Pereira renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de M. C...est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. B...C..., au ministre de l'intérieur et à Me A...Pereira.
Copie en sera transmise, pour information, au préfet de l'Aisne.
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N°18DA00785