Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 15 novembre 2018 et le 11 juin 2019, M. A..., représenté par Me B..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de prononcer la décharge, à hauteur de la somme de 4 444 euros, de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu au titre de l'année 2010, des cotisations supplémentaires de contributions sociales, au titre des années 2009, 2010 et 2011, de l'intérêt de retard ainsi que des majorations des droits qui lui ont été assignés ;
3°) de prononcer la décharge des amendes qui lui ont été infligées, à hauteur de la somme de 30 000 euros, sur le fondement des dispositions du IV de l'article 1736 du code général des impôts, au titre des années 2009, 2010 et 2011, ou, à titre subsidiaire, de limiter le montant de chacune de ces amendes à 1 500 euros.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la Constitution, notamment son Préambule ;
- la convention entre la France et la Belgique, tendant à éviter les doubles impositions et à établir les règles d'assistance administrative et juridique réciproque en matière d'impôts sur les revenus, signée le 10 mars 1964 ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Binand, président-assesseur,
- et les conclusions de M. Arruebo-Mannier, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. M. A... a fait l'objet d'un examen contradictoire de sa situation fiscale personnelle portant sur les années 2009, 2010 et 2011 à l'issue duquel l'administration a estimé qu'il n'avait pas déclaré l'existence d'un compte bancaire ouvert en Belgique, à partir duquel il avait abondé le compte bancaire dont il disposait en France durant la période contrôlée. L'administration a regardé les sommes ayant transité sur ce compte comme imposables et, par deux propositions de rectification en date, respectivement, du 17 décembre 2012 pour l'année 2009 et du 3 avril 2013 pour les années 2010 et 2011, a assigné au contribuable des redressements d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux, sur le fondement de l'article 1649 du code général des impôts, à hauteur d'un montant total, en droits et pénalités, de 4 444 euros, ainsi que trois amendes de 10 000 euros, pour chacune des années en cause, sur le fondement du IV de l'article 1736 du même code. Par un jugement du 21 juin 2018 dont M. A... relève appel, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à la décharge de ces impositions, pénalités et amendes.
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
2. Aux termes de l'article L. 59 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable : " Lorsque le désaccord persiste sur les rectifications notifiées, l'administration, si le contribuable le demande, soumet le litige à l'avis (...) de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires prévue à l'article 1651 du code général des impôts (...) ". Aux termes de l'article L. 59 A du même livre : " I.- La commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires intervient lorsque le désaccord porte : / 1° Sur le montant du résultat industriel et commercial, non commercial, agricole ou du chiffre d'affaires, déterminé selon un mode réel d'imposition ; / (...) / II.- Dans les domaines mentionnés au I, la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires peut, sans trancher une question de droit, se prononcer sur les faits susceptibles d'être pris en compte pour l'examen de cette question de droit. / (...) ". L'administration n'est tenue, à peine d'irrégularité de la procédure d'imposition, de donner suite à une demande, formulée par le contribuable dans le délai de trente jours à compter de la réception de la réponse de l'administration à ses observations, tendant à la saisine de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires que lorsque persiste entre elle-même et le contribuable, à cette étape de la procédure, un désaccord entrant dans le champ de compétence de cette commission.
3. Le désaccord sur le caractère de revenus imposables de sommes transitant sur un compte à l'étranger n'est pas au nombre des questions dont la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires peut connaître en vertu de l'article L. 59 A du livre des procédures fiscales. En conséquence, M. A... n'est pas fondé à soutenir qu'il a été privé de la garantie attachée à la saisine de cette commission, dont il ne disposait pas, comme l'administration le lui a d'ailleurs explicitement indiqué, contrairement à ce qu'il soutient, dans la réponse du 17 mai 2013 à ses observations. Dès lors, le moyen tiré de l'irrégularité dont la procédure d'imposition serait entachée à ce titre doit être écarté.
Sur le bien-fondé des impositions en litige :
4. Aux termes de l'article 1649 A du code général des impôts, dans sa rédaction applicable : " (...) / Les personnes physiques, les associations, les sociétés n'ayant pas la forme commerciale, domiciliées ou établies en France, sont tenues de déclarer, en même temps que leur déclaration de revenus ou de résultats, les références des comptes ouverts, utilisés ou clos à l'étranger. Les modalités d'application du présent alinéa sont fixées par décret. / Les sommes, titres ou valeurs transférés à l'étranger ou en provenance de l'étranger par l'intermédiaire de comptes non déclarés dans les conditions prévues au deuxième alinéa constituent, sauf preuve contraire, des revenus imposables. ". L'article 344 A de l'annexe III à ce code précise notamment que cette déclaration porte sur le ou les comptes ouverts, utilisés ou clos, au cours de l'année ou de l'exercice, par le déclarant, l'un des membres de son foyer fiscal ou une personne rattachée à ce foyer et qu'elle doit être jointe à sa déclaration annuelle de revenus. Au sens et pour l'application de ces dispositions, un compte est réputé avoir été utilisé par l'une de ces personnes dès lors que celle-ci a effectué au moins une opération de crédit ou de débit pendant la période visée par la déclaration, qu'elle soit titulaire du compte ou qu'elle ait agi par procuration, soit pour elle-même, soit au profit d'une personne ayant la qualité de résident.
5. L'administration a constaté, lors des opérations de contrôle, des versements d'espèces sur un compte bancaire français de M. A... à hauteur de la somme de 9 250 euros en 2009, de la somme de 7 280 euros en 2010 et de la somme de 6 245 euros en 2011. M. A... a indiqué, ce qu'il réitère dans ses écritures, que ces fonds provenaient de retraits d'espèces effectués sur un compte qu'il avait ouvert auprès de l'établissement bancaire belge Fortis Bank lors de son installation dans ce pays en 2007. S'il est constant que ce compte n'a pas été déclaré à l'administration des impôts jusqu'à sa clôture en 2012, M. A... fait valoir, toutefois, dans le dernier état de ses écritures, qu'il n'était pas tenu de procéder à cette formalité faute pour l'administration d'établir l'utilisation de ce compte au cours des trois années en litige. Toutefois, il résulte du courrier, en date du 7 juin 2014, que M. A... a adressé à l'administration afin d'apporter des explications sur l'origine des fonds, ainsi que des justificatifs joints à ce courrier, produits devant les premiers juges, que l'intéressé a effectué sur ce compte à plusieurs reprises, au cours de chacune des années contrôlées, des opérations de débit ou de crédit pour l'achat ou la vente de devises étrangères. Dans ces conditions, l'administration établit que les sommes ayant donné lieu aux impositions en litige au titre des trois années en cause ont transité par un compte non déclaré ouvert à l'étranger.
6. Pour faire échec aux présomptions édictées par les dispositions précitées de l'article 1649 A du code général des impôts, il appartient à M. A..., quelle que soit la qualification juridique ou comptable que peut recevoir la somme qui est employée à fin d'être transférée, d'établir que les ressources ayant contribué à la constituer ont, par elles-mêmes, déjà été imposées, ou ne devaient, ou ne pouvaient pas l'être, non seulement au titre de l'année du transfert, mais aussi, le cas échéant, au titre d'années antérieures. M. A... justifie, par les pièces qu'il produit, avoir abondé, à hauteur de 219 993,95 euros, le compte bancaire ouvert en Belgique, par le produit de la vente de son habitation principale en France en 2007, avoir converti à cette occasion la somme de 65 000 euros en dollars américains, avoir utilisé l'essentiel du solde pour acquérir une habitation en Belgique, qu'il a par la suite revendue, en réalisant au demeurant une plus-value l'année suivante, et avoir converti à partir de l'année 2009 des dollars américains crédités en euros sur ce compte. Toutefois, ces éléments ne suffisent pas à établir que les espèces transférées de 2009 à 2011 à partir de ce compte, dont le contribuable n'a produit devant les premiers juges comme en cause d'appel aucun relevé bancaire permettant d'apprécier l'ensemble des mouvements qui y ont été opérés, proviendraient, comme il l'allègue, du remploi, en tout ou partie, du produit de cette vente remontant à l'année 2007 et non d'autres revenus ayant transité sur ce compte. Par suite, c'est à bon droit que l'administration a regardé les versements en provenance de ce compte comme des revenus imposables en application de l'article 1649 A du code général des impôts et les a, en conséquence, assujettis à l'impôt sur le revenu et aux prélèvements sociaux.
Sur les amendes fiscales :
7. Aux termes du IV de l'article 1736 du code général des impôts, dans sa rédaction alors en vigueur : " Les infractions aux dispositions du deuxième alinéa de l'article 1649 A et de l'article 1649 A bis sont passibles d'une amende de 1 500 euros par compte ou avance non déclaré. Toutefois, pour l'infraction aux dispositions du deuxième alinéa de l'article 1649 A, ce montant est porté à 10 000 euros par compte non déclaré lorsque l'obligation déclarative concerne un Etat ou un territoire qui n'a pas conclu avec la France une convention d'assistance administrative en vue de lutter contre la fraude et l'évasion fiscales permettant l'accès aux renseignements bancaires. / (...) ". Il résulte de ces dispositions que les personnes physiques domiciliées en France qui ne déclarent pas les références des comptes ouverts, utilisés ou clos, qu'elles possèdent à l'étranger, sont passibles d'une amende d'un montant forfaitaire par compte non déclaré, dont le montant est majoré lorsque la France n'a pas conclu de convention d'assistance administrative de lutte contre la fraude avec l'Etat dans lequel sont ouverts les comptes non déclarés.
8. En premier lieu, M. A... soutient que les dispositions du IV de l'article 1736 du code général des impôts méconnaissent le principe constitutionnel d'égalité devant la loi pénale, garanti par l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, en ce que les mêmes faits sont susceptibles de donner lieu à l'application de sanctions différentes selon le pays d'implantation de l'établissement bancaire auprès duquel est ouvert le compte concerné. Toutefois, ce moyen, tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution, n'a pas été soulevé dans un mémoire distinct soulevant une question prioritaire de constitutionnalité. Par suite, il est irrecevable en application des dispositions de l'article R. 771-3 du code de justice administrative et ne peut, dès lors, qu'être écarté. Au surplus, il résulte des motifs et du dispositif de la décision n° 2015-481 QPC du 17 septembre 2015 Conseil constitutionnel, que les dispositions du IV de l'article 1736 du code général des impôts dans leur rédaction issue de la loi du 30 décembre 2008, en tant qu'elles sanctionnent d'une amende de 1 500 euros ou de 10 000 euros par compte non déclaré les infractions aux dispositions du deuxième alinéa de l'article 1649 A du code général des impôts sont conformes à la Constitution.
9. En deuxième lieu, M. A... demande la réduction des trois amendes de 10 000 euros qui lui ont été infligées, en faisant valoir que, au regard des stipulations de son article 20, la convention fiscale franco-belge du 10 mars 1964 doit être regardée comme une convention d'assistance administrative en vue de lutter contre la fraude et l'évasion fiscales permettant l'accès aux renseignements bancaires au sens et pour l'application du IV de l'article 1736 du code général des impôts. Toutefois, les stipulations de cet article, dans leur rédaction alors en vigueur antérieure à la modification issue de l'avenant du 7 juillet 2009, entré en vigueur après la publication du décret n° 2013-881 du 1er octobre 2013, prévoient que les autorités fiscales belges et françaises ne fourniront aux autorités compétentes de l'autre Etat contractant aucun renseignement susceptible de porter atteinte à un secret commercial ou industriel, qu'elles pourront refuser tous renseignements dont elles estimeraient que la communication n'est pas réalisable pour des motifs d'ordre public ou qui, en raison de leur nature, ne sont pas susceptibles d'être obtenus dans l'autre Etat contractant d'après la législation fiscale de cet autre Etat et qu'elles pourront refuser de fournir, en ce qui concerne leurs propres ressortissants ou les sociétés et autres personnes morales constituées sous l'empire de leur propre législation, tous renseignements autres que ceux qui sont nécessaires pour la ventilation des revenus de ces contribuables. Ainsi, à la date des infractions en cause, la convention fiscale franco-belge du 10 mars 1964 ne présentait pas le caractère d'une convention d'assistance administrative en vue de lutter contre la fraude et l'évasion fiscales permettant l'accès aux renseignements bancaires, les stipulations correspondantes favorisant l'échange de renseignements pertinents en matière fiscale, sans que ne puisse être opposé le secret bancaire, n'ayant été intégrées à cette convention que par l'article 1er de l'avenant du 7 juillet 2009, entré en vigueur, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, après la publication du décret n° 2013-881 du 1er octobre 2013. Par suite, c'est à bon droit, et sans que M. A... ne puisse utilement exciper de l'absence d'intention frauduleuse, que l'administration a porté le montant de l'amende qu'elle lui a infligée, pour chacune des trois années en cause, à 10 000 euros, en application des dispositions du IV de l'article 1736 du code général des impôts citées au point 7.
10. En troisième et dernier lieu, il est constant que la Belgique ne figure pas sur la liste publiée à l'instruction BOI-ANNX-000270-20120912 recensant au 1er janvier 2010 les Etats ayant conclu une convention d'assistance fiscale en vue de lutter contre la fraude et l'évasion fiscales permettant l'accès aux renseignements bancaires. Par suite, et sans qu'il puisse utilement exciper de l'inscription d'autres Etats, dont notamment la Libye, sur cette même liste, M. A... ne peut se prévaloir, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, de cette instruction qui ne fait pas de la loi fiscale une application différente de celle dont il est fait application par le présent arrêt.
11. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir soulevée par le ministre, que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à la décharge des impositions en litige, ainsi que des amendes fiscales qui lui ont été assignés. Il s'ensuit que sa requête doit être rejetée, en toutes ses conclusions.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A... et au ministre délégué chargé des comptes publics.
Copie en sera adressée à l'administrateur général des finances publiques chargé de la direction spécialisée de contrôle fiscal Nord.
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N°18DA02284