3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- la décision n° 97-395 DC du 30 septembre 1997 du Conseil constitutionnel ;
- le code de justice administrative.
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Binand, président-assesseur,
- les conclusions de M. Arruebo-Mannier, rapporteur public,
- et les observations de Me B..., substituant Me A..., pour M. C....
Considérant ce qui suit :
1. La société DK Logistic France, qui exerçait une activité de commercialisation de radiateurs électriques, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er janvier 2008 au 31 mai 2011. Au cours des opérations de contrôle, il est apparu que la société DK Logistic France n'avait pas soumis à la taxe sur la valeur ajoutée deux factures établies, respectivement, le 31 décembre 2008 pour un montant de 2 425 000 euros et le 14 janvier 2010 pour un montant de 2 617 415 euros, correspondant, selon elle, à des livraisons intra-communautaires destinées à la société de droit belge DK France Calortec. Par une proposition de rectification du 16 décembre 2011, l'administration a assigné à la société DK Logistic France, d'une part, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée, d'autre part, des majorations pour manquement délibéré sur le fondement du a. de l'article 1729 du code général des impôts, enfin, deux amendes, sur le fondement du I de l'article 1737 du code général des impôts, le montant total des redressements ainsi mis à sa charge s'élevant à la somme de 2 588 966 euros. Après la clôture de la liquidation judiciaire de la société DK Logistic France, le tribunal de grande instance de Lille, par un jugement du 12 février 2015, a déclaré, sur le fondement de l'article L. 267 du livre des procédures fiscales, M. C..., qui assurait antérieurement la présidence de cette société, solidairement et personnellement responsable des dettes fiscales de cette dernière à hauteur de la somme de 2 589 325 euros, incluant ces redressements ainsi qu'un rappel de cotisation foncière des entreprises d'un montant de 359 euros. M. C..., après avoir saisi l'administration d'une réclamation datée du 26 juin 2015 qui a été rejetée le 10 septembre suivant, a demandé au tribunal administratif de Lille la décharge, en droits et pénalités, des impositions dont le paiement a ainsi été mis solidairement à sa charge. Il relève appel du jugement du 10 juillet 2018 par lequel le tribunal a rejeté sa demande.
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
2. En premier lieu, M. C... se borne à reprendre en cause d'appel, sans l'assortir d'éléments nouveaux en droit ou en fait, le moyen tiré de ce qu'il a été privé d'un débat oral et contradictoire avec le vérificateur au cours des opérations de contrôle de la société, DK Logistic France dont il assurait alors la représentation. Il y a lieu, par adoption des motifs retenus à bon droit aux points 4 et 5 du jugement attaqué, d'écarter ce moyen.
3. En second lieu, aux termes de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales : " L'administration est tenue d'informer le contribuable de la teneur et de l'origine des renseignements et documents obtenus de tiers sur lesquels elle s'est fondée pour établir l'imposition faisant l'objet de la proposition prévue au premier alinéa de l'article L. 57 ou de la notification prévue à l'article L. 76. Elle communique, avant la mise en recouvrement, une copie des documents susmentionnés au contribuable qui en fait la demande ". Il résulte de ces dispositions qu'il incombe à l'administration, quelle que soit la procédure d'imposition mise en oeuvre, et au plus tard avant la mise en recouvrement, d'informer le contribuable dont elle envisage soit de rehausser, soit d'arrêter d'office les bases d'imposition, de l'origine et de la teneur des documents et renseignements obtenus auprès de tiers, qu'elle a utilisés pour fonder les impositions, avec une précision suffisante pour mettre à même l'intéressé d'y avoir accès avant la mise en recouvrement des impositions qui en procèdent.
4. M. C... soutient que l'administration a méconnu les dispositions de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales, faute d'avoir communiqué à la société DK Logistic France, avant la mise en recouvrement des rappels de taxe et des pénalités contestées, les documents reçus des autorités belges sur lesquels elle s'est fondée pour assigner à la société ces redressements. Toutefois, il résulte de l'instruction, et il n'est d'ailleurs pas contesté, qu'à l'issue de la vérification de comptabilité de la société DK Logistic France, une copie de la proposition de rectification a été remise en main propre au liquidateur judicaire de la société ainsi qu'à M. C..., en sa qualité de président de la société qui était alors placée en liquidation judiciaire. Il résulte des mentions de ce document, versé au dossier de première instance, qu'il précisait l'origine et la teneur des renseignements ayant trait à la facture du 31 décembre 2008 que, seuls, les autorités belges avaient communiqué à l'administration fiscale, la proposition de rectification mentionnant par ailleurs qu'aucun élément concernant la seconde facture n'avait été communiqué à l'administration. Dans ces conditions, la société DK Logistic France, qui, pas plus que son liquidateur, n'a demandé la communication des documents relatifs à ces renseignements avant la mise en recouvrement des impositions, le 27 février 2012, n'a pas été privée de la garantie attachée aux dispositions de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales. Par suite, M. C..., qui, n'ayant pas fait l'objet d'un redressement, ne peut davantage revendiquer personnellement cette garantie à son égard, n'est pas fondé à soutenir que la procédure d'imposition de la société DK Logistic France est entachée à ce titre d'une irrégularité affectant les impositions en litige.
Sur la communication à M. C... du dossier fiscal de la société Dk Logistic France :
5. Afin de garantir la possibilité d'un recours juridictionnel effectif, l'administration est tenue de faire droit à la demande du débiteur solidaire de se voir communiquer tout document utile à la contestation de la régularité de la procédure, du bien-fondé et de l'exigibilité des impôts, taxes et cotisations obligatoires ainsi que des pénalités et majorations correspondantes au paiement solidaire desquels il est tenu. Lorsque l'administration produit en cours d'instance, soit spontanément, soit à la suite d'une mesure d'instruction ordonnée par le juge de l'impôt, saisi par le débiteur solidaire d'une demande en ce sens, y compris pour la première fois en cause d'appel, les éléments du dossier fiscal nécessaires à la défense de ses intérêts, la circonstance que le service ait initialement refusé de communiquer ces éléments au débiteur solidaire est sans influence sur la possibilité de mettre en oeuvre la solidarité. Dans la présente affaire, il résulte de l'instruction, et il n'est pas contesté, que M. C... a été rendu destinataire, au cours de la procédure de première instance, des documents communiqués par les autorités belges sur lesquels l'administration s'est fondée pour assigner les impositions contestées et dont il lui avait vainement demandé la communication à l'occasion de la réclamation du 26 juin 2015. Par suite, M. C..., qui a été mis à même de discuter utilement ces éléments dans le cadre des échanges contradictoires entre les parties, n'a pas été privé de l'exercice du recours juridictionnel effectif devant le juge de l'impôt ouvert au débiteur solidaire.
Sur le bien-fondé des impositions :
6. En premier lieu, aux termes de l'article 262 ter du code général des impôts: " I. - Sont exonérés de la taxe sur la valeur ajoutée : / 1° Les livraisons de biens expédiés ou transportés sur le territoire d'un autre Etat membre de la Communauté européenne à destination d'un autre assujetti ou d'une personne morale non assujettie. / (...) ".
7. L'administration a remis en cause le bénéfice de l'exonération prévue par les dispositions du 1° du I de l'article 262 ter du code général des impôts pour la vente de biens facturés, pour des montants de 2 425 200 euros et 2 617 415 euros, par la société DK Logistic France, les 31 décembre 2008 et 14 janvier 2010, à la société de droit belge DK France Calortec, également détenue et dirigée par M. C... au motif que les biens en cause n'avaient pas été effectivement livrés en Belgique.
8. Aux termes du premier alinéa de l'article R. 194-1 du livre des procédures fiscales : " Lorsque, ayant donné son accord à la rectification ou s'étant abstenu de répondre dans le délai légal à la proposition de rectification, le contribuable présente cependant une réclamation faisant suite à une procédure contradictoire de rectification, il peut obtenir la décharge ou la réduction de l'imposition, en démontrant son caractère exagéré ". Il n'est pas contesté que, ni la société DK Logistic France ni son liquidateur judiciaire n'ont répondu à la proposition de rectification qui leur a été adressée. Par suite, il appartient à M. C... de rapporter la preuve de l'exagération des redressements en litige, dont il est solidairement tenu au paiement.
9. M. C... fait valoir, en ce qui concerne la facture du 31 décembre 2008, que cette facture correspond à la vente par la société DK Logistic France à la société DK France Calortec de radiateurs électriques destinés à être revendus en Grande-Bretagne, que cette opération a été annulée en raison d'un aléa commercial, et que ces biens ont, en définitive, été rachetés au même prix hors taxe sur la valeur ajoutée, par la société Groupe Calortec (ex Palayer ), établie en France qu'il dirigeait alors également, pour être ensuite revendus en France. Si la société DK Logistic France a été en mesure de présenter des bons de transport vers la Belgique, ainsi que le mentionnent la proposition de rectification du 16 décembre 2011 et le jugement du 12 février 2015 du tribunal de grand instance de Lille, l'administration a relevé, toutefois, qu'il lui était impossible de valider le circuit des marchandises, dès lors qu'existait une incohérence dans la chronologie des évènements, les biens achetés à la société DK Logistic France par la société DK France Calortec le 31 décembre 2008, selon les mentions de cette facture, ayant été revendus à la société Groupe Calortec le 30 septembre 2008, soit antérieurement à leur achat. L'administration a noté, en outre, que ces deux factures d'achat et de revente avaient été annulées entre elles, dans la comptabilité de la société DK France Calortec, par une écriture d'opération diverse et qu'aucune des trois sociétés n'avaient déclaré d'échanges communautaires à hauteur des montants concernés. Outre ces éléments, l'administration a également constaté que l'évolution des stocks des sociétés ne corroborait pas le circuit de commercialisation dont M. C... avait fait état lors des opérations de vérification. Enfin, selon les déclarations du comptable de la société DK France Calortec aux autorités belges, ce mécanisme visait à éviter de supporter le préfinancement de la taxe sur la valeur ajoutée due en France. Dans ces conditions, M. C..., en se bornant à se prévaloir de l'existence de bons de livraison en Belgique et à alléguer des erreurs de facturation, n'apporte pas d'éléments propres à la situation de la société DK Logistic France permettant d'infirmer les renseignements obtenus par l'administration des autorités belges et, par suite, à établir la réalité de la livraison intracommunautaire en cause et à démontrer en conséquence le caractère exagéré du rappel de taxe sur la valeur ajoutée assigné à ce titre à la société DK Logistic France. Au regard de l'ensemble de ces éléments, qui sont d'ailleurs repris par le jugement du tribunal de grande instance de Lille, l'administration était en droit de remettre en cause l'exonération de taxe sur la valeur ajoutée prévue au 1° du I de l'article 262 ter du code général des impôts qui avait été appliquée par la société à cette opération.
10. S'agissant de la seconde facture, il résulte de l'instruction, et il n'est pas contesté, d'une part, que cette facture, datée du 14 janvier 2010, a été comptabilisée par la société DK Logistic France au titre de l'exercice 2009 et n'apparaît pas dans la comptabilité de la société de droit belge DK France Calortec, d'autre part, que la société DK Logistic France n'a pas été en mesure de présenter, au cours des opérations de contrôle, de document établissant la réalité d'une livraison intracommunautaire. M. C..., qui se borne à soutenir que l'administration a remis en cause l'exonération de la taxe sur la valeur ajoutée sur le fondement d'informations obtenues de tiers et à invoquer la destruction des archives de la société DK Logistic France à la suite d'un sinistre survenu en 2013, soit deux ans après la fin de la vérification de comptabilité, n'a produit devant les premiers juges, et ne le fait davantage devant la cour, aucun commencement de preuve de l'expédition ou du transport hors de France des biens facturés par la société DK Logistic France. Dès lors, l'administration était en droit de remettre en cause l'exonération de taxe sur la valeur ajoutée, prévue au 1° du I de l'article 262 ter du code général des impôts, appliquée par la société à cette opération.
11. En deuxième lieu, M. C... fait valoir que, pris dans leur ensemble, les agissements reprochés par l'administration à la société Dk Logistic France n'ont pu emporter aucune incidence défavorable pour le Trésor public, dans la mesure où la facturation par cette société à la société Groupe Calortec, sans interposition d'une livraison intra-communautaire, aurait donné lieu à la collecte par la société Dk Logistic France de la taxe sur la valeur ajoutée applicable aux opérations en cause, mais également à la déduction de cette taxe, pour un même montant, de la taxe sur la valeur ajoutée collectée par la société Groupe Calortec à l'occasion de la revente de ces biens à ses clients. Toutefois, il n'apporte, au soutien de ses allégations, aucun élément circonstancié de nature à établir que ces agissements n'ont pas emporté une perte de recettes fiscales, alors, par ailleurs, qu'il n'est nullement justifié que l'ensemble des conditions exigées par les dispositions de l'article 271 du code général des impôts pour exercer ce droit à déduction auraient été satisfaites. Par suite, M. C... n'est pas fondé à se prévaloir du principe de neutralité fiscale de la taxe sur la valeur ajoutée à l'encontre des rappels de taxe sur la valeur ajoutée en litige.
12. En troisième et dernier lieu, M. C... ne soulève aucune contestation à l'encontre du bien-fondé de la somme de 359 euros mise à la charge de la société DK Logistic France à titre de cotisation foncière.
En ce qui concerne les pénalités :
13. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : / a. 40 % en cas de manquement délibéré ; / (...) ".
14. En faisant valoir que la société DK Logistic France, compte tenu de l'identité de gouvernance des trois sociétés qui ont participé aux opérations de vente entre la France et la Belgique, ne pouvait ignorer que les deux factures émises le 31 décembre 2008 et le 14 janvier 2010 n'étaient pas conformes aux règles applicables en matière de taxe sur la valeur ajoutée, que la transaction facturée le 31 décembre 2008 avec la société DK France Calortec avait été annulée en comptabilité par cette dernière pour donner lieu à une transaction directe entre les société DK Logistic France et Groupe Calortec et, enfin, s'agissant de la transaction facturée le 14 janvier 2010, que la société DK Logistic France avait été dans l'incapacité d'indiquer l'identité réelle du client et le lieu de livraison, l'administration établit le caractère délibéré des manquements de cette société à ses obligations. En conséquence, l'administration était fondée à faire application des dispositions du a. de l'article 1729 du code général des impôts aux rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à la charge de la société DK Logistic France.
En ce qui concerne l'amende fiscale :
15. Aux termes du I de l'article 1737 du code général des impôts : " I. - Entraîne l'application d'une amende égale à 50 % du montant : 1. Des sommes versées ou reçues, le fait de travestir ou dissimuler l'identité ou l'adresse de ses fournisseurs ou de ses clients, les éléments d'identification mentionnés aux article 289 et 289 B et aux textes pris pour l'application de ces articles ou de sciemment accepter l'utilisation d'une identité fictive ou d'un prête-nom ; / (...) / ; 3. De la transaction, le fait de ne pas délivrer une facture. Le client est solidairement tenu au paiement de cette amende. Toutefois, lorsque le fournisseur apporte, dans les trente jours de la mise en demeure adressée par l'administration fiscale, la preuve que l'opération a été régulièrement comptabilisée, il encourt une amende réduite à 5 % du montant de la transaction ; / (...) ".
16. Si M. C... se prévaut de la décision n° 97-395 DC du 30 septembre 1997 du Conseil constitutionnel énonçant, dans son point 41, la règle suivant laquelle : " lorsqu'une sanction administrative est susceptible de se cumuler avec une sanction pénale, le principe de proportionnalité implique qu'en tout état de cause, le montant global des sanctions éventuellement prononcées ne dépasse pas le montant le plus élevé de l'une des sanctions encourues ", il n'est pas contesté que ni la société DK Logistic France, ni le requérant d'ailleurs, n'ont fait l'objet d'une condamnation pénale. Par suite et en tout état de cause, M. C... n'est pas fondé à soutenir, en l'absence de cumul de sanctions prononcées, que l'administration, en infligeant à la société DK Logistic France les amendes prévues par le I de l'article 1737 du code général des impôts, a méconnu le principe de proportionnalité des peines.
17. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... C... et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.
Copie en sera transmise à l'administrateur général des finances publiques chargé de la direction spécialisée de contrôle fiscal Nord.
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N°18DA02258