Par une requête, enregistrée le 15 octobre 2021, le préfet du Nord, représenté par Me Termeau, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. E... devant le tribunal administratif de Lille.
Il soutient que :
- contrairement à ce qu'a relevé le premier juge, la décision du 16 février 2021 de la Cour nationale du droit d'asile rejetant la demande d'asile de M. E... lui a été notifiée antérieurement à la date d'édiction de l'arrêté contesté, ainsi qu'il ressort de la fiche " Telemofpra " produite en appel, de sorte que celui-ci ne disposait plus, à la date de cet arrêté, du droit de se maintenir sur le territoire français ;
- les autres moyens soulevés par M. E... ne sont pas fondés.
Par un mémoire, enregistré le 13 janvier 2022, M. E..., représenté par Me Danset-Vergoten, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 1 500 euros à verser à son conseil soit mise à la charge de l'Etat au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la décision contestée est entachée d'un défaut d'examen particulier de sa situation ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
Par une ordonnance du 27 janvier 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au 11 février 2022.
M. E... a été maintenu de plein droit au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 9 décembre 2021.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Christian Heu, président de chambre, a été entendu, au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B... E..., ressortissant nigérian né le 15 août 1982 à Benin City (Nigeria), est entré irrégulièrement en France en février 2020, selon ses déclarations. Il a présenté, le 3 mars 2020, une demande d'asile. Sa demande d'asile a été rejetée par une décision du 25 septembre 2020 de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, confirmée par une décision de la Cour nationale du droit d'asile en date du 16 février 2021. M. E... a fait l'objet, le 26 juillet 2021, d'un contrôle d'identité au cours duquel sa situation irrégulière au regard du droit au séjour a été mise en évidence. Par un arrêté du 27 juillet 2021, le préfet du Nord lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de renvoi et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an. Le préfet du Nord relève appel du jugement du 15 septembre 2021 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille, d'une part, a annulé cet arrêté, d'autre part, lui a enjoint de procéder au réexamen de la situation de M. E... et de lui délivrer, dans cette attente, une autorisation provisoire de séjour, dans le délai d'un mois à compter de la date de notification de ce jugement, enfin, a mis à la charge de l'Etat une somme de 800 euros à verser à son conseil au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Sur le motif d'annulation retenu par le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille :
2. Aux termes de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants : / (...) / 4° La reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé à l'étranger ou il ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application des articles L. 542-1 et L. 542-2, à moins qu'il ne soit titulaire de l'un des documents mentionnés au 3° ; / (...) ". Aux termes de l'article L. 542-1 du même code : " En l'absence de recours contre la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides dans le délai prévu à l'article L. 532-1, le droit de se maintenir sur le territoire français prend fin à la notification de cette décision. / Lorsqu'un recours contre la décision de rejet de l'office a été formé dans le délai prévu à l'article L. 532-1, le droit du demandeur de se maintenir sur le territoire français prend fin à la date de la lecture en audience publique de la décision de la Cour nationale du droit d'asile ou, s'il est statué par ordonnance, à la date de la notification de celle-ci. ". Aux termes de l'article L. 542-4 de ce code : " L'étranger auquel la reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé ou qui ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application de l'article L. 542-2 et qui ne peut être autorisé à demeurer sur le territoire à un autre titre doit quitter le territoire français, sous peine de faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français. ". Aux termes de l'article R. 532-54 du même code : " Le secrétaire général de la Cour nationale du droit d'asile notifie la décision de la cour au requérant par lettre recommandée avec demande d'avis de réception et l'informe dans une langue qu'il comprend ou dont il est raisonnable de penser qu'il la comprend du caractère positif ou négatif de la décision prise. Il la notifie également au directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides. ". Enfin, aux termes de l'article R. 532-57 de ce code : " La date de notification de la décision de la Cour nationale du droit d'asile qui figure dans le système d'information de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, et qui est communiquée au préfet compétent et au directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration au moyen de traitements informatiques, fait foi jusqu'à preuve du contraire. ".
3. Il résulte de ces dispositions que l'étranger qui demande l'asile a le droit de séjourner sur le territoire français à ce titre jusqu'à ce que la décision rejetant sa demande, pour le cas où une telle décision est prise, lui soit notifiée régulièrement par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou, si un recours a été formé contre cette décision, jusqu'à la date de la lecture de la décision de la Cour nationale du droit d'asile. En l'absence de notification de la décision rejetant la demande d'asile présentée par l'intéressé, l'autorité administrative ne peut regarder l'étranger à qui l'asile a été refusé comme ne bénéficiant plus de son droit provisoire au séjour ou comme se maintenant irrégulièrement sur le territoire. En cas de contestation sur ce point, il appartient à l'autorité administrative de justifier que la décision de la Cour nationale du droit d'asile a été régulièrement notifiée à l'intéressé, le cas échéant en sollicitant la communication de la copie de l'avis de réception auprès de la cour.
4. Il ressort des termes mêmes de l'arrêté du 27 juillet 2021 que le préfet du Nord, pour faire obligation à M. E... de quitter le territoire français, a relevé que l'intéressé avait vu sa demande d'asile rejetée par une décision de la Cour nationale du droit d'asile, que cette décision lui avait été notifiée et qu'ainsi, l'intéressé ne bénéficiait plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application des dispositions du 4° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Le premier juge a cependant annulé cet arrêté au motif que le préfet du Nord ne produisait aucun élément de nature à établir que la décision de la Cour nationale du droit d'asile avait été régulièrement notifiée à M. E..., antérieurement à la date d'édiction de cet arrêté, ainsi qu'il est mentionné dans l'arrêté, alors que ce dernier soutenait, devant lui, que le préfet n'apportait pas la preuve de la notification du rejet de sa demande d'asile par la Cour nationale du droit d'asile. Toutefois, il ressort des pièces produites en appel par le préfet du Nord et, notamment, de la fiche " Telemofpra ", que la décision de la Cour nationale du droit d'asile en date du 16 février 2021 rejetant la demande d'asile présentée par M. E... lui a été notifiée antérieurement à la date d'édiction de l'arrêté contesté. Dans ces conditions, le préfet du Nord est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a annulé la décision, contenue dans l'arrêté du 27 juillet 2021, faisant obligation à M. E... de quitter le territoire français, au motif que la décision de la Cour nationale du droit d'asile ne lui aurait pas été notifiée, ainsi que, par voie de conséquence, les autres décisions contenues dans cet arrêté.
5. Il appartient toutefois à la cour, saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. E... tant en première instance qu'en appel.
Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :
6. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que Mme C... A..., adjointe à la cheffe du bureau de la lutte contre l'immigration irrégulière de la préfecture du Nord, signataire de l'arrêté contesté, disposait d'une délégation, en vertu de l'arrêté du 19 juillet 2021, régulièrement publié le même jour au recueil spécial des actes administratifs de la préfecture du Nord, à l'effet de signer, en l'absence de la cheffe du bureau de la lutte contre l'immigration, les décisions contestées. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de la décision, contenue dans l'arrêté contesté, faisant obligation à M. E... de quitter le territoire français manque en fait et doit, dès lors, être écarté.
7. En deuxième lieu, il ressort des motifs mêmes de l'arrêté contesté que ceux-ci, qui ne se limitent pas à reprendre des formules préétablies, énoncent de manière détaillée les motifs de droit et les considérations de fait tenant à la situation personnelle de M. E..., sur lesquels le préfet du Nord s'est fondé pour lui faire obligation de quitter le territoire français. Par suite, et alors que le préfet n'avait pas à reprendre expressément et de manière exhaustive l'ensemble des éléments relatifs à la situation personnelle, familiale ou professionnelle de l'intéressé, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de la décision faisant obligation à M. E... de quitter le territoire français manque en fait et doit, dès lors, être écarté.
8. En troisième lieu, il n'est pas contesté que M. E..., à l'occasion du dépôt de sa demande d'asile en préfecture, a été mis à même de faire valoir tous éléments d'information utiles. De même, au cours de son audition le 26 juillet 2021 par un officier de police judicaire, l'intéressé a été informé que le préfet du Nord était susceptible de prendre à son encontre une mesure d'éloignement et a été invité à formuler des observations orales. Il ne ressort des pièces du dossier que l'intéressé ait sollicité, en vain, un entretien avec les services préfectoraux ni qu'il ait été empêché de présenter des observations avant que ne soit prise la décision contestée. Dès lors, le moyen tiré de ce que la décision faisant obligation à M. E... de quitter le territoire français aurait été édictée en méconnaissance des droits de la défense et du principe du contradictoire, doit être écarté.
9. En quatrième lieu, il ressort des pièces du dossier, et des termes mêmes de l'arrêté contesté, que le préfet du Nord, pour obliger M. E... à quitter le territoire français, a procédé à un examen particulier et attentif de la situation de l'intéressé. Par suite, le moyen tiré du défaut d'examen particulier de la situation de M. E..., doit être écarté.
10. En cinquième lieu, aux termes des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...). / Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
11. M. E... fait valoir qu'il exerce des activités de bénévolat au sein de plusieurs associations caritatives et qu'il suit des cours de français. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que l'intéressé, qui est entré en France en février 2020, est célibataire, selon ses déclarations, et n'est pas dépourvu de liens privés ou familiaux dans son pays d'origine où il a vécu jusqu'à l'âge de trente-sept ans. Dans ces conditions, M. E... n'est pas fondé à soutenir que la décision contestée a porté au droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels cette décision a été prise. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.
12. En sixième lieu, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".
13. M. E... soutient qu'il ferait l'objet de mauvais traitements et de violences en cas de retour au Nigeria en raison de son orientation sexuelle. Toutefois, l'intéressé, dont la demande d'asile a d'ailleurs été rejetée par la Cour nationale du droit d'asile, ne produit aucun élément probant ni circonstancié de nature à établir qu'il craindrait réellement pour sa sécurité ou son intégrité en cas de retour dans son pays. Par suite, le moyen tiré de la violation des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit, en tout état de cause, être écarté.
14. En septième lieu, le moyen tiré de ce que la décision faisant obligation à M. E... de quitter le territoire français est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation doit être écarté pour les mêmes motifs que ceux exposés aux points 11 et 13.
Sur la décision de refus d'attribution d'un délai de départ volontaire :
15. En premier lieu, il ressort des termes mêmes de l'arrêté contesté que cet arrêté, en ce qu'il refuse d'accorder à M. E... un délai de départ volontaire, mentionne, notamment que celui-ci, qui ne justifie pas être entré régulièrement sur le territoire français, n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour et ne présente pas de garanties de représentativité suffisante, faute de présenter des documents d'identité ou de voyage en cours de validité et de justifier d'un domicile stable, relève des dispositions de l'article L. 612-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui permettent à l'autorité préfectorale, en application de l'article L. 612-2 du même code, de refuser d'accorder à l'intéressé un délai de départ volontaire. Ainsi, cette décision comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de la décision refusant d'accorder à M. E... un délai de départ volontaire doit être écarté.
16. En deuxième lieu, il résulte de ce qui a été dit aux points 6 à 14 que M. E..., à l'appui de ses conclusions tendant à l'annulation de la décision refusant de lui accorder un délai de départ volontaire, n'est pas fondé à invoquer, par la voie de l'exception, l'illégalité de la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français.
17. En troisième lieu, il ressort des pièces du dossier et, notamment, des motifs mêmes de la décision contestée que le préfet du Nord, avant de refuser d'accorder à M. E... un délai de départ volontaire, a procédé à un examen particulier et attentif de la situation personnelle de l'intéressé. Par suite, le moyen tiré du défaut d'examen particulier doit être écarté.
Sur la décision fixant le pays de destination :
18. En premier lieu, il ressort des motifs mêmes de l'arrêté contesté que ceux-ci mentionnent, sous le visa des dispositions pertinentes du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, notamment de celles de l'article L. 721-4 de ce code, la nationalité de M. E... et précisent que celui-ci, dont la demande d'asile a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et la Cour nationale du droit d'asile, n'établit pas qu'il serait exposé à des peines ou à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de retour dans son pays d'origine. Ces motifs, qui n'avaient pas à détailler les raisons précises ayant conduit le préfet du Nord à cette conclusion, doivent être regardés comme comportant l'énoncé des considérations de droit et de fait sur lesquelles se fonde la décision fixant le pays à destination duquel M. E... pourra être reconduit d'office. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de cette décision doit être écarté.
19. En second lieu, il résulte de ce qui a été dit aux points 6 à 14 que M. E..., à l'appui de ses conclusions tendant à l'annulation de la décision fixant le pays de destination, n'est pas fondé à invoquer, par la voie de l'exception, l'illégalité de la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français.
Sur la décision portant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an :
20. Aux termes de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, l'autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour. / (...) ". Aux termes de l'article L. 612-10 de ce code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. / (...). ".
21. En premier lieu, il ressort des dispositions de l'article L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que l'autorité préfectorale doit faire état, dans sa décision, des éléments de la situation de l'intéressé au vu desquels elle a arrêté, dans son principe et dans sa durée, la décision lui faisant interdiction de retour sur le territoire français, eu égard notamment à la durée de la présence de l'étranger sur le territoire français, à la nature et à l'ancienneté de ses liens avec la France et, le cas échéant, aux précédentes mesures d'éloignement dont il a fait l'objet. Elle doit aussi, si elle estime que figure au nombre des motifs qui justifie sa décision une menace pour l'ordre public, indiquer les raisons pour lesquelles la présence de l'intéressé sur le territoire français doit, selon elle, être regardée comme une telle menace. En revanche, si, après prise en compte de ce critère, elle ne retient pas cette circonstance au nombre des motifs de sa décision, elle n'est pas tenue, à peine d'irrégularité, de le préciser expressément.
22. Pour prononcer la décision faisant interdiction à M. E... de retour sur le territoire français pour une durée d'un an, le préfet du Nord a retenu, notamment, qu'alors même que sa présence sur le territoire français ne représente pas une menace à l'ordre public et qu'il n'a pas déjà fait l'objet d'une mesure d'éloignement, l'intéressé, qui est entré très récemment sur le territoire français, ne fait état d'aucune attache privée ou familiale sur le territoire français et n'établit pas être isolé dans son pays d'origine. Par suite, la décision contestée comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Dès lors, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de cette décision, tant dans son principe que dans sa durée, doit être écarté.
23. En deuxième lieu, il résulte de ce qui a été dit aux points 6 à 18 que M. E..., à l'appui de ses conclusions tendant à l'annulation de la décision lui faisant interdiction de retour sur le territoire français, n'est pas fondé à invoquer, par la voie de l'exception, l'illégalité de la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français sans délai.
24. En troisième lieu, il ressort des termes mêmes de l'arrêté contesté que le préfet du Nord, pour faire interdiction à M. E... de retour sur le territoire français pour une durée d'un an, a procédé à un examen particulier et attentif de la situation de l'intéressé. Par suite, le moyen tiré du défaut d'examen particulier de la situation de M. E... doit être écarté.
25. En quatrième lieu, M. E... ne peut utilement invoquer la méconnaissance des dispositions des articles L. 612-7 et L. 612-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'aucun délai de départ volontaire ne lui a été accordé par le préfet du Nord.
26. En cinquième lieu, il ressort des pièces du dossier que le préfet du Nord, en prononçant à l'encontre de M. E... une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an, n'a, compte tenu de la durée du séjour sur le territoire français de l'intéressé qui n'établit pas y disposer de liens familiaux ni de liens personnels particuliers, nullement méconnu les dispositions de l'article L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ni entaché cette décision d'une erreur d'appréciation, alors même que la présence de l'intéressé sur le territoire français ne constitue pas une menace pour l'ordre public. Les moyens tirés de ce que cette décision méconnaît les dispositions de l'article L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est entachée d'une erreur d'appréciation doivent donc être écartés.
27. En sixième et dernier lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier, compte tenu de ce qui a été dit aux points 11 et 26, que le préfet du Nord, en faisant interdiction à M. E... de retour sur le territoire français pour une durée d'un an, aurait méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
28. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet du Nord est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille, d'une part, a annulé les décisions, contenues dans l'arrêté du 27 juillet 2021, faisant obligation à M. E... de quitter le territoire français sans délai, fixant le pays de destination de la mesure d'éloignement et lui interdisant le retour sur le territoire français pour une durée d'un an, d'autre part, lui a enjoint de procéder au réexamen de la situation de M. E... et lui délivrer, dans cette attente, une autorisation provisoire de séjour, enfin, a mis à la charge de l'Etat le versement au conseil de M. E... la somme de 800 euros au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, et à demander le rejet des conclusions présentées par M. E... devant le tribunal administratif de Lille. Par voie de conséquence les conclusions de M. E... tendant à ce que la cour mette à la charge de l'Etat une somme au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 2106021 du 15 septembre 2021 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille, à l'exception de son article premier admettant M. E... au bénéfice de l'aide juridictionnelle à titre provisoire, est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. E... devant le tribunal administratif de Lille ainsi que les conclusions qu'il a présentées devant la cour sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur, au préfet du Nord, à M. B... E... et à Me Danset-Vergoten.
Délibéré après l'audience publique du 3 mars 2022 à laquelle siégeaient :
- M. Christian Heu, président de chambre,
- M. Mathieu Sauveplane, président-assesseur,
- M. Jean-François Papin, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 mars 2022.
Le premier vice-président,
président de chambre, rapporteur,
Signé : C. HEUL'assesseur le plus ancien,
Signé : M. D...
La greffière,
Signé : N. ROMERO
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme,
La greffière,
Nathalie Roméro
N°21DA02429 2