Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés le 17 juillet 2018, le 24 août 2018 et le 26 février 2020, la Société Nouvelle Herboux, représentée par le cabinet Briard, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de lui accorder la restitution de la taxe sur la valeur ajoutée pour l'année 2012, d'un montant de 98 869 euros, portée sur la déclaration souscrite le 21 janvier 2015, dont la déduction a été refusée par l'administration ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
----------------------------------------------------------------------------------------------------------
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme B... A..., première conseillère,
- et les conclusions de M. Jean-Philippe Arruebo-Mannier, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. La société à responsabilité limitée Société Nouvelle Herboux, qui exerce une activité de récupération de déchets, a porté, sur sa déclaration de taxe sur la valeur ajoutée déposée le 21 janvier 2015 au titre du mois de décembre 2014, de la taxe sur la valeur ajoutée déductible, d'un montant total de 147 095 euros, dont elle a demandé, le même jour, le remboursement. Cette demande a été rejetée à hauteur de 98 869 euros, somme correspondant à des droits à déduction nés au cours de l'année 2012. La Société Nouvelle Herbeux relève appel du jugement du 11 mai 2018 par lequel le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande tendant à la restitution du crédit de taxe sur la valeur ajoutée qui lui a ainsi été refusé par l'administration.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. En premier lieu, il résulte de l'instruction et, notamment, des pièces du dossier de première instance que, contrairement à ce que soutient la Société Nouvelle Herboux, les pièces et mémoires produits devant le tribunal, et notamment le mémoire en défense de l'administration, ont été communiqués aux parties avec un délai suffisant pour leur permettre de produire leurs observations.
3. En deuxième lieu, les moyens et conclusions des parties ont été analysés dans le jugement avec une précision suffisante, de sorte que ce jugement n'a pas méconnu sur ce point les dispositions de l'article R. 741-2 du code de justice administrative.
4. En troisième lieu, il ressort des termes mêmes du jugement attaqué que les premiers juges, qui n'étaient pas tenus de répondre à l'ensemble des arguments avancés par les parties, ont statué sur tous les moyens soulevés devant eux. En particulier, le tribunal n'avait pas à se prononcer expressément sur l'argument, au demeurant non invoqué en première instance, selon lequel les dispositions de l'article 208 de l'annexe II au code général des impôts auraient pour effet " d'exclure la déclaration de taxe sur la valeur ajoutée du mois décembre de la deuxième année qui suit celle de l'omission ".
5. Il résulte de ce qui a été dit aux trois points précédents que la Société Nouvelle Herboux n'est pas fondée à soutenir que le jugement attaqué serait entaché d'irrégularité.
Sur le bien-fondé du refus de restitution de la taxe sur la valeur ajoutée :
6. D'une part, l'article 179 de la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006, relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée, prévoit que la déduction de la taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé les opérations effectuées par un assujetti est opérée globalement par l'assujetti par imputation, sur le montant de la taxe due pour une période imposable, du montant de la taxe sur la valeur ajoutée pour laquelle le droit à déduction a pris naissance au cours de la même période. En vertu des dispositions combinées des article 180 et 182 de la même directive, les Etats membre peuvent autoriser un assujetti à procéder à une déduction qui n'a pas été effectuée conformément à ces dispositions, selon des modalités qu'ils déterminent.
7. D'autre part, aux termes du I de l'article 271 du code général des impôts : " 1. La taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé les éléments du prix d'une opération imposable est déductible de la taxe sur la valeur ajoutée applicable à cette opération. / 2. Le droit à déduction prend naissance lorsque la taxe déductible devient exigible chez le redevable. (...) / 3. La déduction de la taxe ayant grevé les biens et les services est opérée par imputation sur la taxe due par le redevable au titre du mois pendant lequel le droit à déduction a pris naissance. ". Aux termes de l'article 287 de ce code : " 1. Tout redevable de la taxe sur la valeur ajoutée est tenu de remettre au service des impôts dont il dépend et dans le délai fixé par arrêté une déclaration conforme au modèle prescrit par l'administration. / 2. Les redevables soumis au régime réel normal d'imposition déposent mensuellement la déclaration visée au 1 indiquant, d'une part, le montant total des opérations réalisées, d'autre part, le détail des opérations taxables. La taxe exigible est acquittée tous les mois. / (...) ". Enfin, aux termes du I de l'article 208 de l'annexe II au code général des impôts : " Le montant de la taxe déductible doit être mentionné sur les déclarations déposées pour le paiement de la taxe sur la valeur ajoutée. Toutefois, à condition qu'elle fasse l'objet d'une inscription distincte, la taxe dont la déduction a été omise sur cette déclaration peut figurer sur les déclarations ultérieures déposées avant le 31 décembre de la deuxième année qui suit celle de l'omission. Les régularisations prévues à l'article 207 doivent également être mentionnées distinctement sur ces déclarations. ".
8. Il résulte des dispositions précitées de l'article 271 du code général des impôts, qui assure en droit interne la transposition de celles de l'article 179 de la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006, que le droit à déduction par un redevable de la taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé ses opérations taxables prend naissance lorsque la taxe devient exigible chez son fournisseur et doit, en principe, être opéré par imputation sur la taxe due par le redevable au titre du mois pendant lequel le droit à déduction a pris naissance. Le principe de neutralité, principe général du système commun de taxe sur la valeur ajoutée, tel que rappelé, notamment, par les décisions C-95/07 et C-96/07 du 8 mai 2008 et C-332/15 du 28 juillet 2016, ne fait pas obstacle à ce que, afin d'assurer le respect du principe de sécurité juridique, les autorités étatiques, exerçant la faculté prévue par les dispositions des articles 180 et 182 de la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006, soumettent à un délai la possibilité pour le redevable de corriger ses omissions de déclaration de la taxe sur la valeur ajoutée déductible. Toutefois, en vertu du principe d'effectivité du droit de l'Union européenne, un tel délai ne doit pas avoir pour effet de rendre l'exercice du droit à déduction impossible ou excessivement difficile. Tel n'est pas le cas du délai prévu par les dispositions de l'article 208 de l'annexe II au code général des impôts, aux termes desquelles l'omission ne peut être réparée que sur les déclarations de taxe sur la valeur ajoutée déposées au plus tard le 31 décembre de la deuxième année suivant l'omission, c'est-à-dire suivant celle au cours de laquelle la taxe sur la valeur ajoutée est devenue exigible chez le fournisseur, alors même qu'eu égard à la règle de dépôt mensuel des déclarations, ces dispositions ont pour effet de limiter à vingt-trois mois le délai d'exercice du droit à déduction lorsque celui-ci prend naissance au cours d'un mois de décembre. Enfin, la circonstance que le délai ainsi imparti au redevable pour réparer ses omissions de déclaration de taxe déductible est inférieur à celui ouvert à l'administration par les dispositions de l'article L. 176 du livre des procédures fiscales, qui lui permettent d'exercer son droit de reprise en rappelant la taxe sur la valeur ajoutée due et non déclarée par le redevable jusqu'à la fin de la troisième année suivant celle au titre de laquelle la taxe est devenue exigible, n'est pas, par elle-même, constitutive d'une méconnaissance du principe de neutralité.
9. Il résulte de ce qui a été dit au point précédent, d'une part, que les dispositions de l'article 208 de l'annexe II au code général des impôts ne sont contraires ni au principe de neutralité de la taxe sur la valeur ajoutée, ni au principe d'effectivité et, d'autre part, que c'est à bon droit qu'en application de ces dispositions, l'administration a rejeté la demande de la Société Nouvelle Herboux tendant à la restitution, à hauteur de 98 869 euros de la taxe sur la valeur ajoutée déductible au titre de l'année 2012, qu'elle a portée sur sa déclaration de taxe sur la valeur ajoutée déposée le 21 janvier 2015.
10. Il résulte de tout ce qui précède que la Société Nouvelle Herboux n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a rejeté sa demande tendant à obtenir la restitution d'un crédit de taxe sur la valeur ajoutée d'un montant de 98 869 euros. Par voie de conséquence les conclusions présentées par la Société Nouvelle Herboux au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la Société Nouvelle Herboux est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société à responsabilité limitée Société Nouvelle Herboux et au ministre délégué chargé des comptes publics.
Copie en sera adressée à l'administrateur général des finances publiques chargé de la direction spécialisée de contrôle fiscal Nord.
2
No18DA01479