Par une requête, enregistrée le 15 janvier 2021, M. A..., représenté par Me Ndiyae, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler l'arrêté du 17 août 2020 par lequel le préfet de l'Oise a refusé de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " étudiant ", lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de quatre-vingt-dix jours et a fixé le pays de destination ;
3°) d'enjoindre au préfet de l'Oise de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " étudiant ", dans un délai d'un mois à compter de la date de notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 300 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République sénégalaise relative à la circulation et au séjour des personnes, signée à Dakar le 1er août 1995 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Christian Heu, président de chambre, a été entendu, au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B... D... A..., ressortissant sénégalais né le 22 avril 1998 à Dakar (Sénégal), est entré régulièrement en France le 25 août 2019, sous couvert d'un passeport national revêtu d'un visa court séjour délivré le 16 août 2019 par les autorités consulaires françaises. Il a sollicité, le 17 juillet 2020, la délivrance d'un titre de séjour portant la mention " étudiant ". Par un arrêté du 17 août 2020, le préfet de l'Oise a refusé de lui délivrer le titre de séjour sollicité, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de quatre-vingt-dix jours et a fixé le pays de destination. M. A... relève appel du jugement du 17 décembre 2020 par lequel le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la régularité du jugement :
2. M. A... soutient que le jugement du tribunal administratif d'Amiens est irrégulier dès lors que les premiers juges ont omis de se prononcer sur le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation des conséquences, sur sa situation personnelle, de l'arrêté du 17 août 2020 par lequel le préfet de l'Oise a refusé de lui délivrer le titre de séjour sollicité et lui a fait obligation de quitter le territoire français. Il ressort des mentions du jugement attaqué que les premiers juges ont omis de se prononcer sur ce moyen, soulevé en première instance par l'intéressé, et qui n'était pas inopérant. Par suite, M. A... est fondé à soutenir que le jugement du tribunal administratif d'Amiens est entaché d'irrégularité comme insuffisamment motivé et doit, dès lors, être annulé.
3. Il suit de là qu'il y a lieu de statuer immédiatement par la voie de l'évocation sur les conclusions de la demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif d'Amiens.
Sur la légalité de l'arrêté contesté :
4. En premier lieu, les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile relatives aux titres de séjour qui peuvent être délivrés aux étrangers et aux conditions de délivrance de ces titres s'appliquent, ainsi que le rappelle l'article L. 111-2 du même code, " sous réserve des conventions internationales ". Or, aux termes de l'article 9 de la convention franco-sénégalaise du 1er août 1995 : " Les ressortissants de chacun des Etats contractants désireux de poursuivre des études supérieures ou d'effectuer un stage de formation qui ne peut être assuré dans le pays d'origine, sur le territoire de l'autre Etat doivent, pour obtenir le visa de long séjour prévu à l'article 4, présenter une attestation d'inscription ou de préinscription dans l'établissement d'enseignement choisi, ou une attestation d'accueil de l'établissement où s'effectue le stage. Ils doivent en outre justifier de moyens d'existence suffisants, tels qu'ils figurent en annexe. / Les intéressés reçoivent, le cas échéant, un titre de séjour temporaire portant la mention " étudiant ". Ce titre de séjour est renouvelé annuellement sur justification de la poursuite des études ou du stage, ainsi que de la possession de moyens d'existence suffisants. ". Aux termes de l'article 4 de cette convention : " Pour un séjour de plus de trois mois, (...) les ressortissants sénégalais à l'entrée sur le territoire français doivent être munis d'un visa de long séjour et des justificatifs prévus aux articles 5 à 9 ci-après, en fonction de la nature de leur installation. ".
5. La situation de M. A..., qui est de nationalité sénégalaise, ressort du champ d'application des stipulations précitées de l'article 9 de la convention franco-sénégalaise du 1er août 1995. C'est donc à tort que le préfet de l'Oise, pour refuser de délivrer à l'intéressé un titre de séjour en qualité d'étudiant, s'est fondé sur les dispositions de l'article L. 313-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
6. Toutefois, lorsqu'il constate que la décision contestée devant lui aurait pu être prise, en vertu du même pouvoir d'appréciation, sur le fondement d'un autre texte que celui dont la méconnaissance est invoquée, le juge de l'excès de pouvoir peut substituer ce fondement à celui qui a servi de base légale à la décision attaquée, sous réserve que l'intéressé ait disposé des garanties dont est assortie l'application du texte sur le fondement duquel la décision aurait dû être prononcée. Or, la décision refusant de délivrer à M. A... un titre de séjour " étudiant " trouve son fondement légal dans les stipulations précitées des articles 9 et 4 de la convention franco-sénégalaise du 1er août 1995 qui peuvent être substituées aux dispositions de l'article L. 313-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, visées par la décision contestée, dès lors, en premier lieu, que les stipulations de l'article 9 de la convention franco-sénégalaise et les dispositions de l'article L. 313-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sont équivalentes au regard des garanties qu'elles prévoient, en deuxième lieu, que l'administration dispose, le cas échéant, du même pouvoir d'appréciation sur la réalité et le sérieux des études poursuivies par l'intéressé pour appliquer l'un ou l'autre de ces deux textes, et, en troisième lieu, que ce dernier a été en mesure de produire ses observations sur ce point. M. A... a en effet été mis en mesure, par un courrier du greffe du tribunal administratif d'Amiens, en date du 5 novembre 2020, l'informant que la décision juridictionnelle était susceptible d'être fondée sur le moyen, soulevé d'office, tiré de l'applicabilité des stipulations de l'article 9 de la convention franco-sénégalaise du 1er août 1995, de produire des observations sur ce point. Il y a donc lieu de procéder à cette substitution de base légale.
7. Il ressort des pièces du dossier que le préfet de l'Oise, pour refuser de délivrer à M. A... un titre de séjour en qualité d'étudiant, s'est fondé, notamment, sur l'absence de production par l'intéressé d'un visa de long séjour. Or, il n'est pas contesté par l'intéressé que celui-ci n'est pas titulaire d'un tel visa et qu'il ne satisfait donc pas aux exigences des articles 9 et 4 de la convention franco-sénégalaise du 1er août 1995. En outre, il ressort des pièces du dossier de première instance que le préfet de l'Oise, s'il n'avait retenu que ce motif, aurait pris la même décision. Par suite, le moyen tiré par M. A... du caractère réel et sérieux de la formation scolaire suivie par lui en France et de ce que la décision lui refusant la délivrance d'un titre de séjour portant la mention " étudiant " serait, en conséquence, entachée d'une erreur d'appréciation, est sans incidence sur la légalité de l'arrêté contesté.
8. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...). / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
9. D'une part, le moyen tiré d'une atteinte au droit au respect de la vie privée et familiale, garanti par les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, est inopérant pour contester une décision de refus de délivrance ou de renouvellement d'un titre de séjour en qualité d'étudiant, qui procède exclusivement d'une appréciation par l'autorité préfectorale, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, de la satisfaction des conditions requises pour la délivrance d'un tel titre de séjour et de la réalité et du sérieux des études poursuivies par l'intéressé. Par suite le moyen tiré par M. A... de ce que l'arrêté contesté, en ce qu'il lui refuse la délivrance d'un titre de séjour en qualité d'étudiant, méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté comme inopérant.
10. D'autre part, il ressort des pièces du dossier que M. A..., qui est entré sur le territoire français en août 2019, est célibataire et sans enfant à charge. Le requérant, qui ne fait état d'aucun lien d'une particulière intensité avec son oncle et sa tante qui résident sur le territoire français, n'établit pas être dépourvu de tout lien familial ou privé dans son pays où il a vécu jusqu'à l'âge de vingt-et-un ans et où résident ses parents. Par suite, et alors même que l'intéressé a obtenu des résultats satisfaisants lors de ses études auprès du lycée général et technologique Jules Uhry à Creil au cours de l'année 2019/2020 et qu'il s'est inscrit en première année de licence " Economie et gestion " auprès de l'université Jules Verne de Picardie au titre de l'année universitaire 2020/2021, le préfet de l'Oise, en lui faisant obligation de quitter le territoire français, n'a pas porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de la vie privée et familiale au regard des buts poursuivis par cette décision. En conséquence, le moyen tiré de la violation des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, en ce qu'il est invoqué à l'appui des conclusions à fin d'annulation de la mesure d'éloignement, doit être écarté.
11. En troisième et dernier lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier, compte tenu de ce qui a été dit précédemment, que le préfet de l'Oise, en refusant de délivrer à M. A... un titre de séjour et en lui faisant obligation de quitter le territoire français, aurait entaché ces décisions d'une erreur manifeste d'appréciation de leurs conséquences sur sa situation personnelle. Le moyen doit donc être écarté.
12. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêté du 17 août 2020 par lequel le préfet de l'Oise a rejeté sa demande de titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de quatre-vingt-dix jours et a fixé le pays de destination. Dès lors, ses conclusions à fin d'annulation de cet arrêté, ainsi que celles aux fins d'injonction sous astreinte et celles tendant à l'attribution d'une somme au titre des frais exposés tant en première instance qu'en appel, doivent être rejetées.
ORDONNE :
Article 1er : Le jugement n° 2003218 du 17 décembre 2020 du tribunal administratif d'Amiens est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif d'Amiens ainsi que le surplus des conclusions de sa requête sont rejetés.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... D... A... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de l'Oise.
N°21DA00091 3