Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 11 septembre 2020, Mme B..., représentée par Me Pereira, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler l'arrêté du 24 décembre 2019 par lequel la préfète de la Somme a refusé de renouveler son titre de séjour portant la mention " étudiant ", l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement ;
3°) d'enjoindre à la préfète de la Somme, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour portant mention " étudiant " et, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa situation et de lui délivrer, dans cette attente, une autorisation provisoire de séjour, dans le délai d'un mois à compter de la date de notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 000 euros sur le fondement des dispositions des articles L 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Christian Heu, président de chambre, a été entendu, au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme A... B..., ressortissante congolaise née le 29 janvier 1997 à Kinshasa (République Démocratique du Congo), est entrée sur le territoire français le 18 septembre 2015, sous couvert d'un passeport national revêtu d'un visa long séjour " étudiant ", afin de poursuivre des études supérieures. L'intéressée, qui a obtenu par la suite le renouvellement de ce titre de séjour à plusieurs reprises, en a demandé de nouveau le renouvellement, le 7 novembre 2019. Par un arrêté du 24 décembre 2019, la préfète de la Somme a refusé de renouveler son titre de séjour au motif qu'elle ne justifiait pas d'une poursuite d'études sérieuse, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Mme B... relève appel du jugement du 19 mars 2020 par lequel le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la régularité du jugement :
2. Mme B... fait valoir que les premiers juges, pour écarter le moyen tiré de l'erreur de fait entachant la décision, contenue dans l'arrêté du 24 décembre 2019, par laquelle la préfète de la Somme lui avait fait obligation de quitter le territoire français après avoir relevé qu'elle était sans enfant alors qu'elle est la mère d'une fille née le 15 novembre 2017 sur le territoire français, ont soulevé d'office, et sans mettre les parties en mesure d'en débattre contradictoirement, le moyen tiré de ce que l'autorité préfectorale aurait pris la même décision en tenant compte de la naissance de cette enfant, de sorte que le jugement serait, sur ce point, entaché d'irrégularité. Toutefois, s'il est vrai que la préfète de la Somme n'avait pas soutenu, devant le tribunal administratif, qu'elle aurait pris la même décision en prenant en compte la présence aux côtés de Mme B... de son enfant, le fait que les premiers juges aient écarté par ces motifs le moyen tiré de l'erreur de fait entachant sur ce point la décision faisant obligation à l'à l'appelante de quitter le territoire français n'est pas de nature à affecter la régularité du jugement attaqué, alors même que la préfète de la Somme n'avait pas invoqué un tel moyen de défense et que les premiers juges, qui se sont bornés à exercer leur office, n'ont pas, alors qu'il n'y étaient nullement tenus, mis en œuvre les dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative sur la communication aux parties de moyens d'ordre public. Par suite, à le supposer soulevé par l'appelante à l'appui de ses conclusions à fin d'annulation du jugement en ce qu'il rejette l'ensemble des conclusions de sa demande, le moyen tiré de l'irrégularité dont le jugement attaqué serait entaché à ce titre doit être écarté.
Sur la légalité de l'arrêté :
En ce qui concerne la décision de refus de séjour :
3. Aux termes du I de l'article L. 313-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors applicable : " La carte de séjour temporaire accordée à l'étranger qui établit qu'il suit en France un enseignement ou qu'il y fait des études et qui justifie qu'il dispose de moyens d'existence suffisants porte la mention " étudiant ". (...) ". Il appartient au préfet, lorsqu'il est saisi par un étranger d'une demande tendant à la délivrance ou au renouvellement d'un titre de séjour délivré sur le fondement de ces dispositions, de s'assurer du caractère réel et sérieux des études poursuivies par l'intéressé.
4. Il ressort des pièces du dossier que Mme B... a été inscrite, au cours des années universitaires 2016-2017, 2017-2018 et 2018-2019, en première année de licence en droit et qu'elle n'a ainsi obtenu aucun diplôme depuis son entrée en France en septembre 2015. La requérante soutient qu'elle a fait des progrès entre ces différentes années en validant la majorité des unités de valeur et qu'il ne lui restait, ainsi, que trois unités à valider lorsqu'elle s'est inscrite, pour la quatrième fois, en première année de droit en 2019-2020. Toutefois, cette circonstance n'est pas de nature à établir, à elle seule, une réelle progression dans ses études alors que l'intéressée s'est inscrite en première année de droit de façon répétée sur pas moins de quatre années universitaires successives. Par ailleurs, si Mme B... allègue qu'elle a rencontré, dans le cadre de son parcours universitaire, des difficultés liées à sa grossesse, à la naissance de sa fille et à la garde de cette dernière, ces circonstances ne suffisent pas à justifier les résultats qu'elle a obtenus dans le cadre de son parcours universitaire. En conséquence, Mme B... n'est pas fondée à soutenir que la préfète de la Somme, en lui refusant la délivrance d'un titre de séjour en qualité d'étudiant à raison de l'absence de caractère réel et sérieux des études poursuivies, aurait entaché cette décision d'une erreur d'appréciation.
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
5. Mme B... soutient que la décision, contenue dans l'arrêté du 24 décembre 2019, par laquelle la préfète de la Somme lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours est entachée d'une erreur de fait en ce que cette décision relève qu'elle est sans enfant alors qu'elle a donné naissance en France à une enfant le 15 novembre 2017. Or, la préfète de la Somme n'a soutenu, ni en première instance, ni davantage devant la cour, qu'elle aurait pris la même décision en prenant en compte la présence aux côtés de Mme B... de cette enfant, née le 15 novembre 2017, dont l'appelante souligne, sans être contredite, qu'elle est atteinte d'un trouble neuro-développemental en cours d'exploration. Il ne ressort pas davantage des pièces du dossier que la préfète de la Somme, si elle n'avait pas entaché la décision contestée d'une erreur de fait de cette nature, aurait pris la même décision envers Mme B.... Par suite, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens soulevés à l'appui des conclusions à fin d'annulation de cette décision, Mme B... est fondée à soutenir que la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français dans le délai d'un mois est entachée d'illégalité et doit être annulée, ainsi que, par voie de conséquence la décision fixant le pays de renvoi.
6. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... est fondée à demander l'annulation du jugement du 19 mars 2020 en tant que, par ce jugement, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté les conclusions de sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 24 décembre 2019 en tant que, par cet arrêté, la préfète de la Somme lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi, ainsi que l'annulation, dans cette mesure de cet arrêté. Mme B... est également fondée à demander qu'il soit enjoint à la préfète de la Somme de procéder au réexamen de sa situation et de lui délivrer, dans cette attente, une autorisation provisoire de séjour, dans le délai de deux mois à compter de la date de notification du présent arrêt. Enfin, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 000 euros au conseil de Mme B... sur le fondement des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
DECIDE :
Article 1er : L'arrêté du 24 décembre 2019 de la préfète de la Somme, en tant qu'il fait obligation à Mme B... de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et fixe le pays de renvoi, est annulé.
Article 2 : Il est enjoint à la préfète de la Somme de procéder au réexamen de la situation de Mme B... et de lui délivrer, dans cette attente, une autorisation provisoire de séjour, dans le délai de deux mois à compter de la date de notification du présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera la somme de 1 000 euros au conseil de Mme B... sur le fondement des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
Article 4 : Le jugement du 19 mars 2020 du tribunal administratif d'Amiens est annulé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme B... est rejeté.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B..., au ministre de l'intérieur, à la préfète de la Somme et à Me Pereira.
N°20DA01446 3