Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 28 mai 2019 et le 3 mars 2020, la SARL Société Centrale de Participations, représentée par Me Wolf, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des impositions en litige, ainsi que la décharge de l'amende mise à sa charge et de prescrire la restitution, assortie des intérêts moratoires, des sommes acquittées par elle à ce titre ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
----------------------------------------------------------------------------------------------------------
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Jean-François Papin, premier conseiller,
- les conclusions de M. Jean-Philippe Arruebo-Mannier, rapporteur public,
- et les observations de Me Wolf, représentant la Société Centrale de Participations.
Considérant ce qui suit :
1. La société à responsabilité limitée (SARL) Société Centrale de Participations, qui a son siège à Lamorlaye (Oise), est une société holding dont les filiales exercent majoritairement leur activité dans le domaine du travail en intérim. Elle a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période allant du 1er janvier 2009 au 31 décembre 2010. A l'issue de ce contrôle, l'administration a remis en cause le caractère de charge déductible de plusieurs dépenses portées en déduction des résultats comptables réalisés par la société au cours des exercices clos en 2009 et 2010, au motif qu'il ne lui apparaissait pas suffisamment établi que ces dépenses avaient été exposées dans l'intérêt de l'entreprise. L'administration a, en outre, estimé que des provisions pour risques financiers constituées au cours des mêmes exercices en ce qui concerne des titres de participations détenus par la Société Centrale de Participations n'avaient, à tort, fait l'objet d'aucune réintégration avant la clôture de ces exercices. Par ailleurs, le service a remis en cause le bénéfice du taux réduit d'imposition, prévu au b du I de l'article 219 du code général des impôts, dont la société avait fait application à une partie de ses bénéfices imposables des exercices clos en 2009 et 2010. Enfin, l'administration a estimé que des dividendes versés par la Société Centrale de Participations à la société andorrane qui détient une partie de son capital social devaient être soumis au prélèvement libératoire prévu à l'article 125 A du code général des impôts. L'administration a fait connaître, sur ces différents points, sa position à la Société Centrale de Participations par une proposition de rectification qu'elle lui a adressée le 5 octobre 2012. Par le même document, elle lui a demandé, en application de l'article 117 du code général des impôts, de lui désigner les bénéficiaires de sommes regardées comme distribuées. La société n'ayant pas été regardée comme ayant apporté une réponse satisfaisante à cette demande, elle s'est vu infliger, au titre des années 2009 et 2010, l'amende prévue à l'article 1759 du même code. Les rectifications notifiées à la Société Centrale de Participations ont été maintenues pour l'essentiel au vu des observations formulées par elle.
2. Le différend persistant entre l'administration et la Société Centrale de Participations a été soumis, à la demande de cette dernière, à la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires qui, après avoir prescrit, par un premier avis émis le 11 mars 2014 à l'issue de sa séance du 31 janvier 2014, un supplément d'instruction, a préconisé, par un second avis du 14 octobre 2015, une réduction des suppléments d'impôts et rappels de taxe contestés tenant compte de l'admission en déduction de la moitié des dépenses enregistrées en tant que charges des exercices clos en 2009 et 2010. L'administration a décidé de suivre cet avis. Les rappels de taxe sur la valeur ajoutée en résultant, sur ces bases, au titre de la période allant du 1er janvier 2009 au 31 décembre 2010, les suppléments d'impôt sur les sociétés, ajustés sur les mêmes bases, auxquels la Société Centrale de Participations a été assujettie au titre des exercices clos en 2009 et 2010, ainsi que le prélèvement libératoire mis à sa charge au titre de l'année 2009 ont été mis en recouvrement, en droits et pénalités, le 17 décembre 2015. L'amende qui lui a été infligée au titre des années 2009 et 2010 a été mise en recouvrement à la même date. La réclamation de la Société Centrale de Participations ayant été rejetée, celle-ci a porté le litige devant le tribunal administratif d'Amiens. Elle relève appel du jugement du 28 mars 2019 par lequel ce tribunal a rejeté sa demande tendant à la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période allant du 1er janvier 2009 au 31 décembre 2010, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2009 et 2010, du prélèvement libératoire mis à sa charge, sur le fondement de l'article 125 A du code général des impôts, au titre de l'année 2009, ainsi que des pénalités dont ces impositions ont été assorties, enfin, de l'amende qui lui a été infligée, sur le fondement de l'article 1759 du même code, au titre des années 2009 et 2010.
3. En vertu du dernier alinéa de l'article L. 10 du livre des procédures fiscales, l'administration doit, avant l'engagement de la vérification de comptabilité prévue aux articles L. 12 et L. 13 de ce livre, remettre au contribuable la charte des droits et obligations du contribuable vérifié, dont les dispositions sont opposables à l'administration. Le paragraphe 5 du chapitre III de cette charte, dans sa version remise à la société appelante, prévoit que : "'Si le vérificateur a maintenu totalement ou partiellement les redressements envisagés, des éclaircissements supplémentaires peuvent vous être fournis si nécessaire par l'inspecteur principal (...). Si après ces contacts des divergences importantes subsistent, vous pouvez faire appel à l'interlocuteur départemental qui est un fonctionnaire de rang élevé spécialement désigné par le directeur dont dépend le vérificateur'". Ces dispositions assurent au contribuable qui en fait la demande la garantie substantielle de pouvoir, dans les conditions qu'elles précisent, obtenir, avant la clôture de la procédure de rectification, un débat avec le supérieur hiérarchique du vérificateur puis avec l'interlocuteur départemental, qui, pour des raisons inhérentes à l'organisation interne de l'administration, peut être régional ou interrégional.
4. Ainsi qu'il a été dit au point 2, la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires a, par un premier avis émis le 11 mars 2014, demandé à l'administration et à la Société Centrale de Participations de se rapprocher et de procéder à une instruction complémentaire en ce qui concerne le chef de rectification afférent à la remise en cause de la déductibilité en tant que charges de plusieurs dépenses et, à défaut d'accord, de lui soumettre à nouveau ce différend pour qu'il soit examiné au cours d'une autre séance. En notifiant à la Société Centrale de Participations, par une lettre datée du 10 avril 2014, l'avis de la commission, la vérificatrice a proposé à cette société de rencontrer ses représentants, dans les bureaux du service et en présence de sa supérieure hiérarchique directe. Cette dernière a, par un courrier adressé le 5 août 2014 à la Société Centrale de Participations, confirmé à cette société qu'à l'issue de cette rencontre, qui s'était tenue le 16 mai 2014 et au cours de laquelle les représentants de la société avaient évoqué les conséquences susceptibles de résulter pour elle de la vérification de comptabilité, le désaccord persistait, malgré un examen attentif du dossier, sur le caractère déductible de certaines dépenses, au sujet desquelles aucun élément nouveau n'avait d'ailleurs, selon l'inspectrice principale, été produit. Par ce même courrier, cette autorité confirmait également que le différend persistant sur ce point serait de nouveau soumis à l'appréciation de la commission départementale. La commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires, qui a en conséquence été saisie de nouveau, a, dans un avis émis le 14 octobre 2015, proposé une réduction des suppléments d'impôts et rappels de taxe contestés, tenant compte de l'admission d'une partie des dépenses en cause. Après acceptation, le 3 novembre 2015, de cette proposition par l'administration, la Société Centrale de Participations a demandé, par un courrier adressé au service par son conseil le 10 novembre 2015, à bénéficier " des recours hiérarchiques prévus par la charte du contribuable vérifié ". L'administration a alors proposé à la Société Centrale de Participations que ses représentants soient reçus par l'interlocuteur fiscal interrégional et cet entretien s'est tenu le 14 décembre 2015. En revanche, estimant que la société avait épuisé les voies de recours administratif qui lui étaient ouvertes dans le cadre de la procédure de rectification contradictoire, l'administration a refusé, le 29 décembre 2015, de faire droit à sa demande, en date du 21 décembre 2015, tendant à l'exercice d'un autre recours hiérarchique.
5. Il résulte de ce qui a été dit au point précédent que la réunion qui s'est tenue le 16 mai 2014 dans les locaux de l'administration a été organisée par cette dernière, sur la proposition de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires, afin d'approfondir l'analyse du dossier et le dialogue contradictoire avec la Société Centrale de Participations en ce qui concerne les dépenses dont la déductibilité en tant que charges avait été remise en cause par le service et, le cas échéant, d'éclairer la commission en vue d'un nouvel examen de ce chef de rectification. Il est, en outre, constant qu'à la date de cette réunion, la Société Centrale de Participations, bien qu'ayant reçu la réponse apportée par le service le 12 février 2013 aux observations qu'elle avait formulées quant aux rectifications notifiées, n'avait pas encore connaissance de la position prise par l'administration sur le différend les opposant, ni n'avait encore demandé à bénéficier des voies de recours hiérarchiques prévus par la charte des droits et obligations du contribuable vérifié, ce qu'il lui était loisible de faire jusqu'à la mise en recouvrement des impositions. Ainsi et contrairement à ce que soutient le ministre, la réunion du 16 mai 2014 ne peut, dans ces conditions, et eu égard, d'une part, au fait que la position de l'administration n'était pas fixée à la date à laquelle elle est intervenue, d'autre part, à son objet partiel, confirmé par le courrier adressé le 5 août 2014 par la supérieure hiérarchique de la vérificatrice, être regardée comme procédant de la mise en œuvre de la voie de recours hiérarchique de premier niveau prévue par les dispositions, citées au point 3, de la charte des droits et obligations du contribuable vérifié. Dès lors, en s'abstenant, en dépit d'une demande suffisamment explicite et formée en temps utile par la Société Centrale de Participations, d'ouvrir cette voie de recours à cette dernière, l'administration a commis une irrégularité de procédure qui, sans qu'ait d'incidence le fait que les représentants de cette société ont pu s'entretenir, dans le cadre de l'exercice du recours hiérarchique de second niveau, avec l'interlocuteur fiscal interrégional, a conduit à priver la Société Centrale de Participations de la garantie substantielle, ouverte par la charte des droits et obligations du contribuable vérifié, tenant à pouvoir obtenir, avant la clôture de la procédure de rectification, un débat avec le supérieur hiérarchique du vérificateur, sur l'ensemble des chefs de rectification notifiés. Par suite, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, la Société Centrale de Participations est fondée à demander, pour ce motif, la décharge, en droits et pénalités, des impositions en litige, de même que celle de l'amende qui lui a été infligée pour absence de désignation des bénéficiaires des revenus réputés distribués.
6. Il résulte de tout ce qui précède que la Société Centrale de Participations est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande tendant à la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période allant du 1er janvier 2009 au 31 décembre 2010, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2009 et 2010, du prélèvement libératoire mis à sa charge, sur le fondement de l'article 125 A du code général des impôts, au titre de l'année 2009, ainsi que des pénalités dont ces impositions ont été assorties, enfin, de l'amende qui lui a été infligée, sur le fondement de l'article 1759 du même code, au titre des années 2009 et 2010. La décharge des impositions, pénalités et de l'amende en litige, prononcée par le présent arrêt, implique nécessairement, sans qu'il soit besoin pour la cour de prescrire une mesure d'exécution en ce sens, que l'administration restitue à la Société Centrale de Participations les sommes que celle-ci aurait d'ores-et-déjà versées à ce titre, en les majorant des intérêts moratoires prévus à l'article L. 208 du livre des procédures fiscales. Enfin, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat, sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la Société Centrale de Participations et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1601760 du 28 mars 2019 du tribunal administratif d'Amiens est annulé.
Article 2 : La SARL Société Centrale de Participations est déchargée des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période allant du 1er janvier 2009 au 31 décembre 2010, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2009 et 2010, du prélèvement libératoire mis à sa charge, sur le fondement de l'article 125 A du code général des impôts, au titre de l'année 2009, ainsi que des pénalités dont ces impositions ont été assorties, enfin, de l'amende qui lui a été infligée, sur le fondement de l'article 1759 du même code, au titre des années 2009 et 2010.
Article 3 : L'Etat versera à la SARL Société Centrale de Participations la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de la SARL Société Centrale de Participations est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Société Centrale de Participations et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.
Copie en sera transmise à l'administrateur général des finances publiques chargé de la direction spécialisée de contrôle fiscal Nord.
1
5
N°19DA01238