Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 1er avril 2020, le préfet de la Seine-Maritime demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. A... en première instance.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et de séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- la loi n° 2020-1379 du 14 novembre 2020 ;
- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme E... B..., première conseillère, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. C... A..., ressortissant malien né le 15 février 2001, est entré en France le 1er octobre 2017, selon ses déclarations. Le 28 janvier 2019, il a sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et des articles L. 313-15 et L. 313-14 du même code. Par un arrêté du 12 septembre 2019, le préfet de la Seine-Maritime a refusé de lui délivrer le titre de séjour sollicité, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a désigné le pays de renvoi. Le préfet de la Seine-Maritime relève appel du jugement du 2 mars 2020 par lequel le tribunal administratif de Rouen a annulé cet arrêté, au motif que la décision refusant d'accorder à M. A... un titre de séjour sur le fondement des dispositions de l'article R. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile était entachée d'erreur manifeste d'appréciation.
2. Aux termes de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, applicable au litige : " A titre exceptionnel et sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire prévue aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 portant la mention "salarié" ou la mention "travailleur temporaire" peut être délivrée, dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, à l'étranger qui a été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et l'âge de dix-huit ans et qui justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle, sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française. Le respect de la condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigé. ".
3. Il n'est pas contesté que M. A... était âgé de seize ans lorsqu'il est entré en France. Il a été confié par une ordonnance de placement provisoire du 1er décembre 2017 au service de l'aide sociale à l'enfance du département de la Seine-Maritime. Par une décision du 22 décembre 2017, le juge des tutelles des mineurs du tribunal de grande instance de Rouen a désigné le président du conseil départemental de la Seine-Maritime comme tuteur de M. A.... Celui-ci a suivi, à compter du 19 septembre 2018, une formation professionnelle au sein du lycée Georges Baptiste à Rouen, en vue de l'obtention du " certificat de qualification professionnelle " de commis de cuisine, dans le cadre de laquelle il a bénéficié d'un contrat de professionnalisation avec une entreprise de restauration. Ses éducateurs au sein de l'Institut départemental de l'enfance, de la famille et du handicap pour l'insertion (IDEFHI), où il a été accueilli à compter du 11 avril 2018, soulignent sa motivation, ses progrès en langue française, langue qu'il ne maitrisait pas à son arrivée sur le territoire français, et sa bonne intégration tant sociale que professionnelle. Son employeur, qui souligne également sa motivation et ses efforts d'insertion, lui a, d'ailleurs, proposé un contrat à durée indéterminée à temps partiel à compter du mois de septembre 2019. Enfin, l'intéressé fait valoir que son père est décédé lorsqu'il était âgé de six à sept ans, que ni lui ni son jeune frère n'ont été pris en charge par leur mère, souffrant de troubles mentaux, et que, dépourvu de moyens de subsistances, il a quitté seul son pays, à la fin de l'année 2016, pour rejoindre l'Algérie, le Maroc, puis l'Espagne et la France. Si le préfet de la Seine-Maritime soutient que l'absence de lien familial de M. A... dans son pays d'origine n'est pas établie, les éléments avancés par ce dernier sont cohérents avec le récit qu'il a fait le 24 octobre 2017, dès son arrivée sur le territoire français, au service d'accueil des étrangers mineurs isolés. Par ailleurs, la circonstance que M. A... a pu obtenir son acte de naissance à l'aide de connaissances résidant au Mali, n'est pas, par elle-même, de nature à contredire ce récit. Ainsi, dans les circonstances de l'espèce, compte tenu notamment des efforts d'insertion particulièrement soutenus accomplis par l'intéressé et du caractère sérieux de la formation professionnalisante qu'il avait entreprise, depuis environ un an, à la date de l'arrêté contesté, et alors que l'isolement familial de l'intéressé dans son pays d'origine ne saurait, en toute hypothèse, être regardé comme un critère prépondérant pour la délivrance du titre de séjour visé par les dispositions de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet de la Seine-Maritime, en rejetant la demande de titre de séjour présentée par M. A... sur ce fondement, doit, conformément à ce qu'a estimé le tribunal administratif de Rouen, être tenu comme ayant commis une erreur manifeste dans l'appréciation de la situation de l'intéressé.
4. Il résulte de ce qui précède que le préfet de la Seine-Maritime n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a annulé l'arrêté du 12 septembre 2019, a enjoint au préfet territorialement compétent de délivrer à M. A... une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " et a mis à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 000 euros au conseil de ce dernier sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête du préfet de la Seine-Maritime est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur, à M. C... A... et à Me D....
Copie en sera adressée au préfet de la Seine-Maritime.
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N°20DA00599