Par une requête, enregistrée le 2 octobre 2021, M. C..., représenté par Me Zaïri, demande à la cour :
1°) de prononcer son admission provisoire au bénéfice de l'aide juridictionnelle ;
2°) d'annuler cette ordonnance ;
3°) d'annuler l'arrêté du 19 juin 2019 par lequel le préfet du Nord a fixé le pays de destination de la mesure d'expulsion prise à son encontre le 17 mars 1983 et l'a assigné à résidence, à Lille, pour une durée de quarante-cinq jours ;
4°) d'enjoindre au préfet du Nord de procéder au réexamen de sa situation et de lui délivrer, A... cette attente et A... le délai de sept jours, une autorisation provisoire de séjour, A... le délai de deux mois à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Christian Heu, président de chambre, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B... C..., ressortissant marocain né le 1er janvier 1960 à Imzouren (Maroc), est entré irrégulièrement en France en avril 2018, selon ses déclarations. Il a fait l'objet d'un contrôle d'identité, le 18 juin 2019, et a été placé en retenue administrative pour vérification de son droit au séjour. Il a alors été constaté que l'intéressé avait fait l'objet d'un arrêté, en date du 17 mars 1983, par lequel le ministre de l'intérieur a ordonné son expulsion du territoire français. Par un arrêté du 19 juin 2019, le préfet du Nord a, en conséquence, fixé le pays de destination de la mesure d'expulsion prise à son encontre le 17 mars 1983 et a assigné M. C... à résidence, à Lille, pour une durée de quarante-cinq jours. M. C... relève appel de l'ordonnance du 20 août 2021 par laquelle le premier vice-président du tribunal administratif de Lille a donné acte du désistement de sa demande.
Sur la demande d'admission provisoire à l'aide juridictionnelle :
2. Aux termes de l'article 20 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique : " A... les cas d'urgence (...), l'admission provisoire à l'aide juridictionnelle peut être prononcée par la juridiction compétente (...) ". A... les circonstances de l'espèce, il y a lieu de prononcer, en application des dispositions précitées, l'admission provisoire de M. C... au bénéfice de l'aide juridictionnelle.
Sur la régularité de l'ordonnance :
3. Aux termes de l'article R. 612-5-1 du code de justice administrative : " Lorsque l'état du dossier permet de s'interroger sur l'intérêt que la requête conserve pour son auteur, le président de la formation de jugement ou le président de la chambre chargée de l'instruction, peut inviter le requérant à confirmer expressément le maintien de ses conclusions. La demande qui lui est adressée mentionne que, à défaut de réception de cette confirmation à l'expiration du délai fixé, qui ne peut être inférieur à un mois, il sera réputé s'être désisté de l'ensemble de ses conclusions. ". Aux termes de l'article R. 611-8-2 du même code : " Toute juridiction peut adresser par le moyen de l'application informatique mentionnée à l'article R. 414-1, à une partie ou à un mandataire qui y est inscrit, toutes les communications et notifications prévues par le présent livre pour tout dossier. / Les parties ou leur mandataire sont réputés avoir reçu la communication ou la notification à la date de première consultation du document qui leur a été ainsi adressé, certifiée par l'accusé de réception délivré par l'application informatique, ou, à défaut de consultation A... un délai de deux jours ouvrés à compter de la date de mise à disposition du document A... l'application, à l'issue de ce délai. (...) ". Enfin, aux termes de l'article R. 431-1 du même code : " Lorsqu'une partie est représentée devant le tribunal administratif par un des mandataires mentionnés à l'article R. 431-2, les actes de procédure, à l'exception de la notification de la décision prévue aux articles R. 751-3 et suivants, ne sont accomplis qu'à l'égard de ce mandataire ".
4. A l'occasion de la contestation en appel de l'ordonnance prenant acte du désistement d'un requérant en l'absence de réponse à l'expiration du délai qui lui a été fixé, il incombe au juge d'appel, saisi de moyens en ce sens, de vérifier que l'intéressé a reçu la demande mentionnée par les dispositions de l'article R. 612-5-1 du code de justice administrative, que cette demande fixait un délai d'au moins un mois au requérant pour répondre et l'informait des conséquences d'un défaut de réponse A... ce délai et que le requérant s'est abstenu de répondre en temps utile. Il appartient, en outre, au juge d'appel d'apprécier si le premier juge, A... les circonstances de l'affaire, a fait une juste application des dispositions de l'article R. 612-5-1 du code de justice administrative.
5. Il ressort des pièces du dossier de première instance que la demande introduite devant le tribunal administratif de Lille le 21 juin 2019 par le conseil de M. C... a été communiquée, le 22 juin 2019, au préfet du Nord, qui a produit, le 27 juin 2019, un mémoire en défense. Par ce mémoire, le préfet du Nord concluait au rejet de la demande de M. C... au motif qu'aucun des moyens soulevés par l'intéressé n'était de nature à entraîner l'annulation de l'arrêté contesté. Ce mémoire a été communiqué, le 27 juin 2019, au conseil de M. C... qui n'a pas produit d'observations en réplique. A... ce contexte, le tribunal administratif de Lille a, le 8 juin 2021, adressé au conseil de M. C... une demande de maintien des conclusions de sa demande, A... le délai d'un mois, sur le fondement des dispositions de l'article R. 612-5-1 du code de justice administrative. Cette demande a été adressée au conseil de M. C... par l'application informatique Télérecours, conformément aux dispositions précitées de l'article R. 611-8-2 du code de justice administrative. Le mandataire de M. C... n'a pas consulté le document qui lui a été adressé le 8 juin 2021 et a, en conséquence été réputé, conformément aux dispositions précitées de l'article R. 611-8-2 du code de justice administrative, en avoir reçu la communication A... le délai de deux jours ouvrés à compter de sa mise à disposition. C'est A... ces conditions que le premier vice-président du tribunal administratif de Lille a, par l'ordonnance attaquée, donné acte du désistement de la demande de M. C..., faute de confirmation par celui-ci du maintien des conclusions de cette demande.
6. Il ressort des pièces produites en appel par Me Zaïri, conseil de M. C..., que l'avocat qui représentait celui-ci devant le tribunal administratif de Lille est décédé le 20 janvier 2021, soit antérieurement à l'expiration du délai d'un mois qui lui avait été imparti, par la demande du tribunal administratif de Lille en date du 8 juin 2021, à l'effet de confirmer le maintien des conclusions de sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 19 juin 2019 du préfet du Nord.
7. A... ces conditions, et alors même que le greffe du tribunal n'aurait pas eu connaissance, à la date à laquelle a été prononcée l'ordonnance attaquée, du décès du conseil de l'intéressé, le premier vice-président du tribunal administratif de Lille, en estimant que M. C... devait être réputé comme s'étant désisté des conclusions de sa demande, n'a pas fait une juste application des dispositions précitées de l'article R. 612-5-1 du code de justice administrative. Cette ordonnance doit donc être annulée.
8. Il suit de là qu'il y a lieu de statuer immédiatement par voie d'évocation sur les conclusions de la demande présentée par M. C... devant le tribunal administratif de Lille.
Sur la légalité de l'arrêté contesté :
9. En premier lieu, il ressort des termes mêmes de l'arrêté contesté que le préfet du Nord, pour fixer le pays à destination duquel M. C... pourra être renvoyé A... le cadre de l'exécution de l'arrêté d'expulsion dont il fait l'objet, mentionne les articles L. 513-2, L. 521-1, L. 523-2, L. 561-2 2°, L. 624-1, R. 523-1 et R. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Cet arrêté mentionne également que M. C..., qui est de nationalité marocaine, a fait l'objet d'une arrêté d'expulsion, le 17 mars 1983, et qu'il présente des garanties de représentation telles qu'il convient de l'assigner à résidence, A... son lieu de résidence, à Lille. En conséquence, l'arrêté contesté comporte l'ensemble des éléments de droit et de fait qui en constituent le fondement. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de cet arrêté doit être écarté.
10. En deuxième lieu, M. C... fait valoir qu'il a fait l'objet d'une vérification de son droit au séjour à l'issue de laquelle il a été constaté qu'il avait fait l'objet d'un arrêté d'expulsion, en date du 17 mars 1983, alors qu'il effectuait des démarches auprès des services de la préfecture du Nord en vue de régulariser sa situation. Toutefois, cette circonstance n'est pas de nature à entacher d'irrégularité les conditions d'édiction de l'arrêté contesté.
11. En troisième lieu, il ressort des pièces du dossier que le préfet du Nord, avant d'édicter l'arrêté contesté, a procédé à un examen particulier de la situation de M. C.... Par suite, le moyen tiré du défaut d'examen particulier doit être écarté.
12. En quatrième lieu, si M. C... fait valoir qu'il a présenté, le 12 octobre 1998, une demande d'abrogation de l'arrêté du 17 mars 1983 par lequel le ministre de l'intérieur a ordonné son expulsion du territoire français, il ne ressort pas des pièces du dossier que cet arrêté aurait été abrogé. Par suite, le moyen tiré du défaut de base légale de l'arrêté contesté doit être écarté.
13. En cinquième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le défaut de prise en charge de l'état de santé de M. C... serait susceptible d'entraîner pour lui des conséquences d'un particulière gravité, ni même que son état de santé nécessiterait des soins qui ne seraient pas disponibles A... son pays d'origine. Par suite, le moyen tiré de la violation des dispositions du 11° de l'article L. 313- 11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors applicable, doit être écarté.
14. En sixième lieu, le moyen tiré de ce que l'arrêté contesté est entaché d'une erreur de fait est dépourvu de toutes précisions permettant d'en apprécier la pertinence.
15. En septième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...). / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique A... l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, A... une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".
16. M. C... soutient que l'arrêté contesté méconnaît son droit au respect de la vie privée et familiale garanti par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Il fait valoir, à cet effet, que ses frères et sœurs, qui sont français, résident sur le territoire français. Toutefois, il ne produit aucun élément de nature à établir qu'il entretiendrait des liens d'une particulière intensité avec les membres de sa fratrie présents en France. Par ailleurs, il n'établit pas qu'il serait dépourvu d'attaches familiales A... son pays d'origine où résident, notamment, son ex-épouse et ses enfants. A... ces conditions, le préfet du Nord, en fixant le pays de destination, n'a pas porté une atteinte disproportionnée au droit de M. C... au respect de sa vie privée et familiale au regard du but poursuivi par cette mesure. Par suite, le moyen tiré de la violation des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.
17. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêté du 19 juin 2019 par lequel le préfet du Nord a fixé le pays de destination de la mesure d'expulsion prise à son encontre le 17 mars 1983 et l'a assigné à résidence, à Lille, pour une durée de quarante-cinq jours. Dès lors, les conclusions de M. C... à fin d'annulation de cet arrêté, ainsi que celles aux fins d'injonction sous astreinte et celles tendant à l'attribution d'une somme au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, doivent être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : M. C... est admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle à titre provisoire.
Article 2 : L'ordonnance n° 1905186 du 20 août 2021 du premier vice-président du tribunal administratif de Lille est annulée.
Article 3 : La demande présentée par M. C... devant le tribunal administratif de Lille ainsi que le surplus des conclusions de sa requête sont rejetés.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C..., au ministre de l'intérieur et à Me Zaïri.
Copie en sera adressée au préfet du Nord.
N°21DA02322 2