Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 4 octobre 2019 le préfet de la Seine-Maritime demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement en tant qu'il annule son arrêté du 23 août 2019 prolongeant pour une durée de deux ans l'interdiction de retour sur le territoire français dont M. B... fait l'objet ;
2°) de rejeter les conclusions de la demande de M. B... tendant à l'annulation de cet arrêté.
--------------------------------------------------------------------------------------------------------
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et de séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- la loi n° 2020-1379 du 14 novembre 2020 ;
- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme E... C..., première conseillère, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant de la République du Congo né le 1er juin 2000 à Brazzaville (République du Congo), est entré en France en 2016, selon ses déclarations. Par un arrêté du 14 octobre 2016, la préfète de la Seine-Maritime lui a fait obligation de quitter sans délai le territoire français, au motif que les documents qu'il produisait pour justifier de son état civil n'étaient pas authentiques. Par un jugement du 18 octobre 2016, devenu définitif, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rouen, estimant que la majorité de l'intéressé n'était pas établie, a annulé cet arrêté. Par un arrêté du 6 novembre 2018, la préfète de la Seine-Maritime a refusé de délivrer à M. B... le titre de séjour qu'il sollicitait sur le fondement des dispositions des articles L. 313-10 et L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a désigné le pays de renvoi et lui a interdit le retour sur le territoire français pendant une durée de deux ans. Après avoir rejeté, par une décision en date du 12 avril 2019, la demande de M. B... tendant à l'abrogation de l'arrêté du 6 novembre 2018, le préfet de la Seine-Maritime, par deux arrêtés en date du 23 août 2019, a, d'une part, assigné M. B... à résidence et, d'autre part, prolongé d'une durée de deux ans l'interdiction de retour sur le territoire français prononcée à son encontre par son arrêté du 6 novembre 2018, au motif que l'intéressé se maintenait sur le territoire français en dépit de l'obligation de quitter le territoire français édictée par ce même arrêté. Le préfet de la Seine-Maritime relève appel du jugement du 6 septembre 2019 en tant que, par ce jugement, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rouen a annulé l'arrêté du 23 août 2019 prolongeant d'une durée de deux ans l'interdiction de retour sur le territoire français prononcée à l'encontre de M. B.... Celui-ci doit, en ce qui le concerne, être regardé comme demandant à la cour, par la voie de l'appel incident, d'annuler le jugement du 6 septembre 2019 en tant qu'il rejette ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte et d'enjoindre au préfet de la Seine-Maritime de réexaminer sa situation et, dans cette attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour, sous astreinte.
Sur l'appel principal du préfet de la Seine-Maritime :
2. Il ressort des pièces du dossier que M. B... a suivi avec sérieux, entre novembre 2017 et juillet 2018, la première année du cursus de deux ans préparant au certificat d'aptitude professionnelle " Peintre ". Par ailleurs, M. B... pratique l'athlétisme, depuis juillet 2016, au sein du " Stade Sottevillais 76 ", avec des résultats tels que cette structure sportive lui a permis de suivre les entraînements d'un groupe de haut niveau et l'a intégré au sein de son pôle " Espoir ". L'étroitesse des liens noués entre M. B... et le ressortissant français qui, engagé dans l'activité associative et sportive, l'a accueilli depuis 13 juillet 2016, ont permis d'éviter son placement au titre de l'aide sociale à l'enfance et ont évolué vers l'adoption simple de l'intéressé par ce ressortissant français, prononcée par un jugement du 5 mars 2019 du tribunal de grande instance de Rouen. De nombreuses attestations étayées, émanant de personnes de tous âges et d'horizons divers, témoignent tant de la réalité de cette relation filiale que de l'investissement sportif et associatif de M. B..., ainsi que de la diversité et de la qualité des relations humaines et sociales qu'il a construites sur le territoire français. Par ailleurs, le tribunal correctionnel de Rouen, par un jugement du 19 septembre 2017, a relaxé M. B... du chef de " déclaration fausse ou incomplète pour obtenir d'une personne publique ou d'un organisme chargé d'une mission de service public une allocation, une prestation, un paiement ou un avantage indu ". Ainsi, dans les circonstances particulières de l'espèce, et alors même que M. B... n'a pas perdu tout lien avec les membres de sa famille résidant en République du Congo, le préfet de la Seine-Maritime, en prolongeant d'une durée de deux ans l'interdiction de retour sur le territoire français édictée à l'encontre de l'intéressé par un arrêté du 6 novembre 2018, doit être tenu comme ayant porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts poursuivis par cette mesure, en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
3. Il résulte de ce qui précède que le préfet de la Seine-Maritime n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rouen a annulé son arrêté du 23 août 2019 prolongeant d'une durée de deux ans l'interdiction de retour sur le territoire français dont M. B... faisait l'objet.
Sur l'appel incident de M. B... :
4. Ainsi que l'a jugé, à bon droit, le premier juge, l'annulation de la décision portant prolongation de l'interdiction de retour sur le territoire français n'implique pas, par elle-même, qu'il soit enjoint à l'autorité compétente de réexaminer la situation de M. B... au regard de son droit au séjour. Par suite, les conclusions à fin d'injonction sous astreinte, réitérées par M. B... en appel, doivent être rejetées.
Sur les frais relatifs à l'instance :
5. M. B... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me D... renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État au titre de l'aide juridictionnelle, de mettre à la charge de l'Etat, qui a la qualité de partie perdante, le versement à celle-ci de la somme de 1 000 euros.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête du préfet de la Seine-Maritime est rejetée.
Article 2 : Les conclusions d'appel incident de M. B... sont rejetées.
Article 3 : L'Etat versera à Me D... une somme de 1 000 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que l'intéressée renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur, à M. A... B... et à Me D....
Copie en sera adressée au préfet de la Seine-Maritime.
4
N°19DA02278